Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
Title: | Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄ |
Publisher: | Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών |
Date of Publication: | 1984 |
Pagination: | 364 |
Subject: | Ο Καποδίστριας στην Ελβετία |
Temporal coverage: | 1813-1814 |
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maison des Habsbourgs qui a fait carrière en Autriche était originaire d’Argovie et que la lutte pour l’indépendance en Suisse s’est faite principalement contre elle. Au traité de Lunéville (1801), l’Autriche avait renoncé au Fricktal, mais elle pouvait normalement le revendiquer lors des pourparlers de paix. Le 9 avril, Mülinen expose dans une note aux ministres le point de vue bernois:1
Berne a non seulement perdu par la volonté de la France les 2 provinces qui formaient la plus belle et le plus riche moitié de son territoire, mais placée aujourd’hui entre ces 2 provinces administrées d’après les principes révolutionnaires les plus décidés et intimement liées entre elles, sa sûreté, son repos, son existence sont en danger.
Plus loin, passant en revue les territoires qu’on offre à Berne:
Berne revendiquant uniquement ses droits légitimes a constamment respecté ceux de ses Co-Etats. Bienne étant son ancienne alliée ne pourrait lui être réunie que par son vœu libre et volontaire.
Quant à l’Evêché de Bâle, le Porrentruy et le Munsterthal, Berne dans son étendue actuelle croit ne pas avoir assez de ressources pour se charger de pays aussi appauvris [...], il n’aurait pas les moyens de jetter les avances nécessaires dans ces districts, pour les mieux organiser, il ne pourrait établir les bâtiments, les routes, les hospices qui seraient nécessaires. Il ne pourrait entretenir un Clergé dont toutes les dotations sont aliénées [...].
Par contre, les Bernois seraient intéressés par le Fricktal, si la maison d’Autriche voulait bien le leur céder, qu’ils chercheraient à échanger contre le territoire jadis bernois de l’Argovie.
Lebzeltern est embarrassé parce qu’il n’a aucune instruction précise à ce sujet. Le 4 avril, il avait déjà abordé la question dans un rapport à Metternich; il revient à la charge le 14 et semble tout à fait favorable au projet. Il ajoute:2
Quoique M. de Mülinen ne m’en ait rien dit, on m’assure que Berne céderait volontiers à l’Autriche, en échange du Frickthal des fonds que Berne a placés à Vienne. S’il convient à l’Autriche
1. STAATSARCHIV, Berne, Akten des G.R., Band I.
2. W. Martin, op. cit., p. 223.
p. 95
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de garder le Fricktal en entier, il faudrait détruire d’un coup et au plus tôt les espérances que les Bernois conservent.
Mémoire de Capodistrias au tsar
De son côté, Capodistrias informe sa cour le 15 avril et adresse directement au tsar, le 17 avril, un mémoire1 sur la situation en Suisse où il note:
Les intérêts qui divisent ce pays sont de deux espèces. Les uns résultent des prétentions territoriales de Berne, les autres — des prétentions de l’ancienne magistrature au gouvernement.
Les indemnités proposées à Berne devaient opérer la conciliation des uns.
La neutralisation du patriciat dans les anciens cantons aristocratiques devait rapprocher les autres.
Par ces mesures on se proposait d’intéresser tous les partis au système qui devait résulter de leur conciliation réciproque. On voulait ôter par là à l’Autriche ainsi qu’à la France les moyens d’exercer un jour une influence exclusive dans cet Etat.
Après un long développement, il conclut:
Il paraît donc du plus grand intérêt de transiger avec Berne. Cette transaction ne peut se faire par les indemnités offertes. Elle ne les accepte pas et se borne à demander la restitution de ses possessions dans l’Argovie contre la cession que l’Autriche ferait à ce canton du Frickthal. Elle espère obtenir cette grâce de s.m. l’empereur d’Autriche.
Cette proposition aurait en outre l’avantage d’«ôter à l’Autriche les moyens qu’elle s’est ménagés d’intervenir encore plus particulièrement dans les relations intérieures de ce pays».
Dans la seconde partie de son mémoire, il aborde la question du pouvoir central en Suisse et constate la nette préférence des députés pour le rétablissement d’une Diète, et non d’un pouvoir exécutif centralisé:
Ils sont décidés de renforcer et centraliser les liens fédératifs par l’institution d’une diète. Ils attribueraient à cette assemblée composée des représentants des 19 cantons des pouvoirs et des moyens très étendus pour conserver et garantir l’indépendance de la Suisse, pour maintenir son système de neutralité, pour entretenir ses relations extérieures. Cette diète s’assemblerait pour l’ordi-
1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 650-653.
p. 96
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naire une fois par an et elle serait convoquée extraordinairement par le canton directeur même sur la demande des autres cantons.
Il conclut enfin:
Dans cet état de choses quel est la part que v.m.i. m’ordonne de prendre au travail dont la diète actuelle s’occupe?
Les députés qui la composent m’ont manifesté le désir de connaître par écrit mes opinions particulières relativement à leur constitution fédérale.
Je vais les satisfaire et je tâcherai par le plan que je pourrai leur offrir de les persuader d’adopter un pacte fédéral qui réunisse un double avantage, c’est-à-dire celui du système qu’ils désirent le plus et celui du système qui est conforme à l’esprit de mes instructions.
Ce sera le mémoire du 21 avril (Document n° 40) dont nous parlerons un peu plus loin.
Capodistrias est parfaitement conscient que la proposition bernoise sur l’échange du Frickthal va à l’encontre de ce qu’a affirmé jusque-là l’empereur aux différentes députations de l’Argovie, soit le maintien de l’intégrité territoriale, et que pour le convaincre de changer de politique, il est essentiel que Capodistrias ait l’accord au moins tacite du mentor suisse du tsar. D’où la longue lettre qu’il écrit par le même courrier (Document n° 38) à La Harpe. Après une longue digression, Capodistrias aborde le cœur du sujet, soit la défense de ses deux projets, dont il se doute bien qu’ils ne peuvent être du goût de l’ancien membre du Directoire de la République Helvétique. La Harpe ne répondra pas — par manque de temps, note-t-il en marge de la lettre que Capodistrias lui adresse le 5 mai —, mais la remarque laconique qu’il trace au bas de la lettre du 17 avril est significative: «La possession du Frickthal par l’Autriche est beaucoup moins dangereuse, que la cession de l’Argovie à Berne.»
