Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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sent d’eux mêmes fixer leur Constitution. La Suisse déçoit ainsi l’attente et la confiance des Cours Alliés; elle perd en même temps les plus beaux momens et les plus utiles, de paroître d’une manière honorable et digne d’elle au rang des Puissances.

Je vais retourner à Zurich et si en suite de notre nouveau plan les choses ne s’arrangent pas d’après des points de vue d’intérêt général, la Suisse ne devra pas se plaindre des conséquences qui pourront en résulter pour elle.

Votre Pays sera sous peu à même, j’espère, de jouer un rôle distingué dans la Confédération. Je me suis occupé de ses intérêts avec une satisfaction réelle [...].

Enfin, la lettre que La Harpe adresse le 7 mars à son ami saintgallois Müller-Friedberg reflète si bien l’ambiance des pourparlers de Chaumont que nous la transcrivons en entier. Si nous nous rappelons la prévention que La Harpe manifestait à son ami Monod en décembre 1813 contre le «Monsieur du pays d’Ulysse», nous sommes d’autant plus agréablement surpris de l’éloge qu’il fait maintenant du ministre du tsar. Par contre, en ancien ministre de la République Helvétique, il reste beaucoup plus préoccupé de la mise en place d’un gouvernement central fort que des constitutions cantonales chères à Capodistrias. On notera enfin son souci de ne pas paraître l’homme d’un parti (ce qu’il est en fait aux yeux de la majorité des Suisses!), mais de réaffirmer son désir de travailler avant tout au bonheur de sa patrie:1

Monsieur

Il est si difficile de correspondre dans ces tems-ci, que je n’ai pu répondre tout de suite à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 5e Février. J’ai lu avec beaucoup d’attention le Mémoire qui l’accompagnait, et fait mon possible pour tirer parti de son contenu.

On a beaucoup travaillé en faveur de votre turbulent Pancrace2 et de son chapitre. On auroit même voulu revenir sur d’au-

1. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Müller-Friedberg Archiv 1810-1819, MF 32. 10, n°s 89-90. Lettre de La Harpe à Müller-Friedberg, de Chaumont, 7 mars 1814.

2. Pancrace Vorster (1753-1829), de Wil. Personnage très remuant, élu abbé de Saint-Gall en 1796, fut obligé de quitter l’abbaye en 1799, après l’occupation française en Suisse, travailla sans relâche en exil pour le rétablissement de l’ancien régime ecclésiastique. Après l’Acte de Médiation, où fut reconnue entre autres l’existence du canton de Saint-Gall, le landamman Karl Müller-Friedberg (à qui est adressée cette lettre de La Harpe) s’opposa aux efforts que faisait Pancrace à Paris en vue du rétablissement des couvents en Suisse. Les démarches dans le même sens entreprises par l’abbé Pancrace auprès des Alliés en 1814 aboutirent, comme le pressent ici La Harpe, à lui faire attribuer une pension de 6000 florins, par l’acte du 20 mars 1815 au Congrès de Vienne (DHBS).

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très sécularisations, et tout cela Dieu scait pourquoi; mais enfin on paroit s’être converti, et je pense que Mr Pancrace n 'obtiendra rien de plus qu’une Pension, mais vous esquiverez difficilement celle ci, et je pense qu’il ne faudra disputer que sur le Quantum. Si un peu d’argent vous donne la paix, ne la regrettez pas.

La Russie, l’Autriche et la Prusse font maintenant cause commune pour nous procurer un ordre de choses, qui conserve nôtre Liberté et nôtre Indépendance, et leur donne une garantie que nous serons désormais en état de résister à toute Influence étrangère. Tel est au moins le but qu’elles se proposent, et que leurs Ministres sont chargés d’atteindre. C’est aux Gens de Bien, aux Hommes tels que vous, Monsieur, tels que Mr Messmer etc. qu’il appartient maintenant de les seconder.

Si les Suisses ont la sagesse de s’occuper eux mêmes de cette Besogne, sous leurs auspices, elles en seront charmées. Ce ne sera qu’à regrêt qu’el(les) se verroient dans l’obligation de se charger elles mêmes de leur rôle; mais le Gd Plan de réorganiser le système européen ne leur permettroit pas de s’en dispenser.

Ce à quoi les Puissances Alliées mettent surtout beaucoup d’intérêt, c’est à l’établissement d’un Gouvernement central, puisque lui seul sera en contact immédiat avec les Puissances européennes. Les Constitutions cantonales ne les intéressent qu’autant qu’elles pourroient fournir des Elémens de Discorde, capables d’ébranler le Pacte fédéral.

Les nouveaux Cantons demeureront ce qu’ils sont, conformément aux 1ères Déclarations des Puissances, qui ne peuvent et ne veulent pas se donner un Démenti. Tant pis pour ceux qui ont cru, ou agi comme si elles avoient pu se dédire.

C’est un rare bonheur qu’un homme tel que Mr le C. de Capo d’Istria ait été chargé d’un pareil ouvrage. Les conversations que j’ai eu le bonheur d’avoir avec lui m’ont prouvé qu’il étoit très au Courrant, et que ses bonnes intentions égaloient ses Lumières. Il falloit un Homme tel qu’Al. 1er pour choisir un pareil Beprésentant. S’il ne pouvoit réussir, la faute ne seroit certainement ni à lui, ni à son Maître. Faisons des vœux pour (que) tant de peines ne soyent pas inutiles, et partageons entre nous ce que le vénérable H ermite de Sarnen éxécuta tout seid, mérita tout seul.1

Ceux qui s’imaginent que je suis ici pour travailler dans le sens de tel ou tel Parti, sont dans l’erreur: j’y suis au Service de ma Patrie toute entière, de toute la Suisse en un mot que je desire avec ardeur voir libre, indépendante heureuse et digne d’être tout cela. — Y avoir contribué un peu seroit une grande consol(a)tion,

1. Nicolas de Flue, qui par son influence pacificatrice permit à la Confédération d’éviter la guerre civile et de conclure le Convenant de Stans en 1481, sorte de constitution en vigueur jusqu’en 1798. Ce fut également à cette occasion que furent admis en tant que cantons Fribourg et Soleure (DHBS).

