Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Title:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Publisher:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Date of Publication:1984
 
Pagination:364
 
Subject:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Temporal coverage:1813-1814
 
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pas le démenti; l’on m’a ajouté qu’ils marchoient tous d’accord sur ce point, et entendoient procurer des changements, qu’ils étoient clans l’attente de l’envoy du mémoire en question, et l’on m’a même chargé de vous dire de leur envoyer un double à chacun d’eux. Ce que je vous marque est donc une Commission qui me vient de bon lieu, vous devez savoir d’où [...].

Tout porte à penser que le «on» est Capodistrias lui-même; en tout cas, les ministres eux non plus n’ont pas changé d’avis et ils vont insister pour obtenir gain de cause. Cette lettre nous fait entrer de plain-pied dans la sombre affaire Duc, Praroman et Chappuis qui empoisonnera les rapports des deux parties dans les mois suivants. C’est à Monod, une fois de plus, que nous emprunterons son récit clair et circonstancié de la genèse de l’affaire:1

[...] Pendant le peu de temps que je fus chez moi lorsque je vins avec mes collègues apporter le nouveau pacte fédéral à Lausanne, j’eus la visite de trois Fribourgeois, MM. de Praroman, beau-père du précédent avoyer de Diesbach, Chappuis, avocat, et Duc. Le plus grand nombre des communes de leur canton, me dirent-ils, avait fait des représentations pour réclamer contre le système qui paraissait devoir s’établir; en réponse, on les avait exécutées militairement et on avait sévi contre leurs chefs; indignés, ils m’assuraient que ce sentiment était partagé par la masse des habitants et me demandaient mon avis. Je leur répondis que d’autres cantons dans leur cas s’étaient adressés aux ministres des Puissances alliées qui étaient principalement chargés de concilier les différents partis, ce qui avait réussi pour plusieurs.

Comme je retournais à Zurich, ils me prièrent de parler de leur position à ces ministres et de leur demander la permission de leur adresser un mémoire. Ils désiraient seulement de n’être pas obligés de le signer pour éviter de nouvelles violences, promettant au surplus que ce mémoire ne contiendrait rien que des faits faciles à vérifier. Je fis ma commission à Capo d’Istria, et Capo d’Istria n’hésita pas à me répondre qu’il le recevrait volontiers. Bien plus, en ayant parlé à ses collègues, tous firent la même réponse.

Une vingtaine de ces opposants à la constitution fribourgeoise, recrutés soit dans l’ancienne noblesse, soit dans les milieux patriotes, se sont rencontrés le 27 août et ont pris l’engagement de «s’aider réciproquement de leurs lumières, de leurs conseils et de leurs biens pour

1. Monod, op. cit., t. II, p. 285-286.

p. 261
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atteindre le Bésultat désiré».1 Ils ont fait imprimer à Lausanne un mémoire sur leurs griefs intitulé «Exposé de la situation politique du peuple fribourgeois»,2 dans lequel ils regrettent, entre autres, que seuls Fribourg et Berne n’aient pas répondu à l’attente des ministres et refusent d’appliquer les principes libéraux.

Cependant l’espoir d’un changement a toujours jusqu’ici entretenu la patience et nourri la modération. Cet espoir s’est fortifié encore, lorsque l’on fut informé que le Gouvernement de Soleur était obligé de renoncer à son système d’exclusion et de reconnaître par une nouvelle constitution, l’égalité des droits politiques, et que cette heureuse mutation dans l’état du peuple Soleurois était l’effet d’une coopération efficace de la part des Ministres des Hautes Puissances; la même perspective sembloit venir à la rencontre des désirs des Fribourgeois.

Reprenons le récit de Monod:3

Sur cette assurance, les mêmes personnes qui étaient venues chez moi se rendirent à Zurich, y présentèrent elles-mêmes leur mémoire, et y furent accueillies. Elles s’en retournaient pleines d’espérance, lorsqu’elles apprirent à Aarau qu’on devait les arrêter à leur retour dans leur canton. Inquiètes, elles rétrogradent et obtiennent des lettres pour leur gouvernement de Capo d’Istria et de Canning. Ces ministres observaient qu’en s’adressant à eux pour présenter des remarques sur la constitution projetée, on n’avait fait qu’user d’un droit que donnait la proclamation même de Fribourg du 14 janvier précédent; que d’ailleurs les ministres des Alliés étaient singulièrement chargés de travailler à arranger les affaires de la Suisse et que, pour y parvenir, ils devaient entendre tous les partis. Ils écrivirent de plus à Schraut, qui était à Berne et qui envoya aussitôt un sauf-conduit à ces trois Fribourgeois. Munis de ces pièces, ces derniers partent avec assurance et sont arrêtés à la porte même de Berne, où était l’envoyé à la signature duquel ils s’étaient fiés.

L’entrevue entre Capodistrias et les Fribourgeois Blanc, Praroman et l’avocat Chappuis est racontée par ce dernier au cours de sa défense lors du procès:4

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman, Duc et Consorts, no 8. L’original du document avec les signatures figure dans les pièces à conviction.

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman..., no 46, imprimé en français, p. 2.

3. Monod, op. cit., p. 286-287.

4. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman..., Défense de Chappuis, ff. 1.4 et 2.1.

p. 262
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Vint le voyage de Zurich, voyage sans préparatif, sans appareil, executé dans le silence, comme dans des intentions de Paix. Le Ministre de Russie en avoit été prévenu, et c’est sur son invitation que l’on se mit en route. A Zurich nous eûmes la délicatesse de lui demander, avant d’entrer en matière, si la Constitution de Fribourg avoit l’assentiment des Ministres des Hautes Puissances, et si, à défaut de cette sanction, on pouvoit espérer quelques changemens estimés utiles, ou même nécessaires. Il nous répondit qu’il recevroit volontiers des explications, et que même il les attendoit.

Nous lui présentâmes en conséquence l’exposé, que j’avois rédigé d’après nos vues communes; nous l’avions fait imprimer, parce que des personnes de poids nous l’avoient conseillé, et parce que nous pensions qu’un imprimé seroit lu avec plus d’attention qu’un manuscrit, mais, tout en consentant à l’impression, j’avois formellement réservé, qu’il n’en seroit point distribué dans le public, et recommandé même toutes les précautions nécessaires, pour l’éviter.

Mr Capo d’Istria nous remit à une nouvelle audience, dans l’intervalle il nous envoya deux exemplaires de la Constitution de Fribourg, en nous invitant à lui remettre à ce sujet des observations par écrit, nous les rédigeâmes en commun, et les lui présentâmes.