Ce manque d’instructions sur la question du Frickthal, les deux ministres sont bien obligés de l’avouer aux Bernois qui les pressent dans une note du 15 avril. Ceux-ci s’estiment trompés et décident d’envoyer auprès des souverains à Paris l’un des leurs, B.-L. de Murait, alors que les Argoviens, se sentant menacés dans leur intégrité territoriale, ont dépêché le député Hurner. En fait, ils ne semblent avoir ni l’un ni l’autre obtenu les audiences nécessaires.1
1. W. Martin, op. cit., p. 224-225.
p. 97
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Nouveau contact avec Pestalozzi
Au cours de cette même période, Capodistrias reprend contact avec Pestalozzi, qui, se débattant dans des difficultés financières chroniques avec son institut d’Yverdon, serait heureux d’obtenir un appui moral et financier de la part de l’empereur de Russie. La lettre que Pestalozzi écrit le 14 avril dans ce sens a disparu; mais Capodistrias lui répond le 18 (Document n° 39):
[...] Persuadé que le public ne pourra rester indifférent à l’invitation, de concourir par les souscriptions au succès de vos établissemens pratiques, je serai charmé de vous donner une preuve de l’intérêt que j’y prends en mon particulier. Je me ferai un devoir de porter à la connoissance de l’Empéreur, avec l’ouvrage dont vous me parlez, le besoin qu’ont vos projets d’un appui éffectif. Il serait nécessaire que Vous me fassiez parvenir une lettre à S.M. renfermant Votre vœu à cet égard [...].
Lettre dont le ton mesuré et prudent contraste avec l’enthousiasme de la réponse de Pestalozzi:1
Zurich.
du 6e mai 1814.
Du moment où j’ai reçu la lettre, dont votre Excellence a bien voulu m’honorer, je me suis proposé d’écrire à sa Majesté l’Empereur. Mais je n’ai pas pu venir à mon but, je ne trouve pas de mots qui me satisfassent, et je n’ose pas dire ce que je devais. Depuis que je suis de retour de Bâle, plusieurs de mes amis travaillent à un rapport détaillé des principes de ma méthode et des moyens de leur exécution, mais cela demande du tems, et je ne voudrais pas même présenter le mémoire avant que d’avoir pu mettre sous vos yeux la vérité des premières assertions sur lesquelles je fonde mes espérances. Celles-ci sont grandes, j’envisage mes expériences et leurs résultats comme un acheminnement sûr et incontestable d’une instruction et éducation nationale. C’est pourquoi je vous supplie au nom de l’humanité, ne quittez pas la Suisse avant d’avoir vu mon établissement, avant que vous ayez pu examiner le point où nous sommes! Je n’ose pas vous dire tout ce que je pense sur ce sujet, mais mon cœur palpite, quand je pense ce que l’Empereur peut faire sous ce rapport pour l’humanité et qu’il fera certainement s’il en a la conviction. Il y a des personnes qui croyent que je devais me présenter personnellement avec mon mémoire à l’Empereur et pour cela faire le voyage de Paris; qu’en pensez-vous? Je supplie votre Excellence de me faire la grâce de me donner un conseil, ma confiance en vous
1. J. H. Pestalozzi, Sämtliche Briefe. t. IX, p. 133, n° 3692.
p. 98
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est sans bornes, votre noble cœur vous attache à mes vues et à mes espérances.
Agréez, Monsieur le Comte, l’assurance du respect avec lequel j’ai l’honneur d’être de votre Exellence le très humble et très obéissant serviteur.
Pestalozzi.
P.S. Je vous écrirai plus amplement dans peu de jours.
Nous retiendrons l’invitation pressante faite au ministre de visiter l’institut d’Yverdon, ce qu’il réalisera au cours du mois de juin.
Départ de Lebzeltern
Un événement imprévu intervint à ce moment-là: Lebzeltern fut rappelé. Dès le début mars, ses rapports avec son collègue autrichien Schraut, qui résidait à Berne et était le ministre «de droit et de fait» d’Autriche en Suisse, s’envenimèrent. Schraut était susceptible et beaucoup moins intelligent que son collègue; mais, chose curieuse, alors que Lebzeltern demandait à Metternich d’adresser à Schraut quelques mots aimables pour le calmer, il reçut en réponse l’ordre de raccompagner le pape à Rome et fut accrédité au Vatican les années suivantes. Il présente ses adieux à la Diète le 19 avril.1 C’était une promotion professionnelle importante, mais Lebzeltern fut très déçu de «quitter la Suisse au moment d’y recueillir le fruit de quatre mois d’un travail assidu et difficile», écrit-il à Metternich dans son rapport du 14 avril.2 «Les témoignages de bienveillance personnelle que je reçois de tous côtés contribuent à mes regrets.»
Ses sentiments intimes, il les exprime quelques semaines plus tard dans une lettre à d’Ivernois:3
[...] Jetté par les circonstances et par la volonté de mon Souverain à une extrémité de l’Europe, quoique j’aie été accueilli par mes anciens amis les Romains avec bienveillance et amitié, avec même des démonstrations très flatteuses de satisfaction, quoique je sois près d’un Souverain, auquel je suis personnellement attaché — néanmoins aucune circonstance ne peut me consoler d’avoir quitté la Suisse avant le terme de sa Constitution, avant que les bases de sa prospérité et bonheur futurs ne fussent posées.
1. Sommaire des délibérations de la Diète de 1814 et 1815, p. 60.
2. W. Martin, op. cit., p. 227.
3. BPU, ms suppl. 977, f. 163. Lettre de Lebzeltern à Francis d’Ivernois, Rome, 16 juin 1814.
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J’aimois la Suisse, j’estimois les Suisses, et je travaillois avec une satisfaction réelle à les rallier sous les mêmes principes et les mêmes intérêts.
Mon profond intérêt pour la Suisse, pour votre patrie Monsieur le Chevalier, ne souffre aucune atteinte par mon éloignement et je suis avec ce sentiment tous les Actes, que les feuilles me donnent ainsi que mon ami Capo d’Istria, et tous les progrès du travail de la Diette et de votre confédération avec les 19 Cantons.
Il termine avec des considérations concernant plus spécialement Genève; nous en parlerons plus loin.
Jusqu’à l’arrivée de Canning, dans ces semaines d’intense activité de la Diète, Capodistrias, qui regrette profondément le départ de son ami, jouera un rôle prépondérant dans les interventions du trio des ministres, Schraut et de Chambrier ne faisant pas le poids.
Mémoire de Capodistrias sur le projet de constitution fédérale
Le 21 avril, le ministre russe est en mesure de présenter à la Diète «ses opinions particulières relativement à leur constitution fédérale» qu’il annonçait au tsar. Il s’agit d’un long mémoire (Document n° 40) lu confidentiellement à la Diète, nous dit Monod.1
Après avoir constaté que l’évolution des idées au cours des dernières décennies entraîne nécessairement une adaptation des lois et qu’on ne peut donc revenir à celles de l’Ancien Régime sans les repenser, que d’autre part la Suisse ayant reçu l’Acte de Médiation des mains de Napoléon, les Puissances alliées ne peuvent admettre ce régime tel quel, il est donc indispensable que les députés de l’Assemblée travaillent à forger une nouvelle constitution fédérale.