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un dédommagement de beaucoup de tribulations. — Veuillez, je vous prie, me rappeler au Souvenir de Mr le Conseiller Mesmer, et de Mrs Küster mes bons anciens Camarades de Haldenstein.1

Nous avançons ici un peu plus lentement qu’il ne faudroit peutêtre, mais d’un pas ferme et qui promet des succès.

Agréez avec les assurances de ma haute considération, celles de mon sincère attachement

Votre très humble et tout dévoué Serviteur.

F. C. Laharpe

Chaumont le 7e Mars 1814.

Retour en Suisse

Pendant l’absence des deux diplomates, la situation intérieure de la Suisse s’était fortement détériorée. Déjà avant de se retirer de la Diète en février, les Waldstätten (Uri, Schwytz, Unterwald) avaient réclamé des compensations financières pour la perte de leurs bailliages, situés principalement au Tessin, et des garanties financières pour les couvents, dépossédés à la Révolution — ce qui avait provoqué des inquiétudes dans les nouveaux cantons de SaintGall, Thurgovie et Tessin, qui ne s’étaient pas sentis jusque-là menacés comme Vaud et Argo vie par les prétentions territoriales de Berne.

Le 2 mars, une conférence réunit à Gersau les Waldstätten, Lucerne, puis Zoug; cette conférence décide de demander la convocation d’une Diète des XIII Cantons, soit de ceux qui formaient l’ancienne Confédération. Désormais, la Suisse est scindée en deux blocs: d’un côté dix cantons, groupant les Etats libéraux et les nouveaux cantons sous l’égide de Zurich, avec Bâle, Schaffhouse, Glaris, Appenzell, l’Argovie, Vaud, la Thurgovie, Saint-Gall, le Tessin; de l’autre, huit cantons, groupant sous la direction de Berne (seul canton protestant du groupe, ce qui l’isole quelque peu) Fribourg, Soleure, Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald et Zoug. Les Grisons, qui tendent à l’autonomie et recherchent la protection autrichienne, restent à part.

Les députés vaudois, qui ont rejoint Zurich pour l’ouverture de la Diète une nouvelle fois ajournée, font pression sur les hommes politiques zurichois pour qu’ils ne cèdent pas à la tentation de réunir une

1. Haldenstein dans la vallée du Rhin abrita un collège modèle fondé en 1763 par le pasteur Martin Planta, que fréquentèrent F.-C. de La Harpe, Pictet de Rochemont, Hans Reinhard, Müller-Friedberg et le futur conseiller d’Etat saint-gallois Messmer.

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Diète des XIII cantons; et c’est donc dans un climat d’extrême tension que Capodistrias et Lebzeltern se retrouvent à Zurich le 13 mars au soir.1

Le 14 mars, les ministres présentent leurs lettres de créance au landamman Reinhard. L’original de celle de Capodistrias, d’une belle écriture russe et signée par Alexandre, figure dans les Archives fédérales,2 suivi d’une traduction en français que nous reproduisons:

Nous Alexandre Ier par la grâce de Dieu Empereur et Autocrate de toutes les Russies

Déclarons par les présentes, que les dispositions amicales dont nous avons constamment été animés pour la nation Suisse, ont servi de détermination à nos démarches vis à vis d’Elle, au moment où les succès de nos armes Nous eurent mis à même de reprimer l’influence prépondérante que la France exerçoit principalement sur ses voisins. Nous avons désiré qu’un pays cèlebre par ses institutions et ses mœurs, la constance et la valeur de ses habitans fût mis à même de recouvrer son entière indépendance, en régénérant librement sa constitution sur des principes propres à rallier tous les intérêts et à donner au pacte fédéral cette force d’union au moyen de la quelle l’Etat helvétique puisse figurer dans le nouveau système de la pacification de l’Europe. Ces considérations ont motivé la déclaration que nous avons donnée de concert avec Notre auguste allié Sa Majesté l’Empereur d’Autriche. Des difficultés se sont opposées à la confection d’une œuvre aussi salutaire pour le bonheur même et la tranquillité de la Suisse. La Diète cependant se rassemblera pour travailler à cette constitution et nous nous sommes décidés à nommer pour résider près de cette Diète des Etats de la Suisse, en qualité d’Envoyé Extraordinaire et Ministre Plénipot[entiai]re, Notre amé et féal le Comte de Capodistria notre Conseiller d’Etat actuel Chevalier des ordres de St Anne de la première classe et de St Wladimir de la troisième classe, l’autorisant et lui donnant plein pouvoir, comme par les présentes nous l’autorisons de faire connoitre de la manière la plus solemnelle l’intérêt que nous prenons aux délibérations de la Diète, quels sont les principes qui nous guident et quels sont ceux d’après lesquels Nous et Nos augustes alliés L.L.M.M. l’Emp[ereu]r d’Autriche et le Boi de Prusse, nous sommes prêts à garantir la nouvelle constitution des Etats de la Suisse, ainsi que son indépendance. En foi de quoi nous avons signé ce notre plein

1. L’indication précise de ce retour est donnée par Monod dans une lettre au Petit Conseil (ACV, Registre des délibérations du Petit Conseil pour les affaires de la Diète, mai 1813-déc. 1814, f. 153).

2. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 39-40, traduction f. 41-42, publié dans Abschied 1814-1815, t. I, p. 29-30.

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pouvoir et y avons fait apposer Notre Sceau Impérial. Fait à Chaumont le 22 fevrier l’an de grace 1814, et de Notre règne la treizième année.

(signé) Alexandre

On se rappelle que les ministres étaient munis de nouvelles instructions dues à la plume de Capodistrias, identiques pour les trois diplomates, instructions qui leur permettaient, si la voie de conciliation n’aboutissait pas rapidement, d’employer des moyens beaucoup plus radicaux. Elles stipulaient entre autres: «2° Vous convoquerez au nom des Hautes Puissances une Consulte composée de membres dont vous trouverez la liste ci-annexée; 3° Vous organiserez cette Consulte et l’investirez du pouvoir constituant; 4° Elle aura provisoirement tous les pouvoirs du gouvernement fédéral.»1 Il s’agissait en fait d’imposer une sorte de gouvernement provisoire chargé de mettre en place au plus vite le nouveau régime. S’ils voulaient éviter d’en arriver là, il fallait pour les ministres agir au plus vite. Alors qu’ils confiaient à Schraut le soin d’amadouer le gouvernement bernois, Capodistrias et Lebzeltern se chargèrent des petits cantons. Monod présente ainsi leur démarche:2

Le plan qu’ils adoptèrent en conséquence fut de s’adresser d’abord aux petits cantons. Beding avait été un des principaux coopérateurs de la convention du 29 décembre; il avait été indigné du rôle que l’on avait fait jouer aux Suisses et de celui de dupe qu’on lui avait fait jouer à lui-même à Francfort. Les ministres comptant, d’après ses sentiments connus, de le faire entrer facilement dans leurs vues, et en ce cas de ramener aisément ses compatriotes auprès desquels il jouissait d’une grande considération, se rendirent chez lui.

Visite qui se situe le 16 mars, de caractère privé plutôt qu’officiel, quoiqu’on en trouve la mention dans le procès-verbal de la séance du Conseil de Schwytz en date du 18 mars.3 Le résultat en fut assez positif, si l’on se réfère à la suite du récit de Monod, et Schwytzois et Uranais se montrèrent très prudents à la conférence de Lucerne les jours suivants.

1. W. Martin, op. cit., p. 214, d’après la copie des Archives de Vienne, sans date. W. Martin pense que ce sont les instructions arrêtées à Chaumont.

2. Monod, op. cit., t. II, p. 232.

3. STAATSARCHIV, Schwytz, Raths-Manuel 1814, Bd 56, Jänner-Juni, p. 171, séance du vendredi 18 mars 1814. La date du 16 mars est donnée par Monod dans une lettre au Petit Conseil (ACV, Rég. des délib., f. 156).

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Le 18 mars, Capodistrias, de retour à Zurich, reprend contact avec Fellenberg (Document n° 30) et, très pessimiste, le met au courant de la situation.

De son côté, Schraut avait dès le 14 mars communiqué au Conseil Secret de Berne un extrait d’une lettre de Metternich, où ce dernier se montrait prêt à reconnaître la Confédération des XIX cantons. Le gouvernement bernois tergiversant, Schraut confirma le 16 officiellement la note de Metternich et eut le 17 mars une entrevue laborieuse avec de Watteville, où il réitéra l’offre d’une compensation territoriale pour Berne prise sur les territoires de l’ancien Evêché de Bâle, annexés au cours des années précédentes par la France.

Echec de la Diète séparée des XIII Cantons

Les huit cantons réactionnaires s’étant assemblés à Lucerne, Berne y annonce officiellement le 20 mars qu’elle renonce au Pays de Vaud mais demande l’appui des cantons présents pour recouvrer ses possessions en Argovie. Deux jours plus tard, Lebzeltern rencontre l’ancien avoyer bernois de Mülinen à Zoug, où il cherche une dernière fois à convaincre les Bernois d’envoyer des députés à la Diète de Zurich. Aussi les deux ministres durent-ils être atterrés de recevoir le lendemain une lettre de l’avoyer de Lucerne, rendant compte des délibérations de la conférence et demandant, au nom des huit cantons, l’appui des diplomates pour la convocation d’une Diète des XIII Cantons.1 Ils y répondent l’un et l’autre par retour du courrier. Voici la réponse volontairement anodine de Capodistrias:2

Copie.

Zuric le 11/23 Mars 1814.

Monsieur l’Avoyer!

Je viens de recevoir conjointement avec Mr le Chévalier de Lebzeltern la lettre, par la quelle Vous nous communiqués la proposition faite par huit d’entre les Cantons de la Suisse à celui de Zuric pour la réunion d’une diète des XIII anciens.

1. Copie d’une lettre de l’avoyer et Petit Conseil de la Ville et République de Lucerne à Lebzeltern et Capodistrias, datée de Lucerne, 22 mars 1814, copie conservée à Schwytz (STAATSARCHIV, Akten 1.12/13), à Berne (STAATSARCHIV, Akten des Geheimen Rathes, Band I) et à Soleure (STAATSARCHIV, Tagsatzungs Korrespondenz von Luzern und Zürich, vom 1. März 1814 bis 31. Dezember 1814).

2. STAATSARCHIV, Schwytz, Akten 1.12/13, copie de la réponse de Capodistrias à l’avoyer de Lucerne, datée de Zurich, 11/23 mars 1814.

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Μ. le Député d’Ury qui nous l’a remise, répartant à l’instant je ne puis encore que vous en accuser par lui la récéption me réservant d’avoir incessament l’honneur d’y répondre en détail.