Dans une troisième audience il nous dit: le Mémoire est bien, les observations sont biens, mais je vous invite encore à me donner par écrit les moyens d’opérer les rectifications nécessaires. C’est lui même qui, dans cette occasion, nous conseilla de demander 1° qu’il n’y ait point de différence de Bourgeoisie à Fribourg. 2° qu’il soit accordé à la campagne une représentation de la moitié, ouau moins du tiers, en nous observant que c’étoit ce qu’il avoit lui même demandé lors de son passage à Fribourg.

Lorsque nous primes congé, il nous remit une lettre pour Son Excellence Werro, après nous l’avoir lue, en nous chargeant de la remettre à la Poste. Cette lettre renferme l’apologie de notre conduite. Il nous en remit aussi une pour Son Excellence Mr le Baron de Schraut en nous recommandant de la lui apporter nous mêmes, et de conferer avec lui sur son contenu. Mr Strafford Canning Ministre de Sa Majesté Britannique, nous en remit aussi une à la même adresse et pour le même but.

La lettre à de Werro est datée du 24 septembre et les Fribourgeois ont probablement pris congé ce jour-là de Capodistrias, soit deux jours avant son départ à Vienne. Nous en connaissons le contenu grâce à une copie envoyée par de Krüdener au baron Griset de Forell en date du 11 décembre 1814, pour servir à la défense de Praroman.1 La voici:

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman..., 1814.

p. 263
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Copie Son Excellence Mr le Comte de Capod’istria à Mr l’avoyer Werro. 24 7bre 1814.

Monsieur l’Avoyer!

Vos compatriotes Mrs de Praromann, Blanc ancien Conseiller d’Etat, et Chapuis, sont venus à Zurich pour communiquer à moi, ainsi qu’à mes collègues les observations qu’ils croyent devoir faire à la nouvelle constitution, de votre Canton qui vient de paroitre.

Comme cette demarche pourroit être envisagée, par quelques Intolerents, sous un faux Jour, et d’une manière peu favorable, à ceux qui s’en sont chargés, je crois dans mon particulier devoir donner à V.E. quelques éclaircissements, qui tranquilliseront, j’espère toutes les consciences.

Tout Citoyen de Fribourg à le droit de se demander d’après vôtre proclamation du 14e Janvier, si la nouvelle constitution est conforme aux vues libérales, annoncées par les Ministres alliés, dans les communications, qu’ils vous ont faites, relativement à la réorganisation de votre République, et s’il ne peut pas se répondre d’une manière satisfaisante, il a nécessairement le droit d’aller à la source et d’y chercher les notions les plus positives, pour connoitre d’une manière incontestable la decision de Son Sort.

Votre Gouvernement, ne peut donc pas réprouver une Demarche aussi conséquente, et aussi légitime. Je puis vous dire plus, Mr l’Avoyer, il doit même savoir gré à des Citoyens, qui ayant surtout à cœur l’honneur et la Gloire de leur patrie, plutôt que des Interrets personnels, commencent par obéir, avec la plus grande résignation, aux Autorités constituées de leur Pays, et se permettent seulement de faire des ouvertures aux Ministres, dont le but ne peut dans aucun cas, qu’être salutaires au repos et au bonnheur du Canton.

Vous aurez en tems et lieux la conviction la plus satisfaisante, de ce que j’ai l’honneur de vous dire, en attendant ayant tout lieu de croire que V.E. partage mon opinion, au sujet de Ses Compatriotes qui se sont rendus à Zurich, je me dispense de les recommander à Ses bontés.

Je pars dans deux jours pour Vienne ou S.M. l’Empereur a daigné m’appeller auprès de Sa personne auguste.

Je désire cependant que V.E. fasse parvenir à Mr le Baron de Krudner qui reste ici, un mot qui annonce la réception de la présente.

Je pris S.E. etc.

Seulement, entre-temps, on avait arrêté à Berne un étudiant du nom de Frossard qui transportait des lettres compromettantes de Duc à Monod et à des amis à Vienne. Une lettre figurant dans les archives Diesbach, datée de Vienne, le 19 octobre 1814,1 d’un auteur non iden-

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach.

p. 264
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tifié mais partisan des libéraux (peut-être Joseph Vernazza), précise même: «Frossard a été arrêté à Berne, Ses papiers ont été examinés et saisis avec les dépêches dont il était chargé pour le ministre de Russie et le Conseiller Laharpe. C’est un affront qu’ils n’oublieront pas de sitôt ni l’un ni l’autre. En attendant c’est sans doute ce qui a trahi Duc.»

Duc est arrêté le 2 octobre, Blanc, Praroman et Chappuis sont appréhendés le 3 par la police bernoise, sur leur chemin de retour, malgré la lettre de Capodistrias à de Werro et le sauf-conduit de Schraut, et ils seront remis par la suite aux autorités fribourgeoises.

Dès leur arrestation, l’affaire prend la tournure d’un incident diplomatique. Le jour même, Schraut adresse une note indignée à l’avoyer de Watteville:1

Il espère encore que cette arrestation n’est que l’effet d’un malentendu, très extraordinaire assurément, mais qui pourrait toutefois être susceptible d’une explication adoucissante. S’il en était autrement, il a l’honneur de prévenir Monsieur l’Avoyer en charge et le Conseil secret, que les suites d’une telle mesure, si on ne la retire pas incessamment, ne pourront être que très fâcheuses, et pour le gouvernement de Fribourg qui semble l’avoir provoquée, et pour le gouvernement de Berne qui aurait cru devoir s’y prêter.

Le surlendemain, il se fait plus pressant encore:2

[...] si d’ici au 8 ils ne lui font pas représenter par le chef de la police les trois particuliers, désignés dans sa note précédente, il se verra forcé, bien malgré lui, de rompre toute communication avec le gouvernement de ce canton et de quitter immédiatement son territoire; il ne pourra pas continuer sa résidence dans un pays où l’on ose entraver ses communications, intercepter les personnes qui lui sont adressées par Messieurs les Ministres de Russie et d’Angleterre, ses collègues, dans l’importante négociation dont ils se trouvent chargés en commun, rejeter sans égard son passeport et son sauf-conduit les plus formels, le tout sous les prétextes les plus inadmissibles.

Et le 5 octobre, il envoie à l’ancien avoyer de Diesbach, gendre de Praroman, un message rassurant.3

Le 10 octobre, Canning décide de s’adresser directement à l’avoyer

1. Abschied 1814-1815, t. II, p. 21.

2. ibidem, t. II, p. 22.

3. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach, lettre de Schraut au baron de Diesbach, Berne, 5 octobre 1814.

p. 265
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de Fribourg pour s’expliquer. Après avoir rappelé les faits, il enchaîne:1

Je ne pretends nullement, Monsieur, à un droit général de m’ériger en tribunal d’appel entre les Gouvernements et les Gouvernés; mais, vû la position provisoire et mal-assise de ce paysci, et mes instructions de concourir, de concert avec mes Collègues, à sa tranquillité permanente, je dois insister sur celui de me prêter à toutes les communications nécessaires pour cet objet, et exiger que nul individu ne soit lésé à cause de m’avoir fait part de ses sentimens. Les Hautes Puissances Alliées n’ont, et ne peuvent avoir, d’autre intention que celle de rendre à la Suisse le repos et l’indépendance. Pour parvenir efficacement à ce but, il faut examiner les différends, concilier les esprits, accorder les partis, et donner à tous un intérêt commun [...].