La question la plus délicate à régler est évidemment celle du pouvoir central. Dans l’association d’Etats qu’était la Confédération des XIII Cantons, ce pouvoir n’avait jamais existé; centralisateur à outrance dans la République helvétique, il avait échoué. La formule proposée par l’Acte de Médiation avait été plus heureuse, mais il s’agissait en 1814 de trouver une solution qui satisfasse la majorité des cantons et du peuple. Pour Capodistrias, un pouvoir central est indispensable: «Etablir donc un fort lien fédéral c’est maintenir l’indépendance de la
1. ACV, Régistre des Délibérations du Petit Conseil, 1813-1814, p. 182, d’après la lettre de Monod du 22 avril 1814.
p. 100
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Suisse.» Mais la force de ce lien ne peut résider dans un gouvernement central, et il rejette d’emblée l’exemple américain. «La Suisse est par essence neutre. Sa neutralité doit être fondée sur une inébranlable et imposante inertie.»
Ce mot d’inertie employé, semble-t-il, sans nuance péjorative, dans le sens d’immutabilité, reviendra plusieurs fois sous sa plume. La solution de la Diète, plutôt que d’un gouvernement central stable, lui paraît meilleure pour la Confédération, comme il l’avait déjà exposé au tsar et à La Harpe, à condition que la «nature et l’étendue des pouvoirs» de la Diète soient clairement définies. Ces pouvoirs doivent concerner: le maintien de la tranquillité intérieure; la défense des frontières et le maintien de la neutralité; les relations extérieures (en termes actuels les départements de l’intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères). En développant ces trois points, le ministre estime que la tranquillité intérieure repose essentiellement sur l’harmonisation des constitutions cantonales, et nous verrons que ce souci va le préoccuper pendant toutes les semaines suivantes.
Dépité par l’échec de la levée de troupes demandée par les ministres dans leur note du 5 avril, il est normal qu’il revienne à la charge et dépeigne les risques qu’encourt la Suisse en restant désarmée. Il insiste sur la nécessité de centraliser l’organisation militaire, en la rendant de plus indépendante au point de vue financier.
En temps de paix, le régime reposant sur la Diète réunie annuellement et un canton directeur lui paraît favorable; mais en cas de danger extérieur, la Diète devrait nommer un «Conseil fédéral» de cinq membres, choisis dans des cantons précis, à qui serait confié le pouvoir exécutif. Capodistrias examine en détail ce pouvoir d’exception, alors qu’il reste dans les généralités sur la Diète et le canton directeur. Probablement parce qu’il préconise de recourir à cet état d’exception pour le moment présent, en fixant d’emblée la fin de ce régime intérimaire par l’ouverture de la Diète l’année suivante. Il propose également la création d’une commission d’arbitres qui trancherait des différends entre les constitutions cantonales.
Monod, qui donne un excellent résumé de ce mémoire dans la lettre au Petit Conseil déjà mentionnée, conclut: «Telles sont les idées contenues dans ce mémoire, sur lequel au reste on n’a pas délibéré.» Jugement quelque peu rapide, étant donné que ce rapport allait jouer un rôle important dans les discussions de la Diète jusqu’à l’établissement du second projet de Pacte fédéral présenté le 10 mai.
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Recherche des frontières naturelles
Dans une note du 22 avril 1814 (Document n° 41), les plénipotentiaires revenaient sur l’intention des Puissances alliées d’«assurer à la Suisse une frontière naturelle et forte qui pût toujours être défendue avec succès même contre des forces supérieures.» Il s’agissait en premier lieu de déterminer quelles étaient ces frontières naturelles de la Suisse. La Diète demande officiellement le 26 avril au colonel Finsler un rapport qui fut remis le 3 mai déjà; exposé très clair qui servit de base aux négociations futures.
Ce rapport présupposait comme acquise l’adjonction à la Confédération des XIX Cantons de trois nouveaux cantons: Valais, Neuchâtel et Genève. Du reste, la note des ministres du 22 avril avait pour objet principal d’accélérer le processus d’union de la région de Neuchâtel à la Confédération, et nous pouvons penser qu’elle est davantage l’œuvre de Chambrier, ministre du roi de Prusse, lequel conservera jusqu’en 1857 ses droits sur la principauté devenue par ailleurs canton de plein droit.
Dans son rapport, Finsler envisageait la renonciation à certains territoires autrefois alliés de la Confédération, mais impossibles à défendre, comme Mulhouse; par contre, il demandait la rétrocession de nombreux territoires annexés au cours des guerres de l’Empire, soit par la France, soit par ses satellites, entre autres par la République cisalpine; enfin, il envisageait l’annexion de quelques territoires de valeur stratégique qui n’avaient jamais fait partie de la Confédération, comme une partie de la Savoie. Il aboutissait grosso modo aux conclusions suivantes: du côté du royaume de France, la frontière suivrait le cours du Doubs puis la crête du Jura jusqu’au Fort de l’Ecluse. La Confédération renoncerait à Mulhouse et éventuellement à quelques parcelles de l’Ajoie contre la cession du Fort de l’Ecluse et du Pays de Gex (au profit de Genève), du col de la Faucille, de la vallée des Rousses et du fort de Joux.
Du côté du royaume de Sardaigne, la frontière suivrait la ligne des montagnes, soit les crêtes du Vuache, le mont de Sion, le Salève, les Voirons, et pour protéger contre la France la route du Simplon nouvellement ouverte, il importait que la Suisse puisse contrôler la partie de la Haute-Savoie jouxtant la rive sud du Léman — ce qui faisait de Genève un bastion stratégique important sur cette frontière ouest qui avait été la plus vulnérable lors de l’invasion française.
Pour protéger le Valais, le roi de Sardaigne était appelé à céder également le val Formazza et la vallée d’Ossola. Les cessions terri-
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toriales demandées au roi de Sardaigne étaient assez importantes, sans que des dédommagements puissent lui être proposés.
Du côté du Milanais, la frontière suivait les cours d’eau (la Tresa) et les lacs (Majeur, Lugano, Côme). Les revendications majeures portaient sur Bormio et Chiavenna avec la possession du fort de Fuentes et du village de Sainte-Agathe, et sur la Valteline dont il sera abondamment question par la suite.
Enfin, du côté de l’Autriche et des Etats allemands, le cours du Rhin et le lac de Constance sont les frontières les plus évidentes; et si les Hahsbourgs renonçaient à leurs droits sur le Frickthal, il ne restait que la ville de Constance à revendiquer. Par contre, bien qu’il fût sur la rive allemande du Rhin, il n’était pas question de renoncer à Schaffhouse, canton depuis 1501.