En attendant je vous prie Votre Excellence d’agréer l’expression de ma considération très distinguée.

Le très humble et très obéissant Servit,

signé / Le Comte de Capo d’Istria

Pour copie conforme Luzerne le 25 Mars 1814

Pour le Chancelier, Ls Frey Secr.

Lebzeltern, lui, dans sa réponse, ne mâche pas ses mots:1

[...] Nous nous serions félicités de voir les Cantons applanir les difficultés de pure forme et travailler d’eux mêmes à la Constitution qui sera uniquement reconnue et garantie par les puissances, d’après le principe irrévocablement établi relatif à l’existence et à l’intégrité des 19 Etats fédérés. Ce principe admis, nous nous serions prêtés avec une réelle satisfaction aux formes et aux voies qui eussent paru les plus convenables à plusieurs d’entre les Cantons.

Le Gouvernement de Lucerne étoit principalement appelé à concourir à ce but, afin de prouver à ses Co-Etats et aux Puissances, que le changement opéré dans son intérieur étoit effectivement salutaire [...].

Les deux ministres exaspérés décidèrent de passer à une intervention plus directe, comme le préconisaient leurs instructions; ils firent imprimer une déclaration «très bien faite», nous dit Monod, dont ils firent circuler l’original en sous-main, notifiant clairement que les Puissances alliées ne reconnaîtraient qu’une Diète des XIX Cantons, et que ceux qui ne s’y joindraient pas ne seraient pas reconnus.2 Texte conçu comme une sorte d’ultimatum qui agit positivement: la Diète de Lucerne se disloqua immédiatement et seul Mülinen protesta au nom de Berne devant le procédé.

1. Lettre de Lebzeltern à l’avoyer et Petit Conseil de Lucerne, datée de Zurich, 23 mars 1814, d’après la copie conservée à Schwytz (STAATSARCHIV, Akten 1.12/13); autres copies à Berne et à Soleure (mêmes références que ci-dessus, p. 86, n. 1).

2. Nous nous référons à Monod, op. cit., t. II, p. 232-233. Le texte sous presse ne fut pas tiré, puisque les cantons obtempérèrent immédiatement. Mais il fut porté à leur connaissance par le landamman d’Appenzell J. Zellweger et le conseiller zurichois David von Wyss, qui avec l’assentiment des ministres se rendirent de Zurich à Lucerne le 24 mars pour convaincre les cantons dissidents de céder. Voir à ce sujet Walter Schläpfer, Landammann Jakob Zellweger von Trogen, Bàie 1939, p. 115-116.

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Note des ministres à Berne

Le 28 mars, les ministres confièrent à M. de Krüdener, chargé d’affaires de la Russie, le soin de porter à Berne une note comminatoire (Document n° 31); nous en retiendrons le passage suivant:

Les Hautes Puissances Alliées [...] sont décidées à faire pour le bien même de la Suisse un usage efficace et salutaire de leur influence, et s’il le faut de leurs moyens, et les Soussignés Envoyés Extraordinaires [...] ont reçu éventuellement des ordres précis et péremptoires dont sous peu de jours il ne sera plus possible de dévier.

S’ils ne les ont point exécutés encore, c’est parce que les assurances qu’ils viennent de recevoir des Députés réunis en conférence à Lucerne leur font espérer qu’une derniere démarche auprès du Canton de Berne, suggerée par le désir de lui témoigner encore une fois leurs égards sera mieux appréciée que les précédentes, et conduira au but salutaire ou tendent leurs Vœux. C’est par ce qu’ils voudraient s’exempter de faire connaître à la Suisse et à l’Europe, d’ou proviennent les difficultés existantes.

Les soussignés s’adressent donc avec confiance au Gouvernement de Berne, persuadés qu’il est parfaitement éclairé aujourdhui sur les vraies intentions des Puissances Alliées, aussi unanimes et aussi invariables que bienveillantes à l’égard de la Suisse, et ils lui renouvellent conséquemment l’invitation d’envoyer leurs Députés à la Diète des XIX Cantons.

Les ministres terminaient par une énumération précise des territoires offerts à Berne en guise d’indemnité. Le Grand Conseil bernois, réuni le 31 mars, se décida enfin par 118 voix contre 55 à envoyer une députation à la Diète de Zurich, mais repoussa la compensation territoriale proposée. La capitulation fut annoncée en ces termes aux ministres:1

La communication importante faite par L.L.E.E. Messieurs les Ministres des Hautes Cours alliées dans leur note datée de Zurich du 14/26 de ce mois, au gouvernement de Berne a été soumise au Conseil Souverain dans les journées d’hier et d’aujourd’hui.

Cette assemblée persuadée des intentions bienveillantes manifestées de la part des Hautes Cours Alliées par leurs ministres résidant à Zurich, étoit également pénétrée de la nécessité d’asseoir les rapports constitutionnels de la Suisse sur des bases de légalité et de justice propres à assurer leur durée et à replacer ce pays

1. STAATSARCHIV, Berne, Akten des G.R., Band I. Brouillon, revu et corrigé d’une autre main, daté de Berne, le 31 mars 1814.

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dans la situation de tranquillité intérieure et de securité extérieure, qui pendant des siècles avoit été considérée comme un objet de quelque importance dans la balance des états de l’Europe. Elle s’étoit convaincue qu’une Diète des XIII Cantons formant le Corps politique avant la révolution opérée par les armes françaises, étoit l’autorité qui partant de ces bases arriveroit le plus tôt et avec le moins de secousses au but salutaire proposé par L.L.E.E. Messieurs les Ministres et désiré par la Suisse même. Cette conviction étoit partagée par Fribourg et Soleure, et plus tard par V autres des plus anciens Cantons lorsque le premier projet de l’assemblée des 19. Cantons réunie en partie à Zurich le 31 Janvier fut communiqué aux gouvernemens cantonaux.