Si les individus sus-mentionnés ont été arrêtés seulement à cause de la démarche qu’ils ont faite vis-à-vis de moi et de mes Collègues, j’aime à me persuader qu’après cette explication, le Gouvernement de votre Canton, Monsieur, ne tardera pas un moment à leur rendre la liberté. Ce sera le seul moyen de faire effacer la mauvaise impression, qu’une rigueur aussi mal-placée est propre à produire. Mais si, d’un autre côté, l’arrestation de ces personnes ne doit pas être rapportée à la cause que je viens de nommer, mais bien à d’autres circonstances, qui intéressent la tranquillité de votre Canton; j’invite très instamment Votre Excellence à m’en donner une assurance positive, et y ajouter de telles explications que [sic] puissent m’éclaircir là-dessus d’une manière satisfaisante.

Le même jour, le gouvernement bernois se justifie dans une note circulaire aux ministres de Russie, France, Grande-Bretagne, Wurtemberg et Hollande; il leur communique les notes échangées avec Schraut, persiste à traiter les trois individus arrêtés de perturbateurs de l’ordre public et «regrette beaucoup que ce fâcheux événement le prive de la personne d’un Ministre qui avait soutenu avec lui depuis sept années les relations les plus amicales, dont il avait reçu bien des preuves de bienveillance et d’intérêt, et auquel il a voué une haute estime personnelle».2 Absence qui ne sera pas de très longue durée, puisque, comme le remarque caustiquement Monod,3 «après quelque temps d’attente, Schraut et les ministres qui l’avaient appuyé, ne recevant aucune réponse, oublièrent l’insulte qu’ils avaient reçue. Le ministre d’Autriche,

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Correspondance diplomatique 18141818. Lettre de Canning à l’Avoyer de Fribourg, Zurich, le 10 octobre 1814.

2. Abschied 1814-1815, t. II, p. 23.

3. Monod, op. cit., p. 287-288.

p. 266
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entre autres, après s’être ennuyé quelque temps à Zurich, retourna auprès des vieilles connaissances bernoises avec lesquelles il tenait à faire tous les soirs sa partie pour se délasser de ses travaux diplomatiques».

Entre-temps, les ministres ont reçu un exemplaire de cette malheureuse constitution fribourgeoise et en accusent sèchement réception:1

Les Soussignés ont tardé à accuser au Gouvernement de Fribourg la réception du nouvel Acte de Constitution que leur ont remis les Députés de ce Canton. Cet ouvrage attendant encore son complément dans une partie essentielle, ils ont cru devoir différer les observations auquel il peut donner lieu.

Pendant tout le mois de novembre, le procès Praroman est instruit. Au début décembre, une série d’interventions en faveur des inculpés a lieu: le 11 décembre un vibrant plaidoyer de l’ancien avoyer de Diesbach au nom des parents de Praroman, auprès des ministres, pour qu’ils interviennent en sa faveur;2 le même jour, la lettre de Krüdener au baron Griset de Forell, à qui il transmet la copie de la lettre de Capodistrias à l’avoyer de Werro transcrite plus haut. Il informe Forell que «Mr de Schraut a été chargé de demander au Gouvernement de Fribourg que cette affaire ne soit pas poursuivie. Cette raison aurait pu rendre superflu l’envoi de la lettre de Mr le Cte de Capodistrias mais je me suis fait un vrai plaisir Monsieur le Baron de Vous offrir cette légère preuve de mon dévouement et de mon amitié».3 Le 15 décembre, Krüdener s’adresse à l’avoyer de Werro pour appuyer la demande que Schraut lui a faite le 6 décembre de surseoir au jugement des personnes arrêtées.

Le procès aura lieu dans les derniers jours de décembre. Chacun reste sur ses positions. Dans sa défense, l’avocat Chappuis précise:4

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Correspondance diplomatique 18141818. Note de Schraut et Stratford Canning à l’avoyer de Werro, 23 octobre 1814.

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach.

3. La lettre originale de Krüdener au baron de Forell est datée avec une erreur de Zurich, 11 septembre (au lieu du 11 décembre) et se trouve dans les Archives Diesbach, mais sans la copie annoncée de la lettre de Capodistrias à de Werro du 24 septembre. Par contre, dans le Dossier Procès Praroman figure la copie des deux lettres, avec la date du 11 décembre 1814. Nous sommes surprise d’y lire: «Mr de Schraut a été chargé par Mr le Prince de Metternich», ce qui donne évidemment un tout autre poids à la démarche. Nous nous demandons qui est le copiste qui a fait cette adjonction et souhaitons qu’il n’y ait pas de modification semblable dans la lettre de Capodistrias transcrite plus haut.

4. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman, Défense de M. Chappuis, ff. 4.4 et 5.1.

p. 267
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Nous n’avons d’ailleurs pas même formé de demande expresse, nous nous sommes bornés à demander avis et conseil, et à offrir des explications, pour le cas, ou la Constitution de Fribourg n’auroit pas reçu l’assentiment des Ministres; nous pensions, que, sous leurs auspices et appuyés par eux, nos Représentations trouveraient plus facilement accès auprès de notre Gouvernement.

Enfin c’est une vérité notoire dans toute l’Helvetie, que le Pacte fédéral, et la constitution de chaque canton sont subordonnés à la sanction et à la garantie des Hautes Puissances. Est-il besoin d’une autre considération pour constater la competance de leurs Ministres accrédités auprès de la Confédération et justifier notre démarche ?

Pour les autorités fribourgeoises, s’adresser aux ministres des Puissances alliées est un acte de trahison. Et l’on retiendra comme chef d’accusation contre plusieurs inculpés non seulement l’«Exposé de la situation politiquedu peuple fribourgeois» déjà mentionné, mais aussi un premier mémoire envoyé à Capodistrias, dans le courant du mois de mai. Dans son rapport, le président de la Cour d’appel, l’avoyer Techtermann, s’y oppose et précise:1 «Ce manuscrit signé par Monsr l’avocat Chappuis rédacteur, et Mr de Praroman, d’Affry, et le Président Wicky n’a pu être produit au procès. Mr Chappuis déclare [...] qu’il ne contenoit que des observations sur la primitive constitution de la ville de Fribourg.» Nous connaissons actuellement ce mémoire grâce à la copie qui se trouve dans les papiers d’Henri Monod2 et pouvons constater que ces affirmations étaient rigoureusement exactes.