Toutes les tractations jusqu’en 1816 porteront sur ces territoires, avec des succès divers. Mais au lieu de délibérer rapidement sur ces questions vitales, les députés feront traîner les choses jusqu’au 2 juin, soit après le Traité de Paris où furent prises un grand nombre de décisions dans ce domaine, et ils laissèrent passer le moment favorable. Enfin, le point de vue de Finsler est purement stratégique. Les députés des cantons protestants, par exemple, ne pouvaient envisager sans inquiétude l’annexion de territoires qui étaient presque tous de population catholique — et les Genevois eux-mêmes se montreront très réticents devant la possibilité d’étendre leur territoire pour cette même raison. Pour d’autres cantons, le désir extrême de renouveler les capitulations militaires avec les rois de France et de Sardaigne les inclinèrent à renoncer à contrarier d’une quelconque manière ces Puissances. Lorsqu’ils furent appelés à se prononcer point par point, les députés furent si peu enthousiastes devant ces possibilités d’accroissement territorial, qu’il est normal que l’échec ait suivi dans un grand nombre de cas.
Pourtant, il est un certain nombre de questions qui furent immédiatement débattues ou résolues par un échange de notes entre la Diète et les ministres au cours des derniers jours d’avril déjà.
Affaire de la Valteline
La plus importante de toutes est l’affaire de la Valteline. Aux yeux de tous, aussi bien des ministres des Puissances alliées dès leurs premières notes, qu’à ceux des députés, il était évident que la Valteline — le premier territoire suisse occupé par les Français — devait être récupérée par la Confédération
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suisse. Comme le remarque judicieusement W. Martin,1 «si les Suisses hésitaient à admettre comme nouveaux cantons d’anciens alliés, ils n’imaginaient pas qu’on pût refuser à la Confédération la restitution d’un pays sujet — c’est-à-dire d’une propriété.» Depuis la fin du XVe siècle, les Grisons (ou Ligues Grises) avaient acquis cette région qu’ils considéraient comme sujette et en avaient conservé la propriété jusqu’en 1797. Il s’agit d’une région d’une très grande richesse agricole — céréales et vin — qui faisait entièrement défaut à l’ensemble de la Suisse orientale.
Malheureusement, c’est aussi une région stratégique importante, pas tellement pour les Suisses que pour leurs voisins. La Valteline était le seul passage possible entre le Tyrol et le Milanais. Il est donc naturel que les Autrichiens s’y soient intéressés chaque fois que dans le cours de l’histoire ils ont mis la main sur le Milanais, et c’est pour contrarier les Habsbourg que le roi de France, au cours de la guerre de Trente Ans, a apporté son alliance aux Grisons qui ont pu s’y maintenir. Mais c’est pour cette même raison que Bonaparte, après avoir conquis le Milanais, occupe la Valteline et la détache en 1797 de l’alliance de la Confédération, à la grande indignation des Suisses qui n’avaient pas encore subi l’invasion française. Et si nous anticipons le cours de l’histoire, c’est bien parce que l’Autriche, à l’issue des longues délibérations du Congrès de Vienne, se retrouvera maîtresse de cette partie de l’Italie du nord, qu’elle conservera la possession, tout à fait injustifiée du point de vue du principe de légitimité cher à Metternich, de la Valteline.
Au printemps 1814, les sentiments de la population de cette région sont difficiles à déterminer. La lourde domination des seigneurs grisons — nous avons vu qu’ils sont très proches d’esprit des patriciens bernois et que certains d’entre eux ont fait partie du comité de Waldshut — n’a pas laissé que de bons souvenirs; mais d’autre part l’anarchie qui règne à la fin de l’existence du royaume d’Italie semble avoir exaspéré une bonne partie de la population qui serait prête à faire partie de la Confédération suisse, à condition que ce soit sous une forme différente que celle de pays sujet, l’idéal étant de devenir un canton.
Rappelons enfin que les Ligues Grises formaient sous l’Ancien Régime une confédération alliée de la Confédération suisse. Mais qu’en 1813-1814, elles hésitaient à se rallier à la Confédération helvétique en tant que canton, prenaient part à la Diète ad referendum et envisageaient de rester indépendantes sous la protection de l’Autriche. Le parti patricien déterminait largement cette attitude, mais les grandes
1. W. Martin, op. cit., p. 285.
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familles avaient l’habitude de s’entre-déchirer depuis des siècles, ce qui complique encore l’imbroglio politique.
La situation en Valteline au printemps 1814 est donc fort complexe: sur place, de multiples intrigues qui créent un climat d’insécurité, ime administration civile et des troupes italiennes à la veille de la débâcle. Dès le 24 février, la Diète des Grisons a décidé d’enrôler pour occuper militairement les anciennes possessions, mais tarde à le faire. Enfin la Diète fédérale est priée par les ministres d’envoyer des troupes pour occuper le territoire au nom de la Confédération.
Le 16 avril, l’armistice est conclu entre le vice-roi d’Italie Eugène de Beauharnais et le commandant de l’armée autrichienne qui occupe le royaume d’Italie. Les troupes des Grisons, commandées par Maximilien de Salis, pénètrent en Valteline pour occuper le territoire, mais devant une résistance inattendue, ils n’osent aller jusqu’au bout. Et de Salis laisse passer le moment opportun. Le 27 avril, la Diète se décide enfin à envoyer des troupes et en informe les ministres alliés,1 leur demandant en fait leur aval. Les ministres y répondent le 30 avril (Document n° 43), approuvant la mesure, avec toutefois deux réserves importantes:
Leurs Majestés Imperiales et Royale verront avec une satisfaction particulière cet acte de la Diète, et les sages dispositions qu’Elle prendra pour procéder définitivement à l’organisation politique de ces contrées.
Les soussignés croient toutefois devoir observer que si le rétablissement d’un lien politique de la Suisse, avec les pays qui viennent d’être nommés ainsi qu’avec Geneve Bienne, le Valais et autres, exige d’un côté que ces pays soient mis dans la pleine et libre possession de leurs droits politiques, il n’est pas moins vrai de l’autre que les XIX Cantons eux mêmes n’ayant point jusqu’a présent conclu leur pacte fédéral, ne semblent pouvoir encore y associer les pays que les Hautes Puissances desirent rendre à la Suisse.
La note est signée par Schraut également, qui ne doit pas connaître le changement politique de sa cour sur cette question.
Le 6 mai, la Diète informe les ministres que des troupes sont en marche2 «et le Colonel de Hauser chargé de leur commandement partira aussitôt que Leurs Excellences auront bien voulu le munir des lettres qu’Elles jugeront nécessaires dans le but de faire reconnaître sa commis-
1. Abschied 1814-1815, t. I, p. 273.
2. ibidem, p. 276.
p. 105
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sion par les Généraux commandant les troupes alliées qui se trouveraient dans les pays susmentionnés.»