Les communications faites, soit verbalement aux députés des VIII anciens Cantons assemblés à Lucerne, soit par écrit au Gouvernement de Lucerne, et la note du 14/26 de ce mois ont appris au Gouvernement de Berne que L.L.M.M.I.I. et R. ne reconnaîtraient l’existence politique de la Suisse, qu’autant qu’elle aura pour base sa division territoriale actuelle, et l’intégrité des XIX états de la Confédération; L.L.E.E. Messieurs les Ministres communiquant cette déclaration précise au Gouvernement de Berne l’ont invité de la manière la plus pressante à envoyer ses députés à la diète de ces XIX états, convoquée à Zurich.

En conséquence, le Conseil Souverain par déférence et par les égards dûs aux volontés des Hautes Cours alliées, a nommé aujourd’hui députés à la diète L.E. Messieurs l’Avoyer de Mülinen et Monsieur de Sturler ci-devant membre du Petit Conseil et membre du Conseil souverain. Monsieur Fischer secrétaire du Conseil secret leur est adjoint en qualité de conseiller de légation. Ces députés partiront incessamment pour Zurich. Toutefois le Conseil Souverain espère avec confiance, que les conférences avec L.L.E.E. Messieurs les Ministres, leur seront accordées, avant qu’ils prennent séance dans le sein de la diète; et que les objets touchant plus particulièrement les intérêts de Berne, y seront traités d’après l’offre gracieuse contenue dans la note susmentionnée; les députés répondront à teneur des instructions, dont ils sont munis, aux communications que L.L.E.E. voudront bien leur faire à cet égard [...].

Cette capitulation de Berne ne fut pas du goût de tous, puisqu’on vit circuler au cours des semaines suivantes une caricature montrant un ours (Berne) portant sur son dos deux singes (Fribourg et Soleure), tenu en laisse par un cosaque.1

1. Van Muyden, op. cit., p. 102.

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Intervention à Fribourg

Comme il l’avait fait auprès de Fellenberg, Capodistrias écrit à titre privé, le 27 mars, à l’ancien avoyer de Fribourg Diesbach (Document n° 32) pour l’informer de la démarche officielle que les ministres tentent le même jour auprès du gouvernement fribourgeois et pour émettre le souhait que Diesbach soit choisi comme député du canton. Diesbach répond le 29 mars déjà; très flatté probablement, il affirme d’emblée: ...«Les vrais amis de la patrie se félicitent de savoir la Suisse dirigé par des personnes qui comme vous Mr le Comte connoissent tout ce qui doit se faire pour arriver au résultat heureux que nous attendons.» Mais il n’a aucun espoir d’être choisi comme député à la Diète, étant donné l’opposition qu’il a manifestée ouvertement au gouvernement en place. A la suite de ce brouillon, figure d’ailleurs un projet de lettre de recommandation chaleureuse pour le nouveau député de Fribourg, le conseiller Tobie de Buman, qu’il adresse à Capodistrias.1

Nous n’avons malheureusement pas retrouvé la lettre adressée par les ministres au gouvernement de Fribourg, pour la bonne raison que le dossier de la correspondance diplomatique 1803 - juillet 1814 a disparu au cours d’un incendie. En revanche, nous avons le projet de réponse à cette note2, daté du 31 mars. Après s’être longuement justifié sur le changement de régime opéré depuis janvier à Fribourg, le gouvernement cède:

La volonté des Souverains alliés, mus sans doute par des considérations impérieuses, en a décidé autrement, et le gouvernement du Canton de Fribourg n’hesite pas un instant, dès que leur vo(e)u bien prononcé vient de lui être notifié par leurs ministres plénipotentiaires, de lui sacrifier son opinion individuelle.

Le grand Conseil de la Ville et republique de Fribourg s’empresse donc de faire connoitre à L.L.E.E. Mr le Chevalier de Lebzeltern, le Comte de Capo d’Istria, et le baron de Chambrier, qu’il a dans sa Séance d’aujourd’hui nommé ses députés à la diète des XIX Cantons, qui doit se réunir à Zurich, et qu’il les a munis des instructions nécessaires pour concourir à l’œuvre, à la quelle ils sont appellés [...].

Nous nous étonnons de n’avoir trouvé aucun document similaire à Soleure, où les démarches ont dû être parallèles à celles entreprises à

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach.

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Protocole des Délibérations et de la Correspondance de la Commission souveraine du Gouvernement 1814, p. 98, no 81, projet de note à Lebzeltern et Capodistrias, 31 mars 1814.

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Berne et Fribourg. Nous n’avons qu’un témoignage indirect de relations avec les affaires de Soleure, dans la lettre que Capodistrias écrit à Monod (Document n° 34). Le ministre a reçu plusieurs visites du Soleurois Johann-Baptist Frey, qui devait espérer à tort obtenir l’appui des ministres pour renverser le gouvernement soleurois aristocratique. Frey s’est découvert imprudemment et vient d’être arrêté. On remarquera la prudence justifiée du ministre qui ne veut pas se mêler des affaires intérieures d’un gouvernement cantonal, d’autant plus que ce gouvernement vient d’optempérer en envoyant ses députés à la Diète.

Constitution cantonale de Lucerne

Quant au gouvernement de Lucerne, cherchant à se dédouaner aux yeux des ministres, il envoie le 4 avril déjà le projet de la nouvelle constitution cantonale et termine ainsi la lettre qui l’accompagne:1 «Le suffrage unanime, que notre Conseil de cent a accordé à ce travail nous fait connoitre celui de notre peuple, et nous nous flatons que Votre Excellence y trouvera également l’assurance du rétablissement de l’ordre publique sur des bases, qui sont propres à le consolider.»