Le jugement avec les lourdes peines auxquelles sont condamnés les accusés est publié sans commentaire dans plusieurs journaux.3 Mais le fait que l’on retienne comme criminelles les relations qu’ils ont entretenues avec les ministres, et en particulier avec Capodistrias dont le nom est plusieurs fois cité dans les actes du jugement, suscite une vi goureuse réaction de la part de Krüdener, qui écrit le 7 janvier au président de la Diète, le bourgmestre de Wyss:4

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg. Dossier Procès Praroman, Copie du rapport de Techterman, président du tribunal d’appel et avoyer, fait dans la séance du Conseil d’appel le 29 décembre 1814, f. 1.

2. BCU, Fonds Monod Ko 17, publié dans Monod, op. cit., t. II, p. 424-427.

3. Par exemplé dans Der Schweizerfreund, 5 janvier 1815, n° 1, p. 4-5 ou la Gazette Gazette de Lausanne, no 1, mardi 3 janvier 1815.

4. Abschied 1814-1815, t. II, p. 27.

p. 268
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Zurich, le 7 Janvier 1815.

Monsieur le Président,

Votre Excellence voudra bien permettre que je Lui exprime toute ma surprise de la manière dont je vois paraître le nom de Monsieur le Comte Capodistria dans les actes du procès criminel qui vient d’être jugé à Fribourg, et dont plusieurs journaux de la Suisse publient le résultat. Des citoyens de Fribourg sont déclarés criminels et subissent la flétrissure d’une condamnation, pour avoir eu des relations, qui n’étaient que trop autorisées par leur but et par les circonstances, avec le Ministre de Sa Majesté l’Empereur de Russie. C’est ainsi que le gouvernement de ce canton se permet d’insulter à la fois, et la mission politique et le caractère personnel de celui à qui l’Empereur a daigné confier l’exécution de ses vues aussi bienveillantes qu’éclairées à l’égard des peuples suisses. Je sais, Monsieur le Président, que la Diète n’a pas de pouvoir sur les actes des cantons lorsqu’ils sont indépendans des obligations fédérales. Mais dans tous les temps les constitutions de la Suisse ont prévu les cas où la conduite de l’un des Etats venant à compromettre les intérêts et les principes de la Confédération, il appartient à la Diète de l’en avertir et de le désavouer. La Diète a trop bien su exprimer en toute occasion les justes sentimens que lui inspire la sollicitude active des monarques alliés en faveur de la Suisse, pour rester indifférente à tout ce qui blesse les égards dus à leurs Ministres.

J’ose espérer, Monsieur le Président, que Votre Excellence reconnaît la justesse de mes observations, et que les résolutions de la Diète sur le fait dont je viens d’avoir l’honneur de l’entretenir, feront hautement paraître combien il est étranger à ses sentimens.

J’ai l’honneur d’être avec la plus haute considération, Monsieur le Président, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur,

Le Baron de Krüdener.

Ce n’est que le 18 janvier que le Président de la Diète communique cette note aux députés. Celui de Fribourg s’étonne de la démarche qu’il estime inadéquate; mais la majorité des députés décide de confier à la commission diplomatique le soin d’examiner l’affaire. Un rapport est présenté le 1er février qui cherche à ménager les susceptibilités. Plutôt que de suivre la démarche logique qui consisterait à demander des explications au gouvernement de Fribourg et à les faire parvenir au secrétaire de légation, la commission préfère tenter les moyens de conciliation et dans une note à Krüderner, elle réitère l’expression de sa reconnaissance à l’égard de Capodistrias:1

1. Abschied, 1814-1815, t. II, p. 29. Note du bourgmestre du canton de Zurich, Président de la Diète, au baron de Krüdener, Zurich, 1cr février 1814.

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[...] Dans plusieurs occasions la Diète a témoigné le haut prix qu’elle attache à la bienveillance de Sa Majesté l’Empereur, et sa considération particulière pour le Ministre de Sa Majesté, qui, depuis plus d’une année, s’est occupé avec tant d’intérêt des affaires de la Suisse. Ces sentimens sont invariables; sûre que tous les cantons les partagent, le Diète ne peut se persuader que l’un d’eux ait donné lieu de lui reprocher avec justice un manque d’égards envers le Ministre de Sa Majesté.

A Vienne aussi, les considérants du jugement ont créé certains remous; mais c’est surtout un article publié probablement dans une gazette de Berne, que nous n’avons malheureusement pas identifiée, qui suscite l’indignation. Le Fribourgeois Montenach, membre de la délégation suisse, en informe le gouvernement de son canton:1 «Je vous avouerai franchement, que je tressaillis à la vue de cet article, et que je n’y ai pu voir que le résultat d’une indiscretion déplacée, ou d’une inadvertance très blamable. Ce considérant étoit parfaitement oiseux et n’étoit pas nécessaire pour justifier une aussi légère peine, que celle, qui a été infligée a Chapuis il impliquoit un Ministre d’un Monarque assez puissant pour exiger dans ces circonstances des égards pour son représentant. De tout côté il me venait des avis sur la fâcheuse impression que causait cette bévue et sur le public et sur le collège des ministres.» Montenach fut convoqué le 11 février par Metternich et Nesselrode, qui tenaient à traiter l’affaire confidentiellement. Au cours de l’entretien, il essaya de se dérober en arguant qu’il était à Vienne représentant de la Confédération et non de Fribourg. Il fut néanmoins chargé de transmettre à son gouvernement une note verbale remise par Capodistrias lui-même. En fait, c’est plus qu’on n’en attendait de la part de Metternich, qui n’avait guère appuyé son ministre Schraut dans ses démarches de décembre !

Le 27 février, le gouvernement de Fribourg rejeta la note, puis les bouleversements provoqués par le retour inopiné de Napoléon de l’île d’Elbe, en mars, firent passer ce genre d’affaires à l’arrière-plan; mais en juillet 1815, le Grand Conseil fribourgeois finit par se rallier au principe de l’amnistie.2 Lors de la révolution libérale de 1831, les condamnés

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Dossier Procès Praroman, f. 51. Lettre de Montenach au gouvernement de Fribourg, Vienne, 15 février 1815, avec copie de la note verbale adressée au Conseiller de Montenach par le prince de Metternich et le comte de Nesselrode (de l’écriture de Montenach). Cette note figure dans Abschied 1814-1815, t. II, p. 30.

2. Histoire du Canton de Fribourg, t. II, p. 786.

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pour opinions politiques en 1814 seront déclarés «avoir bien mérité de la patrie» et ils seront indemnisés au point de vue financier.