Une copie de cette recommandation figure dans le registre de la correspondance des ministres avec le landamman:1
Copie
A Messieurs Messieurs les Commandans Militaires des troupes de Leurs Majestés Alliées.
Monsieur de Hauser Colonel au service de la Confédération Suisse — chargé par la Diète d’occuper militairement avec les trouppes sous son Commandement la Valteline et les Comtés de Chiavenna et de Bormio a reçu d’elle l’ordre de vivre dans la meilleure intelligence avec Messieurs les Généraux des armées alliées, et de s’entendre avec eux sur toutes les mesures rélatives à l’objet de Sa Mission. Ces pays qui faisaient jadis partie de la Suisse doivent lui être rendus par la Volonté des Hautes Puissances Alliées; et cette occupation militaire ayant lieu maintenant à notre demande et pour se conformer aux généreuses intentions de Nos Augustes Souverains, nous prions Messieurs les Généraux des armées alliées de seconder Monsieur le Colonel de Hauser en tout ce qui pourra favoriser l’exercice de Sa Commission.
Zurich le 7e May 1814
Les Envoyés Extraordinaires et Ministres Plénipotentiaires de L.L.M.M.I.I. et R. auprès de la Confédération Suisse
Signés:
Schraut Le Comte Capodistria Le Bn de Chambrier
Pour copie conforme à l’original remis à Monsieur le Colonel de Hauser, et qui devra, dans son tems être déposé à l’Archive federale Zurich le 7e May 1814
Le Chancelier provisoire de la Confédération Suisse
Mousson
Mais entre-temps, Maximilien de Salis, dans l’idée partagée par beaucoup de Grisons de prévenir les «Helvétiens», avait occupé Chiavenna dès le 5 mai. Cette nouvelle provoque l’indignation aussi bien à Milan qu’à Zurich. Le commandant de l’armée autrichienne donne l’ordre d’occupation de la Valteline et ce sont ses troupes que trouvent, lorsqu’ils arrivent enfin, le colonel Hauser et les régiments suisses. Le 11 mai, la commission diplomatique adresse une note indignée aux ministres,2 espérant qu’il s’agit d’un malentendu. Mais aucun ordre d’évacuation
1. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, Correspondance des Ministres des Puissances alliées avec le Landamman, f. 79.
2. Abschied 1814-1815, t. I, p. 283.
p. 106
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des troupes autrichiennes n’est donné dans les jours qui suivent; lors de son passage à Schaffhouse le 7 juin, l’empereur d’Autriche affirma que «cette affaire sera traitée au Congrès de Vienne à la satisfaction de tous». En fait la question reste en suspens.
Neuchâtel Huningue Moutiers-Grandval
Beaucoup moins dramatiques sont les autres affaires: le 28 avril, la Diète répond favorablement1 à la demande des ministres d’accélérer l’union avec Neuchâtel (Document n° 41). Ce même jour, peutêtre échaudée par l’affaire de la Valteline, elle demande aux ministres de préciser vers quelles frontières ils estiment que les troupes suisses doivent être rapidement dirigées et quels seront les rapports de ces troupes avec les troupes d’occupation.2 Les ministres répondent le 30 (Document n° 44) que ce serait la partie «des frontières enlevées à la Suisse par la France, et qui par une suite des intentions bienveillantes des Hautes Puissances Alliées lui seront rendues. C’est à dire les anciennes frontières de la Confédération». Le deuxième point doit être réglé directement et préalablement entre le gouvernement de la Suisse et les maréchaux du quartier général.
Le 29 avril, les députés de la Diète demandent l’intervention des Puissances alliées pour obtenir la destruction de la forteresse de Huningue, construite sur la frontière suisse à l’époque de Louis XIV, tenant par la configuration du terrain sous ses canons la ville de Bâle, qui vient de souffrir considérablement de la longue résistance que les défenseurs de la citadelle ont opposée aux troupes alliées.3 Les ministres s’engagent à transmettre au plus vite à leurs cours respectives cette demande (Document n° 45).
Enfin, les ministres, qui ont reçu une députation des habitants de Moutiers, situé sous l’Ancien Régime dans l’Evêché de Bâle, invitent formellement la Diète le 30 avril 1814 à occuper sans tarder la région, quitte, si la levée de troupes fédérales est trop lente, à ce que les cantons voisins s’en chargent (Document n° 46).
Affaire de la Léventine
Dans les archives de Bellinzone figure également une note des ministres (Document n° 47) aux députés de la Léventine, la vallée la plus importante de l’actuel Tessin,
1. ibidem, p. 241.
2. ibidem, p. 179.
3. ibidem, p. 178-179.
p. 107
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qui relie Bellinzone au col du Saint-Gothard et par là à la Suisse. Du XVe à la fin du XVIIIe, la région avait été sous la domination d’Uri, qui dans l’ensemble avait respecté les anciennes franchises. Dès l’Acte de Médiation, la vallée avait été rattachée au nouveau canton du Tessin. Mais dans une proclamation aux habitants de la vallée, le 19 février 1814, le gouvernement d’Uri annonçait l’annexion de la Léventine, à laquelle il promettait néanmoins une certaine autonomie. La population était partagée dans ses sentiments. Le gouvernement tessinois fit intervenir le landamman Reinhard, la Diète et même les ministres. La question resta en suspens jusqu’à la déclaration du 20 mars 1815 faite au Congrès de Vienne, qui accorda la région au canton du Tessin.1
Par cette déclaration du 1er mai, les ministres prennent leur distance d’une décision qu’ils désapprouvent formellement, soit la sécession d’une région du canton du Tessin. Ils s’opposent surtout au fait qu’une décision de ce type soit prise par un district particulier alors qu’elle devrait être tranchée par l’autorité supérieure; ils estiment qu’une assemblée de commune ne peut se réunir sans l’autorisation du gouvernement cantonal.
Landsgemeinde de Trogen
Entre la rédaction de ces différentes notes, Capodistrias accomplit au cours des derniers jours d’avril un voyage rapide en Suisse orientale. Il est invité par le landamman d’Appenzell (Rhodes extérieures) Jacob Zellweger, un des députés en vue à la Diète de Zurich, à assister à la Landsgemeinde qui doit se tenir le 24 avril à Trogen. Il y est l’hôte de Zellweger et loge dans sa belle maison sur la place, du 24 au 28 probablement. A vrai dire, les témoignages sur ce séjour sont peu nombreux et fragmentaires.
D’abord, un passage d’une lettre du député de Saint-Gall J. P. Reutti2 à Müller-Friedberg du 21 avril 1814. Il le prévient que le comte ne veut pas être reçu officiellement à Saint-Gall. «Ne dites rien en haut», lui a-t-il dit, «je n’aime pas les cérémonies». Il passera tard le samedi soir. S’il veut se reposer pour quelques instants dans une maison, ce pourrait être chez Müller-Friedberg. En fait, le conflit opposant la ville de Saint-Gall à l’abbé Pancrace est loin d’être réglé et Capodistrias ne veut probablement pas se compromettre.