Capodistrias, très occupé par l’ouverture de la Diète, y répondra avec un certain retard:2

À Monsieur l’Avoyer en Second à Lucerne.

Monsieur l’Avoyer!

Je suis fort sensible à la communication que Vous me faites de la nouvelle constitution de lucerne, et c’est avec un vrai plaisir que j’ai observé, qu’elle est fondée sur les bases de l’accord qui avoit eu lieu à ce sujet à Zurich entre les parties intéressés.

Je me flatte que l’expérience justifiera ce que les nouvelles institutions semblent promettre et que la sagesse qui a présidé à leur établissement s’attachera toujours à concilier tous les intérêts et. à consulter l’esprit du tems.

Rien n’est plus rassurant Monsieur pour le Canton de Lucerne et pour ceux qui s’intéressent à son bien être que le choix des Magistrats à qui il est confié.

1. STAATSARCHIV, Lucerne, Protocole du Petit Conseil, vol. 31b (du 24 février au 30 avril 1814), f. 501.

2. STAATSARCHIV, Lucerne, ibidem, f. 621. L’avoyer en second auquel il s’adresse (ainsi que Lebzeltern, ibidem, p. 622) est Franz-Xaver de Keller. Il s’agit d’une copie de la lettre de Capodistrias à l’avoyer, daLée de Zurich, 18 avril 1814; l’original n’existe plus.

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Recevez Monsieur l’Avoyer l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Zurich le 6/18 Avril 1814.

signé / Le Comte Capo d’Istria.

Le compte rendu de ces semaines d’extrême tension et de leur heureuse issue, soit la réunion des députés des XIX cantons pour l’ouverture de la Diète, est magistralement retracé dans une longue missive (qui forme un petit cahier retenu par un cordon) que Capodistrias adresse à La Harpe (Document n° 33), le 4 avril 1814. Nous y sentons la joie de celui qui est arrivé à ses fins, le soulagement de n’avoir pas dû recourir aux moyens extrêmes et la perspicacité de l’homme politique qui remarque: «Il serait très déplacé de Vouloir à cette époque et dans les circonstances actuelles un ouvrage tout à fait achevé en Suisse, tandis que rien n’est commencé dans les autres contrées de l’Europe qui sortent de la domination française.» N’oublions pas que c’est le 31 mars que les armées alliées pénètrent à Paris et le 6 avril que Napoléon se résigne à abdiquer!

C’est en des termes beaucoup plus mesurés que Lebzeltern rend compte de sa mission à Metternich:1

Nous ne tardâmes pas à nous convaincre sur les lieux, que la déclaration signée par les trois ministres d’Etat des Cours alliées, était une mesure propre sans doute à conduire au but, mais pouvant toutefois entraîner des inconvéniens d’autant plus sérieux, que cette démarche étoit solemnelle.

Elle établissoit une véritable médiation, humiliante pour les Suisses, en ce qu’elle pouvoit être interprétée comme une aliénation de leur droit sacré de se reconstituer eux mêmes; d’ailleurs elle revenoit sur le principe posé par Leurs Majestés de ne point s’immiscer dans la législation intérieure du pays; elle offroit enfin un nouvel exemple dangereux pour l’avenir.

Ouverture de la Longue Diète

Le 6 avril 1814 s’ouvre à Zurich la première séance de la Diète, qui prit par la suite le nom de Longue Diète, puisque les députés tinrent au cours des dixneuf mois suivants cent une séances jusqu’à l’adoption du Pacte fédéral, dit Pacte de 1815.2

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 312 Varia II, no 29, rapport de Lebzeltern du 4 avril 1814, publié par W. Martin, op. cit., p. 220.

2. Van Muyden, op. cit., p. 102-103.

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Les ministres avaient tenu, à la veille de l’ouverture, à faire connaître officiellement aux députés ce qui leur semblait devoir être traité en priorité. Dans la première de leurs notes (Document n° 35), ils adressaient leurs vœux de réussite à l’Assemblée et proposaient dans cette période intérimaire la «nomination d’une commission conférante tirée de son sein et autorisée à entretenir avec eux les relations qui derivent de leur Mission». La Diète répondra à cette suggestion par la création d’une commission diplomatique qui se chargera au cours des mois suivants de l’expédition de presque toutes les affaires importantes, commission composée de six membres provenant de cantons et tendances politiques différents: Reinhard (Zurich), de Mülinen (Berne), Büttimann (Lucerne), de Beding (Schwytz), Heer (Glaris), Wieland (Bâle), et Monod (Vaud). C’est avec eux principalement que traiteront les ministres.

La seconde note (Document n° 36) qui, écrite sur le papier saumon doré sur tranche et par le secrétaire habituel de Capodistrias, émane, et pour cause, du secrétariat du ministre russe, informe la Diète du retour prochain des prisonniers suisses qui ont été capturés au cours des années précédentes dans les armées de Napoléon. Il s’agit d’un geste de générosité important de la part du tsar. En contrepartie, la Diète se doit de rappeler formellement les troupes encore au service de Napoléon. Un décret semblable avait déjà été pris, à la demande des ministres, au cours du mois de décembre,1 mais son application, vu les circonstances, avait été très problématique. La Diète releva ce qui restait de ces régiments de leur serment de fidélité à Napoléon le 15 avril — alors que ce dernier avait déjà abdiqué! Mais la question de leur rapatriement restait délicate. Sous l’Ancien Régime, le service mercenaire avait été l’exutoire normal de la main-d’œuvre des cantons non industrialisés comme les Waldstätten et dans les cantons patriciens comme Berne, Fribourg et les Grisons, la carrière d’officiers dans les régiments capitulés étaient la seule qu’envisageaient les fils des aristocrates. D’où la difficulté d’accepter, dans une Suisse complètement désorganisée par les années de guerre, le retour de tous les soldats. En fait, pour avoir assez traîné, le problème se trouvera résolu: les Bourbons dès leur retour sur le trône conclurent de nouvelles capitulations et engagèrent les soldats suisses qui passèrent du service de Napoléon à celui de Louis XVIII.