Capodistrias et la Commission diplomatique

Les affaires tessinoises et fribourgeoises nous ont portés très loin au-delà de la date de départ de Capodistrias de Suisse. Au moment de ce départ, le 27 septembre probablement, Capodistrias avait tout juste reçu les Fribourgeois contestataires, et les troubles au Tessin battaient leur plein. Mais il n’avait pas de raison d’être trop inquiet à ce sujet: il imaginait que son absence serait de courte durée, comme cela avait été le cas lors de son séjour à Paris; il pouvait compter en Suisse même sur la compétence du baron de Krüdener auquel il confie les affaires courantes. Et pourtant, il a tout de même l’impression d’avoir achevé heureusement sa mission; et le bilan, il le dresse lui-même aussi bien dans une lettre à son père, que surtout devant la commission diplomatique qu’il a réunie une ultime fois chez lui.

Dans la lettre à son père, il écrit:1

Les affaires de la Suisse sont terminées. La Diète a ratifié, à la fin, la constitution fédérale. Et une députation va partir pour Vienne, pour demander la sanction des Souverains Alliés, et pour obtenir la restitution des provinces suisses encore occupées par les troupes autrichiennes.

La fin d’une négociation aussi compliquée m’a coûté des peines infinies et des voyages et des écritures et des épreuves et des constitutions et des projets — Mais, peu importe. Ces excellentes gens m’ont comblé de marques d’amitié et de sincère cordialité. La confiance dont ils m’honorent m’a grandement dédommagé de tous mes efforts. S’ils peuvent à l’avenir être heureux, et jouir de leur indépendance, j’estimerai n’avoir perdu ni mon temps ni ma peine.

On peut être surpris de trouver dans un compte rendu aussi général l’allusion aux territoires encore occupés par les armées autrichiennes, soit la Valteline, et peut-être le Fricktal. La Diète ne semble absolument pas préoccupée par la question à ce moment-là. Capodistrias avait-il déjà des raisons de craindre les ambitions autrichiennes à cet égard ?

C’est dans la réunion qu’il a tenue chez lui le 26 septembre, à la

1. A.I.K., t. III, p. 254, no 95, no 018, Zurich, 29 août/10 septembre 1814. Nous traduisons de l’original italien.

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veille de son départ, avec la commission diplomatique, que Capodistrias a jeté un coup d’œil rétrospectif sur sa mission et fait en quelque sorte son testament politique suisse. Monod a résumé immédiatement en rentrant chez lui ce qui s’y est dit;1 plus tard, il a mis en forme ses notes et les a élaguées dans ses Mémoires.2 Ce dernier texte ayant été reproduit en grande partie tant par Van Muyden3 que par St. Lascaris,4 il nous paraît préférable d’utiliser ici la première version, plus spontanée:

Resumé de ce qui s’est dit à la Conférence de la Commission chez Mr le Cte de C(apodistrias).

Après un compliment sur le départ par Mr le B(ourgmestre) Escher, Mr le Ce de C. a dit: «Je desirerois vous laisser calmes et tranquilles, il n’a pas tenu à moi que cela ne fut, s’il en est autrement, ce n’est pas faute d’avoir respecté votre Indépendance, et l’honneur national. Vous savés que nous étions revenus de Chaumont avec une instruction signée de mon Maître, de l’Empr d’Aut(rich)e et du B(oi) de Prusse, par la quelle dans le cas où vous ne tomberiés pas d’accord promptement sur votre organisation, nous étions autorisés à nous environner d’hommes probes, connoissant les intérêts de votre Pays et à vous en donner une. Mr Heer icy présent connoit si bien cette pièce qu’il a eû la complaisance de la traduire en allemand. Mais nous avons cru que vous vous entendriés, pourquoi cela n’a t il pas eû lieu? C’est qu’à cette époque comme à toutes celles de votre histoire, les événements du déhors ont influé sur ceux de l’interieur. Lorsque en fevrier ou mars les Alliés s’avançoient en France, le système des 13. Cantons prévaloit parmi vous; bientôt après, Napoleon paroissant reprendre quelqu’ascendant, y ayant quelqu’apparence qu’il pourroit régner encore en France, vous consentîtes enfin à revenir au système des 19 Cantons, que par notre déclaration de Janvier nous avions pris pour base de l’organisation de la Suisse, vous pensâtes qu’en y adhérant celui qui avoit dominé l’Europe pourroit être satisfait, et ne vous donneroit pas quelqu’atteinte. La paix de Paris étant survenue, vous avés cru pouvoir vous roidir de nouveau; vous aviés fait un pacte fédéral fondé sur des principes que nous vous avions développés ensuite de ce que Chacun de vous nous avoit dit; vous le rejettâtes, quoique vous eussiés paru l’approuver et qu’il fut le résultat de vos idées. Vous etes revenus à un nouveau pacte, je doute qu’aucun de vous le trouve bon et propre à assurer le bonheur et la tranquillité de votre Patrie; quant à moi je le crois mau-

1. Monod, op. cit., t. II, p. 429-432 (BCU, Fonds Monod Kc 7, 4 pages manuscrites).

2. ibidem, t. II, p. 289-293.

3. Van Muyden, op. cit., p. 140-141 (extraits).

4. St. Lascaris, op. cit., p. 59-60 (d’après Van Muyden).

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vais, mais je pense que tout mauvais qu’il est, si vous le voulés tous de bonne foi, et qu’il ne soit pas simplement un papier écrit, encore marchera t’il de manière à vous sauver, car c’est les hommes plus que les Constitutions qui sont l’affaire importante dans le gouvernement. Seulement icy je vous observe qu’au moment où vous l’avés contracté, vous commencés à le mettre de côté. Croyés vous que ce soit un moyen de le consolider». La dessus il s’est étendu sur l’affaire du Tessin, sur le projet de la Commission d’établir un gouvernement provisoire dans la Levantine, il a dit que l’ayant appris par M. Zellweger, il n’avoit pu qu’en être scandalisé et le faire connoitre; qu’on avoit sans doute fait quelque changement, mais qu’on laissoit voir qu’on ne marchoit pas réellement dans le sens de l’acte fédéral. Il a fait sentir que de cette manière d’agir résultoit la continuation des troubles de S. Gall, qu’on croyoit favoriser par là Schwitz et Glaris, et qu’on pourroit bien arriver à un terme au quel on ne s’attendoit pas, de favoriser l’Abbé de S. Gall. Il a pris occasion de là de s’expliquer sur le statu quo, et a demandé si on entendoit par là l’état dans lequel chaque pays se trouvoit, et ainsi l’anarchie du Tessin; que ce statu quo ne pouvoit être que l’établissement de l’ordre constitutionnel, et qu’il ne pouvoit en résulter aucun inconvénient pour les prétentions des autres cantons, puisqu’il étoit décidé qu’on les mettroit également en règle.1 Il a conclu par dire, qu’on pouvoit se faire des idées differentes sur le sistême de l’emp(eur)r de Russie, mais qu’il etoit impossible de ne pas reconnoitre, qu’il étoit complètement desintéressé dans les affaires de la Suisse, et que Son unique but en s’en mêlant étoit son bonheur, qu’il ne savoit si on pouvoit en dire autant des autres Puissances. Quant à lui il ne cacheroit pas que personnellement il avoit dû être vivement affecté de la manière dont avoient été reconnus Ses efforts, qu’il n’en portoit pas moins le plus sincère intérêt à la Suisse, et qu’on pouvoit être sûr qu’il n’auroit pas d’autres vue dans ce qu’il pourroit avoir à dire à l’Empereur, que cependant il devoit lui rendre un compte fidèle de ce qui s’étoit passé, mais qu’il ne tiendroit pas à lui que dans ce moment qu’on pouvoit regarder comme une des crises les plus importantes dans les quelles se soit jamais trouvé ce pays, le résultat ne fut heureux pour elle, et ne satisfit, autant que possible, les partis qui la divisent.