1. Renseignements tirés du DHBS, article Léventine.
2. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Archives Müller-Friedberg, no 117.
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Si nous nous référons à un article d’Edouard Chapuisat1 reposant en grande partie sur des renseignements transmis oralement dans la famille Zellweger au sujet de cette visite, Capodistrias aurait été accueilli par les autorités à la frontière appenzelloise à Vœgelinsegg, entre SaintGall et Trogen, et il aurait gagné Trogen avec les autres invités — le ministre de Hollande, celui du Wurtemberg et des membres éminents de la Diète — sous l’escorte d’une compagnie de hussards et de deux cents hommes d’infanterie, précédés d’un corps de musique. Zellweger fut réélu à sa charge de landamman sous leurs yeux. Certains — c’est la cas de l’envoyé prussien Justus von Gruner, qui traitera quelques années plus tard Zellweger de «confident», de «négociateur» et même d’«espion» de Capodistrias — iront jusqu’à suggérer que l’invitation à la Landsgemeinde de ces hôtes de marque avait pour but d’assurer à Zellweger sa réélection, qui paraissait quelque peu compromise. Soupçon infirmé par Walter Schläpfer dans sa biographie de Zellweger:2 Capodistrias par intérêt folklorique devait assister au moins une fois à l’une de ces assemblées typiques de la vieille démocratie suisse (il s’est aussi rendu à la Landsgemeinde de Glaris au début de juillet3); d’autre part, le peuple appenzellois était assez fier et indépendant pour ne pas se laisser influencer dans son vote par la présence d’étrangers.
Alors que les autres invités partaient immédiatement, Capodistrias restait jusqu’au 28 avril. Il aurait remis, au nom d’Alexandre,4 à Zellweger en souvenir de ce passage une tabatière en or. La visite de Capodistrias fit tout de même une forte impression dans le pays, puisqu’il en existe une remarquable illustration.5 En effet, une gravure à l’aquatinte, avec l’inscription en allemand «La Landsgemeinde de Trogen (Appenzell Bhodes Ext.) du 24 avril 1814, à laquelle assistèrent Son
1. E. Chapuisat, Le Comte Capo d’Istria et le Landamman Zellweger, extrait de L’Acropole, revue du monde hellénique, juillet-décembre 1927, Le Puy 1927, p. 1-6.
2. W. Schläpfer, op. cit., p. 116-117.
3. AEG, PH no 5722. Lettre de Saladin à Turrettini, Zurich, le 2 juillet 1814: [...] «Mr Capo d’Istria part ce soir pour voir la Landgmein de Glaris, et manquera ainsi Mr de Mülinen qui arrive aujourd’hui jusqu’à lundi.»
4. E. Chapuisat, loc. cit., p. 4.
5. Die Kunstdenkmäler des Kantons Appenzell Ausserrhoden, Band II, von Eugen Steinmann, Bâle 1980, p. 25, reproduction; p. 43 G.I. «Die Landsgemeinde in Trogen Canton Appenzell V.R. am 24 Aprili 1814. besucht von Jhro Exellenz dem Russisch-Kaiserlichen Minister Grafen von Capo D’Jstria nebst mehreren Auswärtigen Hohen Staats Personen und einer Mengt fremder Zuschauer.» Nous reproduisons la planche, d’après une photographie qi e nous a aimablement procurée M. E. Steinmann.
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Excellence le Ministre de Sa Majesté Impériale de Russie, le comte de Capodistrias, avec plusieurs hommes d’Etat étrangers et une foule de spectateurs de l’extérieur», dessinée par Johann Jacob Mock d’Herisau et en vente chez lui à Saint-Gall, gravée par Franz Hegi à Zurich.
Capodistrias, touché au plus profond de ses convictions républicaines, dut être impressionné par la cérémonie, qui reproduisait à ses yeux l’assemblée populaire de l’Athènes antique. Tout porte à croire que c’est à sa suggestion que Zellweger invita lors de leur passage en Suisse les grands-ducs Nicolas et Michel à assister à la Landsgemeinde du 3 juillet 1814.
Catherine de Westphalie
C’est probablement au cours de conversations amicales qu’il eut à Trogen avec le ministre plénipotentiaire du roi du Wurtemberg en Suisse, de Kaufmann, que Capodistrias s’engagea à écrire la lettre du 28 avril 1814 (Document n° 42) qui se trouve aux Archives d’Etat de Berne. Il s’agit de l’une des rares lettres avec signature autographe du ministre russe au gouvernement bernois, ce qui montre bien qu’il a évité à tout prix d’intervenir directement dans ce canton (à l’exception de la mission de Krüdener déjà mentionnée), et qu’il restait aux yeux des Bernois le défenseur attitré des Vaudois et des Argoviens. Lettre somme toute assez anodine qui appuie une démarche de Kaufmann: il s’agit de protéger le reine Catherine de Westphalie qui doit passer par la Suisse et d’obtenir qu’on la traite «avec les honneurs dûs à son rang».1 Catherine était la fille du roi du Wurtemberg et l’épouse du frère cadet de Napoléon, Jérôme, roi de Westphalie. Elle avait été attaquée et dévalisée par de «prétendus voleurs» entre Fontainebleau et Auxerre et son père désirait que de pareils incidents ne se répètent pas ailleurs (il n’y a pas de démarches similaires dans d’autres cantons que Berne 1). Les liens de parenté entre Frédéric de Wurtemberg et la famille d’Alexandre justifiaient la très prudente démarche de Capodistrias.
Difficultés genevoises
Dans leur note du 30 avril (Document n° 43), les ministres avaient rappelé que la Confédération helvétique devait rétablir le plus rapidement possible des liens politiques,
1. STAATSARCHIV, Berne, Akten des Geheimen Rathes, Band 19, n° 10. Aeussere Mächte. Zuschriften der fremden Gesandten. 1814-1823.