Dans leur troisième note (Document n° 37), les ministres, avec

1. Voir Document no 5, du 17 décembre 1813.

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tact, commencent par refuser l’offre, faite par certains cantons et de nombreux Suisses, de participer activement à la coalition contre la France. Il est clair que cette participation aurait provoqué des remous très profonds dans des régions comme le canton de Vaud et qu’il était plus sage de refuser, d’autant plus que les troupes alliées en ligne à ce moment-là suffisaient largement à terminer les opérations de guerre.

Par contre, il leur paraît nécessaire que la Suisse soit en mesure de défendre ses propres frontières que «des détachemens de l’armée ennemie seroient tentés de franchir dans leur retraite, et d’assurer à la Suisse tranquillité et sécurité». Ils l’invitent ainsi à lever un certain nombre de troupes et ils ajoutent: «Il y a des pays qui ont été enlevés à la Suisse et qui doivent lui être restitués et en former des parties intégrantes. Ces pays qui donneront à la Confédération des frontières qui la mettroient en état de maintenir son système politique, et son indépendance, réclament son appui.»

C’est l’invitation formelle à occuper les territoires qui sous l’Ancien Régime étaient sujets ou alliés de la Confédération, et qui permettront à cette dernière d’avoir des frontières naturelles défendables. En fait, c’est justement parce que les Confédérés manqueront de le faire assez rapidement et avec assez de conviction que des régions très importantes pour la défense militaire et l’économie du pays comme la Valteline seront perdues pour la Suisse. C’est par ailleurs l’une des caractéristiques de l’histoire suisse, que ce raidissement dès le XVIe siècle devant toute possibilité d’accroissement territorial.

Pour répondre à cette note, la Diète décrète une levée de troupes importante mais qui ne sera pas ratifiée par les cantons.

Pendant ce temps, les affaires intérieures continuent d’agiter les esprits. Les Bernois sont venus à la Diète avec la ferme intention de maintenir leurs revendications sur l’Argovie bernoise. Mülinen vint habiter à Zurich au Gasthof zum Schwert où logeait également Capodistrias. Il semble que cela ait été une occasion de rapprochement entre les deux hommes qui s’estimèrent davantage par la suite et que Capodistrias ait alors encouragé Mülinen à négocier avec l’Autriche un échange du Fricktal.1

Le Fricktal dont il sera beaucoup question est une petite contrée bordée par le Bhin, les cantons de Bâle et d’Argovie; c’était le dernier vestige des possessions des Habsbourgs en Suisse—rappelons que la

1. Renseignements fournis par W. Martin, op. cit., p. 221-222. Nous ignorons où il a trouvé ces indications que nous n’avons pas de raison de mettre en doute.

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maison des Habsbourgs qui a fait carrière en Autriche était originaire d’Argovie et que la lutte pour l’indépendance en Suisse s’est faite principalement contre elle. Au traité de Lunéville (1801), l’Autriche avait renoncé au Fricktal, mais elle pouvait normalement le revendiquer lors des pourparlers de paix. Le 9 avril, Mülinen expose dans une note aux ministres le point de vue bernois:1

Berne a non seulement perdu par la volonté de la France les 2 provinces qui formaient la plus belle et le plus riche moitié de son territoire, mais placée aujourd’hui entre ces 2 provinces administrées d’après les principes révolutionnaires les plus décidés et intimement liées entre elles, sa sûreté, son repos, son existence sont en danger.

Plus loin, passant en revue les territoires qu’on offre à Berne:

Berne revendiquant uniquement ses droits légitimes a constamment respecté ceux de ses Co-Etats. Bienne étant son ancienne alliée ne pourrait lui être réunie que par son vœu libre et volontaire.

Quant à l’Evêché de Bâle, le Porrentruy et le Munsterthal, Berne dans son étendue actuelle croit ne pas avoir assez de ressources pour se charger de pays aussi appauvris [...], il n’aurait pas les moyens de jetter les avances nécessaires dans ces districts, pour les mieux organiser, il ne pourrait établir les bâtiments, les routes, les hospices qui seraient nécessaires. Il ne pourrait entretenir un Clergé dont toutes les dotations sont aliénées [...].

Par contre, les Bernois seraient intéressés par le Fricktal, si la maison d’Autriche voulait bien le leur céder, qu’ils chercheraient à échanger contre le territoire jadis bernois de l’Argovie.

Lebzeltern est embarrassé parce qu’il n’a aucune instruction précise à ce sujet. Le 4 avril, il avait déjà abordé la question dans un rapport à Metternich; il revient à la charge le 14 et semble tout à fait favorable au projet. Il ajoute:2

Quoique M. de Mülinen ne m’en ait rien dit, on m’assure que Berne céderait volontiers à l’Autriche, en échange du Frickthal des fonds que Berne a placés à Vienne. S’il convient à l’Autriche

1. STAATSARCHIV, Berne, Akten des G.R., Band I.

2. W. Martin, op. cit., p. 223.

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de garder le Fricktal en entier, il faudrait détruire d’un coup et au plus tôt les espérances que les Bernois conservent.