1. Ce passage, depuis «Il a pris occasion...» est rajouté dans la marge et ne figure pas dans les Mémoires.

2. Le nom de Reinhard est rajouté en suscription, d’une autre encre; dans ses Mémoires, Monod rectifie «Le bourgmestre Escher», ce qui doit être plus exact, si nous nous référons à la première phrase de ce texte (et à la lettre que Capodistrias écrivait à Paul Usteri le 21 septembre, où il faisait allusion au départ de Reinhard pour Vienne). Nous pouvons en déduire que Monod n’a guère plus d’estime pour l’un que pour l’autre !

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Μ. le bourgmestre [Reinhard]2 a repondu par des remerciements, des recommandations, et en général d’une manière assés insignifiante.

M. de Mül(inen) [en surcharge: de Mülinen] en disant qu’on ne pouvoit tout à fait disconvenir de la vérité du tableau a ajouté que p(ou)r arriver à une heureuse issuë, il étoit absolument nécessaire de donner quelque satisfaction aux anciens Cantons, il a parlé des obligations que leur avoit la Suisse qui leur devoit son existence, des sacrifices qu’ils avoient fait, ou qu’on leur avoit arraché, et dont il étoit indispensable de les dédommager, si on vouloit établir quelque chose de stable en Suisse. Un autre objet, a t’il dit, eût encor été nécessaire à ce but, il eût fallu que les Constitutions et l’esprit du gouvernement des nouveaux Cantons se fussent plus rapprochés de ceux des anciens Cantons, que malheureusement il y avoit dans ceux là une tendance à une espèce de propagandisme qui menaçoit toujours la tranquillité intérieure.

M. But(timann) [en surcharge] a appuyé M. De Mül(inen); d’ailleurs il a parlé du statu quo, et a convenu qu’il falloit le maintenir, mais que cependant il étoit à souhaiter qu’on le fît de manière à ménager d’anciens Cantons comme Schwitz et Unterwald, dont ils connoissoit les têtes, que le maintien du statu quo n’excluoit pas la prudence.

M. de C. a répondu à cela, que sans doute on devoit aviser ces Cantons que l’organisation de S. Gall ne nuiroit en rien à leurs droits, mais que la tranquillité exigeoit que cette organisation eût lieu, et qu’on devoit l’établir. Que si après cette explication, ces Cantons étoient raisonnables, tout seroit fini, que s’ils ne l’étoient pas, il falloit bien les convaincre qu’on ne se laisseroit pas detourner par des criailleries et des menaces.

M. Heer a dit que quant à son Canton [Glaris], il resteroit tranquille sur l’assurance qu’on lui donnoit; qu’il etoit à desirer que le Canton de S. Gall voulut déclarer officiellement que la mise à exécution de sa Constitution ne nuiroit en rien aux prétentions des autres Cantons sur les parties de Son territoire, au moyen de quoi il esperoit que cela tranquilliseroit Schwitz.

M. M(onod) a témoigné qu’il ne pouvoit disconvenir de la vérité du tableau tracé par M. le Cte de C., s’il avoit essuyé quelque peine dans Sa mission, il devoit croire que ce n’etoit ni à son Canton, ni à sa deput(atio)n qu’il falloit l’attribuer, ayant toujours suivi la route qu’ils s’étoient tracée dès le commencement. Ainsi que M. de M(üline)n l’avoit dit, il croyoit que l’union de la Suisse tenoit essentiellement à deux choses, la décision des prétentions elevées par quelques Cantons, et la Constitution de quelques uns. Quant aux prétentions, par les quelles on demandoit que les anciens Cantons fussent satisfaits, pour les apprécier je prévis d’abord qu’on voulut se reporter en arrière. En Xe [=décembre] un seul Canton en avoit formé; tous les autres les avoient

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repoussées, deux des membres qui étoient présents eux mêmes, j’en attestois le décret du 21 Xe [décembre]. Ainsi pour tous ces Cantons excepté un, loin qu’on formât des prétentions, on les repoussoit. Qu’étoient en effet des prétentions de territoire pour les Cantons Démocratiques? Bien qui leur fut utile, puisqu’ils ne vouloient et ne pouvoient pasréta blir de bailliages. Il ne restoit donc que les prétentions de Berne, à cet égard je demandois s’il etoit question de rétablir Berne ce qu’il etoit avant la révolution, que la chose étoit impossible, que Berne même en convenoit. On ne pouvoit donc rétablir, comme dans le 12e ou 13e, lorsque les campagnards étoient serfs, une Bourgeoisie Souveraine, se partageant des bailliages et les revenus de ces campagnes. En ce cas, qu’étoit-ce que ces indemnités qu’on réclamoit pour de toutes autres personnes, et un tout autre ordre de choses? Il ne s’agissoit plus icy de l’ancien Canton de Berne qui n’existoit et ne pouvoit plus exister. Si d’un autre côté on faisoit attention que ces indemnités demandées pour ce prétendu ancien Canton etoient de l’argent, et à ce qu’il paraissoit, de fortes sommes reclamées de nos Cantons, qui les rendroient tributaires pendant plusieurs années de Berne, et ecraseroient nos Peuples p(ou)r faire un trésor à Berne, et faire regretter Son gouvernement à nos gens, je demandois si on pensoit par là rendre la tranquillité et la concorde à la Suisse. Quant à nos Constitutions et à l’esprit de nos gouvernements, je ne croyois pas que cy-devant les anciens Cantons eussent eû à se plaindre des nouveaux, que nous avions eû des relations agréables avec Berne, que nous étions restés tranquilles chez nous sans avoir l’idée de faire envier notre sort à nos voisins, que s’ils l’avoient envié par la comparaison, ce n’etoit pas notre faute; qu’à la vérité nous ne pensions qu’au bien être du Peuple, et que le mal etoit qu’il y avoit des anciens Cantons où, s’il y avoit des Magistrats qui sans doute le vouloient aussi, la pluspart des autres ne pensoient qu’à celui de leur famille. Qu’au surplus notre Constitution reformée nous rapprochoit d’avantage des anciens Cantons, et qu’encor sur ce point je ne voyois rien dans ses principes qui puissent [sic] nuire à l’union des Suisses. J’ai ajouté quant au statu quo, que ce qui s’étoit passé à ce sujet en Diète m’avoit singulièrement étonné, que la difference mise entre le Canton du Tessin à cet égard et celui de Soleure etoit frappante, qu’on ne rappelleroit pas la confiance de cette manière, ni la tranquillité en Suisse, ne doutant pas qu’elle n’ait tenu dans plusieurs Cantons, parce que l’on ne doutoit pas que le décret du statu quo fut observé, mais que si on voyoit biaiser là dessus, on pourroit voir le désordre naître de différents côtés.