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ques, non seulement avec la Valteline, mais avec Genève, Bienne et le Valais. Et c’est précisément le lendemain que les plénipotentiaires intervenaient directement dans la vie genevoise par une lettre retentissante (Document n° 48). Mais il est nécessaire, pour en comprendre la portée, de revenir brièvement sur l’évolution de la situation politique genevoise depuis la mission de Pictet de Rochemont et Des Arts à Bâle en janvier 1814.1
Le gouvernement provisoire, composé d’un certain nombre de magistrats issus des familles patriciennes genevoises, qui avait pris le pouvoir le 31 décembre 1813, s’était rapidement trouvé confronté à la Commission centrale du département du Léman, instaurée par le général Bubna pour administrer les territoires occupés, commission composée de Genevois, mais aussi de Gessiens et de Savoyards. Pictet de Rochemont avait déjà sans succès, à Bâle puis à Langres,2 cherché à attirer l’attention de Stein et de Metternich sur cette situation équivoque. Mais le terrain d’entente était difficile à trouver entre un gouvernement qui se considérait maître d’un Etat indépendant et un général qui s’estimait en pays conquis. Conflit latent, qui se concrétisera dans l’affaire des canons genevois, réquisitionnés par l’armée autrichienne, réclamés à cor et à cri par les Genevois — véritable affaire d’Etat jusqu’à leur restitution quelques mois plus tard. Dans la population, cette rivalité s’était traduite par une double imposition qui avait entraîné un mécontentement certain.
Au cours du mois de février, les armées napoléoniennes avaient repris l’offensive. Le général Dessaix, originaire de la région, rattaché à l’armée de Lyon, réussit à occuper Annecy, puis le 27 février, après des combats favorables à Archamps, Collonges et Saint-Julien, il put installer son quartier général à Carouge, aux portes mêmes de Genève, où les armées autrichiennes s’étaient repliées. D’autres troupes françaises pénétrèrent dans le Pays de Gex et menacèrent le Pays de Vaud. Devant l’avance de ces corps d’armée français, plusieurs membres du Gouvernement provisoire de Genève, qui en cas d’occupation auraient
1. Pour cette période de l’histoire genevoise, nous nous référons principalement à: Paul Waeber, op. cit., p. 98 sv.; Histoire de Genève, publiée par la Société d’histoire et d’archéologie (Genève 1956), t. II, p. 43 sv.; Histoire de Genève, publiée sous la direction de Paul Guichonnet (Toulouse-Lausanne 1974), p. 274 sv.
2. AEG, Affaires étrangères 25 d, Missions diplomatiques de Charles Pictet de Rochemont, Bâle - Paris - Vienne, 1814-1815. F. 52, brouillon de Pictet à Stein, Langres, 2 février 1814; f. 53, brouillon de Pictet à Metternich, Langres, 3 février 1814.
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été les victimes immédiates de la vindicte française, se replièrent en hâte dans le Pays de Vaud, si bien que le 2 mars, le Gouvernement provisoire, dans une proclamation d’un ton mesuré et digne,1 résigna ses fonctions entre les mains de Bubna, plutôt soulagé par cette démission, qui s’empressa de remettre les attributions du Gouvernement provisoire à l’ancien maire de Genève, dernier témoin de l’administration française.
Trois semaines plus tard, revirement de la situation: Lyon est reprise le 21 mars par les troupes alliées et le général Dessaix et ses troupes évacuent précipitamment Carouge dans la nuit du 22 au 23 mars. Bubna, pour se rapprocher du théâtre des opérations, établit son quartier général à Chambéry; il est remplacé à Genève par un gouverneur civil autrichien, le comte d’Ugarte, responsable des départements du Léman et du Mont-Blanc, qui s’installe dès le 13 avril 1814.
Peu à peu les membres du Conseil provisoire rentrent à Genève, entre autres Ami Lullin et Des Arts,mais y reviennent en simples citoyens. Ils sentent d’une part une certaine réprobation de la population devant leur abandon de février; d’autre part, ils ne veulent pas reprendre le pouvoir avant que les Alliés n’aient arrêté le sort de Genève et reconnu leur institution. Ce passage d’une lettre de Pictet de Rochemont est fort explicite à cet égard:2
Voyant enfin que nos reclamations demeuroient sans reponse, et réduits à l’inutilité la plus humiliante et la plus pénible, nos magistrats prirent pour resigner leurs pouvoirs entre les mains du Général, le moment où celui-ci mit la ville en état de siege. Il fut le premier à leur conseiller de se retirer en Suisse pour se mettre à l’abri des vengeances dont on annonçoit hautement le projet, en nous menaçant du sort de Hambourg.
Une fois debarassés de toute chance de siege, nos magistrats seront acheminés à rentrer en fonction, mais ils desirent ne le faire qu’avec la certitude d’etre revêtus du pouvoir legal et de la consideration due aux magistrats d’une nation indépendante. Ce vœu fort naturel, et qui tient aux sentimens les plus respectables paroitra tel à V.E., je n’en doute pas; et puisque Genève reprend son indépendance en faisant partie du corps Helvetique, je de-
1. Un exemplaire imprimé de cette proclamation figure, avec l’acceptation de Bubna, dans AEG, Aff. étrang. 25d, f. 84 et dans AEG, R.C. 1814, entre les f. 123 et 124.
2. AEG, Aff. étrang. 25d, f. 88-89. Brouillon d’une lettre de Pictet de Rochemont, probablement au ministre Stein, datée de Rolle, 24 mars 1814. Pictet utilise avec habileté les arguments développés par Des Arts contre le général Bubna, dans une note figurant dans le même recueil, f. 102-105.
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mande si Messrs de C. dl. et Lebzeltern ne pourroient pas etre chargés d’inviter nos magistrats à reprendre leurs places, avec l’assurance qu’ils seront en effet nantis des attributions qui leur appartient [sic], et que notre republique sera traitée à tous égards comme partie integrante de la Suisse.
Lebzeltern avait en quelque sorte prévenu le désir que manifeste Pictet d’une intervention des ministres alliés, en écrivant officieusement à Saladin le 15 mars:1
[...] Cette perspective et l’espoir fondé d’un avenir heureux et tranquille, adouciront j’espère la gêne, et les inconveniens que doivent causer chez vous la présence d’un corps d’armée et la proximité ou est Genève du Théâtre de la guerre.
Quelques difficultés a la confection du pacte fédéral s’etoient elevées en Suisse; Elles seront, je me flatte, applanies sous peu, et nous serons bientôt dans le cas d’inviter votre Gouvernement a envoyer ses députés ici, afin de procéder a l’admission de Genève comme Canton dans la Confederation.
Les motifs qui ont fondé ce désir de votre Canton ont été trouvés par L.L.M.M.I. et R. également avantageux pour Geneve et pour la Suisse; L’existence politique de votre patrie recevra ainsi une double garantie qui lui promet sûreté et bonheur, et Geneve pourvue de moyens mieux adaptés aux besoins de sa population remplira le rôle honorable parmi les Etats fédérés dont elle est bien digne a tous égards.