M. de M(ülinen) a repris pour prouver l’intérêt que Berne avoit à la reünion de l’Argo vie, — vû que 1’Oberland lui coûtant au lieu de lui rapporter, le reste du Canton se trouveroit soulagé par la réünion de l’Argovie. Quant à Vaud il etoit sans doute

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question d’argent, mais c’étoit pour des propriétés qu’y avoit possédé Berne comme particulier, non comme Souverain; d’ailleurs Vaud auroit sûrement aussi ses réponses et ses observations, et les arbitres n’admettroient que ce qui seroit juste.

Dans ses Mémoires, Monod transcrit son intervention en gardant le dernier mot; alors que Müllinen, très têtu, semble avoir repris la parole et conclu en se rapportant à l’arbitrage.

Le commentaire que Monod ajoute dans ses Mémoires est clairvoyant:1

Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que ce qui fut dit dans cette conférence développe assez clairement et fort succinctement la cause des divisions de la Suisse, et ce qu’il y avait à dire pour et contre, en un mot tout le procès. On ne me répliqua rien. Le résultat de l’assemblée ne fut pas moins celui de toutes les autres, des paroles perdues, verba atque voces, praetereaque nihil. Chacun persista dans son système, et Capo d’Istria partit pour Vienne nous abandonnant à toutes les passions qu’engendre l’esprit de parti, et à la discorde qui, sans la crainte de l’étranger, eût dès longtemps dégénéré en guerre civile.

Ce ministre, la veille de son départ, voulut bien me communiquer les instructions que, d’après les ordres de l’empereur, il laissait à son secrétaire, le baron de Krüdener, qui restait en son absence chargé des affaires de Russie. Il me lut de plus la lettre qu’il avait écrite à Canning qui restait proprement le seul faiseur, ce qui ne nous arrangeait pas trop. Tout ce qu’il me montra se trouvait tellement d’accord avec nos intérêts que c’était proprement ce que nous avions toujours demandé. Il était fâcheux qu’on ne se fût pas prononcé plus tôt d’une manière aussi positive.

Ces directives, Monod les a couchées sur le papier immédiatement après l’entretien:2

Ce qui se passa dans une réunion de députés chez M. de Capo d’Istria à Zurich lors de son départ pour le Congrès de Vienne.

Le 26 septembre 1814, le soir, M. le comte de Capo d’Istria m’a fait lecture de la lettre qu’il avait écrite à M. Canning pour prendre congé, et des instructions qu’il a laissées à M. le baron Krüdener.

Dans la lettre, après des compliments, il dit que M. Krüdener n’est pas autorisé à signer des notes et communiquer officiellement, mais confidentiellement, et que M. Canning est prié

1. Monod, op. cit., t. II, p. 293-294.

2. ibidem, p. 433. Annexe LXXV, Note de Monod sur un entretien avec Capodistrias (26 septembre 1814).

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de donner, lorsqu’il le jugera à propos, des notes au nom de M. de Capo d’Istria, après que M. Krüdener y aura consenti en se conformant aux instructions qu’il lui laisse.

Dans les instructions à M. Krüdener communiquées à M. Canning sont développés les principes à suivre relativement à la Diète et aux cantons en particulier d’après les ordres de l’empereur. Relativement à la Diète: s’opposer à tout ce qui pourrait porter atteinte à l’existence des XIX Cantons et préjuger sur leurs limites; favoriser tout ce qui peut tendre à les maintenir. Relativement aux cantons: s’opposer à tout ce qui peut tenir au système des privilèges, de la souveraineté des bourgeoisies, d’inégalité des individus aux yeux de la loi; favoriser le système représentatif et les principes libéraux. Passant à l’état de la Suisse et à l’application de ces principes, il est observé que Lucerne et Soleure ont modifié leur système tant bien que mal d’après ce qui a été posé, au moyen de quoi ces cantons jouissent de quelque espèce de tranquillité. Berne et Fribourg au contraire ne l’ont pas fait et éprouvent des craintes. Il faudra soutenir ceux qui demandent des corrections à Fribourg, exiger l’abolition du patriciat, la représentation de la campagne pour un tiers; s’opposer à l’influence de Berne et l’engager à changer de système, par insinuation si possible, sinon par autorité. Le Tessin et Saint-Gall: favoriser tout ce qui sera adopté pour y rétablir l’ordre et y mettre en vigueur la constitution; s’opposer à tout ce qui serait contraire et tendrait à en détacher des parties, jusqu’à ce qu’il ait été prononcé à ce sujet. Travailler à faire renvoyer le serment.

Dans ses Mémoires, Monod précise enfin:1

La lettre que Capo d’Istria écrivait à Canning lui faisait part des pouvoirs donné à Krüdener, qui ne s’étendaient pas au point de pouvoir signer des notes et communiquer officiellement, mais seulement confidentiellement, et dans tous les cas conformément aux instructions qui lui étaient laissées, dont copie devait acompagner la lettre. Canning au reste ne tarda pas à être lui-même appelé à Vienne et, à son tour, laissa son secrétaire Addington, fils de lord Sidmouth, qui resta accrédité à peu près sur le même pied que Krüdener.

On taxera peut-être de ruse diplomatique la communication que me faisait Capo d’Istria. Mais quel motif pouvait-il avoir à me tromper? Il ne pouvait en résulter aucun avantage pour lui, ni pour son maître. Ce qui suivit d’ailleurs et le rapport qu’il fit à Vienne de l’état de la Suisse prouvent la sincérité de l’ouverture qu’il me fit. Si l’on me demande dans quel but il me la fit, je ne doute pas que ce ne fut à raison de l’espèce de reproche qu’il se faisait de n’avoir pas terminé nos affaires comme il l’au-

1. ibidem, p. 294-295.

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rait pu, ainsi qu’il en avait convenu avec moi. Il voulait, par sa franchise actuelle, me témoigner en quelque sorte le regret qu’il avait de sa précédente erreur.