Le 24 mars, Lebzeltern écrit à Bubna une lettre2 pour le mettre au courant des projets des Alliés au sujet de Genève:
Zurich le 24 Mars 1814
Monsieur le Comte,
Sans les courses fréquentes que j’ai été dans le cas de faire au quartier Général, et dans plusieurs Cantons, j’aurois eu déjà le plaisir de m’adresser directement à Votre Excellence, et de La prier de vouloir bien me faire donner quelques nouvelles sur les opérations de la guerre confiées à ses soins. Les allarmes que l’on a souvent ici sur le sort de Genève, me font desirer d’être à même de les dissiper, et j’y attache un double prix en ce que l’incerti-
1. AEG, Aff. étrang. 25d, f. 86. Copie de la lettre de Mr Lebzeltern à M. Saladin, Zurich, 15 mars 1814; elle est citée en partie par P. Waeber, op. cit., p. 104.
2. AEG, ms hist. 46, f. 419. Copie d’une lettre de Lebzeltern à Bubna, Zurich, 24 mars 1814 (nous omettons les post-scriptum); partiellement reproduite dans P. Waeber, op. cit., p. 105.
p. 113
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tude du Public à cet égard influe défavorablement sur notre travail.
Plusieurs habitans de la ville de Genève m’ont écrit à Chaumont pour m’exprimer leurs inquiétudes sur le transport de leur Artillerie, et ils en tiroient les inductions les plus infondées. Je leur répondis, autorisé par Sa Majesté, en les tranquillisant entièrement sur les vûes des Augustes Souverains alliés, et sur le sort de leur Artillerie, qui leur seroit fidèlement rendue.
J’ai appris depuis mon arrivée ici, où Sa Majesté a daigné me nommer son Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire, que le Gouvernement provisoire de la ville de Genève avoit remis entre les mains de Votre Excellence la gestion des affaires du pays. Elles ne pouvoient certes être confiées à de meilleures mains, et cette mesure étoit propre à mettre Votre Excellence à même de développer tous les moyens de défense, que le pays pouvoit fournir.
Je crois bien faire en informant Votre Excellence des vûes des souverains alliés à l’égard de Genève.
Ayant posé le principe d’améliorer les frontières de la Suisse du coté de la France, et de les rendre assez fortes par les localités pour pouvoir être défendues avec peu de moyens, Leurs Majestés desirent que Genève soit admise d’apres ses vœux, comme Canton dans la Confédération. Elle recevra par là une garantie bien plus solide par le Pacte fédéral, et les obligations qu’il entraîne, que si elle ne formoit qu’un simple Allié et les frontières de la Suisse seront protégées de ce côté. Considérant néanmoins, que la ville de Genève dépendante des pays voisins pour sa subsistance, ne seroit qu’une charge onéreuse pour la Suisse Leurs Majestés sont d’accord de lui obtenir et assurer un territoire qui seroit pris sans doute dans le pays de Gex, et qui donneroit à Genève une frontière de montagnes que la nature semble avoir tracée. Cet arrangement auroit encore l’avantage d’éloigner des bords du Lac Léman le territoire françois, et d’affoiblir son influence sur les Cantons voisins.
Leurs Majestés desirent de même que le Vallais devienne partie intégrante de la Suisse.
Dès que les difficultés relatives à la constitution seront applanies — et elles le seront bientôt — je me propose, de concert avec Mrs les Plénipotentiaires de Russie et de Prusse, d’inviter le Gouvernement de Genève et du Vallais à envoyer leurs députés dans l’endroit qui sera convenu, afin de procéder à leur admission comme cantons.
Genève doit Vous être bien reconnoissante, Monsieur le Comte, puisqu’elle doit à Vos efforts bien concertés le salut de sa ville. Nous n’étions point inquiets au Quartier Général sur son sort, parce que l’on y sait vous juger et vous y apprécier.
D’après l’opération du Général Bianchi, j’aurois cru que le Maréchal Augereau eut été contraint à se retirer tout à fait, mais le Public nous parle de cannonades réitérées entre le Corps que
p. 114
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- Κώστα Δαφνή, Προλογικό σημείωμα
- Γρηγόρη Δαφνή, Ο Καποδίστριας στην Ελβετία (1813-1814)
- Michelle Bouvier-Βron, Avertissement
- La Mission de Capodistrias en Suisse (1813-1814)
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- Τα 22 καντόνια της Ελβετίας του 1815
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- La Landsgemeide de Trogen du 1er avril 1814 / Η Εθνοσυνέλευση του Τρόγκεν, την 1η Απριλίου 1814
- La formation du territoire du Canton de Genève / Η εδαφική διαμόρφωση του Καντονιού Γενεύης
- Billet autographe de Capodistrias à Henri Monod, daté du 11 août 1814 (Document n° 71) / Αυτόγραφο σημείωμα του Καποδίστρια προς τον Henri Monod, με ημερομηνία 11 Αυγούστου 1814 (Έγγραφο αρ. 71)
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maison des Habsbourgs qui a fait carrière en Autriche était originaire d’Argovie et que la lutte pour l’indépendance en Suisse s’est faite principalement contre elle. Au traité de Lunéville (1801), l’Autriche avait renoncé au Fricktal, mais elle pouvait normalement le revendiquer lors des pourparlers de paix. Le 9 avril, Mülinen expose dans une note aux ministres le point de vue bernois:1
Berne a non seulement perdu par la volonté de la France les 2 provinces qui formaient la plus belle et le plus riche moitié de son territoire, mais placée aujourd’hui entre ces 2 provinces administrées d’après les principes révolutionnaires les plus décidés et intimement liées entre elles, sa sûreté, son repos, son existence sont en danger.
Plus loin, passant en revue les territoires qu’on offre à Berne:
Berne revendiquant uniquement ses droits légitimes a constamment respecté ceux de ses Co-Etats. Bienne étant son ancienne alliée ne pourrait lui être réunie que par son vœu libre et volontaire.
Quant à l’Evêché de Bâle, le Porrentruy et le Munsterthal, Berne dans son étendue actuelle croit ne pas avoir assez de ressources pour se charger de pays aussi appauvris [...], il n’aurait pas les moyens de jetter les avances nécessaires dans ces districts, pour les mieux organiser, il ne pourrait établir les bâtiments, les routes, les hospices qui seraient nécessaires. Il ne pourrait entretenir un Clergé dont toutes les dotations sont aliénées [...].
Par contre, les Bernois seraient intéressés par le Fricktal, si la maison d’Autriche voulait bien le leur céder, qu’ils chercheraient à échanger contre le territoire jadis bernois de l’Argovie.
Lebzeltern est embarrassé parce qu’il n’a aucune instruction précise à ce sujet. Le 4 avril, il avait déjà abordé la question dans un rapport à Metternich; il revient à la charge le 14 et semble tout à fait favorable au projet. Il ajoute:2
Quoique M. de Mülinen ne m’en ait rien dit, on m’assure que Berne céderait volontiers à l’Autriche, en échange du Frickthal des fonds que Berne a placés à Vienne. S’il convient à l’Autriche
1. STAATSARCHIV, Berne, Akten des G.R., Band I.
2. W. Martin, op. cit., p. 223.