Ce dernier passage traduit bien les jugements très différenciés que portent les notables suisses à l’époque sur le ministre russe. En dernier lieu, nous constatons que Capodistrias est parfaitement conscient au moment de son départ que les points névralgiques en Suisse restent Berne, Fribourg, le Tessin et Saint-Gall.

Conclusion

Au terme de ce travail, nous sommes embarrassée de porter un jugement arrêté sur l’œuvre en Suisse de l’homme d’Etat corfiote, ministre du tsar. Nous constatons qu’il s’est passionné pour sa mission; qu’il a fait preuve, dans l’exercice de sa charge, d’une persévérance, d’une perspicacité et d’une puissance de travail peu communes; qu’il a pris très à cœur la mise au point d’un pacte qui conviendrait à cette Confédération d’Etats jaloux de leurs prérogatives, mais qu’il n’a pas réussi à imposer son projet du 20 mai 1814, lequel aurait beaucoup mieux convenu à un Etat du XIXe siècle que celui qui fut adopté.

Il a été honni par les partis extrémistes, le démocratique et plus encore 1’ aristocratique. Mais son œuvre a été appréciée des esprits plus modérés: n’oublions pas que Lausanne et Genève lui offriront en 1816 la bourgeoisie d’honneur. Dans le Pays de Vaud, l’idée en avait germé dès le passage de Capodistrias dans ce canton; à Genève, c’est plutôt pour les services rendus et l’appui constant que Capodistrias apportera à Pictet de Rochemont au Congrès de Vienne que cette distinction lui sera offerte.

Nous retrouvons constamment sous sa plume les termes de «principes libéraux» et de «libéralisme». Mais ce libéralisme nous semble la copie conforme de celui que professe le tsar jusque vers 1815. Nous sommes frappée d’y trouver très souvent les formules chères aux physiocrates et liées au despotisme éclairé; c’est dire que Capodistrias nous paraît disciple surtout de Voltaire, et fort peu de Rousseau. Il est vrai que le seul système républicain fonctionnant normalement à son époque est celui des Etats-Unis d’Amérique et que le pouvoir y repose entre les mains d’une élite intellectuelle et de gens fortunés, et n’est guère démocratique. Et c’est probablement cette prudence extrême de Capodistrias qui provoque une certaine déception chez les libéraux suisses, qui de plus sont déroutés de le voir si à l’aise chez les aristocrates;

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en effet, de par ses origines sociales, il se sent plus d’affinités avec Reinhard, Fellenberg ou Pictet de Rochemont qu’avec Usteri ou même Monod.

Dans ce climat exacerbé par les passions politiques, son souci de conciliation, son opiniâtreté à rapprocher les points de vue forcent l’admiration; mais sa grande souplesse d’esprit, qui lui permettait de faire face aux situations les plus complexes et d’aborder les interlocuteurs les plus divers, a pu paraître — à tort — suspecte à certains. Et pourtant, les contemporains ont été les premiers à reconnaître que, dans l’atmosphère dramatique du moment, seule une intervention étrangère et désintéressée pouvait être efficace. Capodistrias est le seul des ministres étrangers à être resté en poste de novembre 1813 à septembre 1814 et il a incontestablement exercé l’influence la plus déterminante. Pendant tout le Congrès de Vienne, il continuera sans répit à œuvrer en faveur de la Suisse et il semble que, le temps aidant, le sentiment des difficultés rencontrées au cours de sa mission et des vexations subies s’atténuera et qu’il gardera de son séjour un souvenir heureux.

Faute de compétence, nous laissons aux historiens grecs le soin de juger en quoi le travail accompli dans l’organisation de la République des îles Ioniennes a influencé le régime des constitutions suisses; et surtout nous leur laissons le soin d’étudier en quoi les principes appliqués par Capodistrias en Suisse en 1814 ont été repris dans l’organisation de la Grèce en 1827. Maisentre-temps, treize ans avaient passé, marqués par la disparition de toute trace de libéralisme en Russie, par l’influence du piétisme, la prépondérance du système de Metternich et l’échec des révolutions libérales en Europe occidentale. Et en Suisse même, les premières attaques portées contre le régime si laborieusement mis en place en 1814-1815, ne pouvaient que décourager le Président élu de la Grèce de s’en inspirer !

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    pas le démenti; l’on m’a ajouté qu’ils marchoient tous d’accord sur ce point, et entendoient procurer des changements, qu’ils étoient clans l’attente de l’envoy du mémoire en question, et l’on m’a même chargé de vous dire de leur envoyer un double à chacun d’eux. Ce que je vous marque est donc une Commission qui me vient de bon lieu, vous devez savoir d’où [...].

    Tout porte à penser que le «on» est Capodistrias lui-même; en tout cas, les ministres eux non plus n’ont pas changé d’avis et ils vont insister pour obtenir gain de cause. Cette lettre nous fait entrer de plain-pied dans la sombre affaire Duc, Praroman et Chappuis qui empoisonnera les rapports des deux parties dans les mois suivants. C’est à Monod, une fois de plus, que nous emprunterons son récit clair et circonstancié de la genèse de l’affaire:1

    [...] Pendant le peu de temps que je fus chez moi lorsque je vins avec mes collègues apporter le nouveau pacte fédéral à Lausanne, j’eus la visite de trois Fribourgeois, MM. de Praroman, beau-père du précédent avoyer de Diesbach, Chappuis, avocat, et Duc. Le plus grand nombre des communes de leur canton, me dirent-ils, avait fait des représentations pour réclamer contre le système qui paraissait devoir s’établir; en réponse, on les avait exécutées militairement et on avait sévi contre leurs chefs; indignés, ils m’assuraient que ce sentiment était partagé par la masse des habitants et me demandaient mon avis. Je leur répondis que d’autres cantons dans leur cas s’étaient adressés aux ministres des Puissances alliées qui étaient principalement chargés de concilier les différents partis, ce qui avait réussi pour plusieurs.

    Comme je retournais à Zurich, ils me prièrent de parler de leur position à ces ministres et de leur demander la permission de leur adresser un mémoire. Ils désiraient seulement de n’être pas obligés de le signer pour éviter de nouvelles violences, promettant au surplus que ce mémoire ne contiendrait rien que des faits faciles à vérifier. Je fis ma commission à Capo d’Istria, et Capo d’Istria n’hésita pas à me répondre qu’il le recevrait volontiers. Bien plus, en ayant parlé à ses collègues, tous firent la même réponse.

    Une vingtaine de ces opposants à la constitution fribourgeoise, recrutés soit dans l’ancienne noblesse, soit dans les milieux patriotes, se sont rencontrés le 27 août et ont pris l’engagement de «s’aider réciproquement de leurs lumières, de leurs conseils et de leurs biens pour

    1. Monod, op. cit., t. II, p. 285-286.