Mémoire de Capodistrias au tsar

De son côté, Capodistrias informe sa cour le 15 avril et adresse directement au tsar, le 17 avril, un mémoire1 sur la situation en Suisse où il note:

Les intérêts qui divisent ce pays sont de deux espèces. Les uns résultent des prétentions territoriales de Berne, les autres — des prétentions de l’ancienne magistrature au gouvernement.

Les indemnités proposées à Berne devaient opérer la conciliation des uns.

La neutralisation du patriciat dans les anciens cantons aristocratiques devait rapprocher les autres.

Par ces mesures on se proposait d’intéresser tous les partis au système qui devait résulter de leur conciliation réciproque. On voulait ôter par là à l’Autriche ainsi qu’à la France les moyens d’exercer un jour une influence exclusive dans cet Etat.

Après un long développement, il conclut:

Il paraît donc du plus grand intérêt de transiger avec Berne. Cette transaction ne peut se faire par les indemnités offertes. Elle ne les accepte pas et se borne à demander la restitution de ses possessions dans l’Argovie contre la cession que l’Autriche ferait à ce canton du Frickthal. Elle espère obtenir cette grâce de s.m. l’empereur d’Autriche.

Cette proposition aurait en outre l’avantage d’«ôter à l’Autriche les moyens qu’elle s’est ménagés d’intervenir encore plus particulièrement dans les relations intérieures de ce pays».

Dans la seconde partie de son mémoire, il aborde la question du pouvoir central en Suisse et constate la nette préférence des députés pour le rétablissement d’une Diète, et non d’un pouvoir exécutif centralisé:

Ils sont décidés de renforcer et centraliser les liens fédératifs par l’institution d’une diète. Ils attribueraient à cette assemblée composée des représentants des 19 cantons des pouvoirs et des moyens très étendus pour conserver et garantir l’indépendance de la Suisse, pour maintenir son système de neutralité, pour entretenir ses relations extérieures. Cette diète s’assemblerait pour l’ordi-

1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 650-653.

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naire une fois par an et elle serait convoquée extraordinairement par le canton directeur même sur la demande des autres cantons.

Il conclut enfin:

Dans cet état de choses quel est la part que v.m.i. m’ordonne de prendre au travail dont la diète actuelle s’occupe?

Les députés qui la composent m’ont manifesté le désir de connaître par écrit mes opinions particulières relativement à leur constitution fédérale.

Je vais les satisfaire et je tâcherai par le plan que je pourrai leur offrir de les persuader d’adopter un pacte fédéral qui réunisse un double avantage, c’est-à-dire celui du système qu’ils désirent le plus et celui du système qui est conforme à l’esprit de mes instructions.

Ce sera le mémoire du 21 avril (Document n° 40) dont nous parlerons un peu plus loin.

Capodistrias est parfaitement conscient que la proposition bernoise sur l’échange du Frickthal va à l’encontre de ce qu’a affirmé jusque-là l’empereur aux différentes députations de l’Argovie, soit le maintien de l’intégrité territoriale, et que pour le convaincre de changer de politique, il est essentiel que Capodistrias ait l’accord au moins tacite du mentor suisse du tsar. D’où la longue lettre qu’il écrit par le même courrier (Document n° 38) à La Harpe. Après une longue digression, Capodistrias aborde le cœur du sujet, soit la défense de ses deux projets, dont il se doute bien qu’ils ne peuvent être du goût de l’ancien membre du Directoire de la République Helvétique. La Harpe ne répondra pas — par manque de temps, note-t-il en marge de la lettre que Capodistrias lui adresse le 5 mai —, mais la remarque laconique qu’il trace au bas de la lettre du 17 avril est significative: «La possession du Frickthal par l’Autriche est beaucoup moins dangereuse, que la cession de l’Argovie à Berne.»

Ce manque d’instructions sur la question du Frickthal, les deux ministres sont bien obligés de l’avouer aux Bernois qui les pressent dans une note du 15 avril. Ceux-ci s’estiment trompés et décident d’envoyer auprès des souverains à Paris l’un des leurs, B.-L. de Murait, alors que les Argoviens, se sentant menacés dans leur intégrité territoriale, ont dépêché le député Hurner. En fait, ils ne semblent avoir ni l’un ni l’autre obtenu les audiences nécessaires.1

1. W. Martin, op. cit., p. 224-225.

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Nouveau contact avec Pestalozzi

Au cours de cette même période, Capodistrias reprend contact avec Pestalozzi, qui, se débattant dans des difficultés financières chroniques avec son institut d’Yverdon, serait heureux d’obtenir un appui moral et financier de la part de l’empereur de Russie. La lettre que Pestalozzi écrit le 14 avril dans ce sens a disparu; mais Capodistrias lui répond le 18 (Document n° 39):

[...] Persuadé que le public ne pourra rester indifférent à l’invitation, de concourir par les souscriptions au succès de vos établissemens pratiques, je serai charmé de vous donner une preuve de l’intérêt que j’y prends en mon particulier. Je me ferai un devoir de porter à la connoissance de l’Empéreur, avec l’ouvrage dont vous me parlez, le besoin qu’ont vos projets d’un appui éffectif. Il serait nécessaire que Vous me fassiez parvenir une lettre à S.M. renfermant Votre vœu à cet égard [...].

Lettre dont le ton mesuré et prudent contraste avec l’enthousiasme de la réponse de Pestalozzi:1

Zurich.

du 6e mai 1814.

Du moment où j’ai reçu la lettre, dont votre Excellence a bien voulu m’honorer, je me suis proposé d’écrire à sa Majesté l’Empereur. Mais je n’ai pas pu venir à mon but, je ne trouve pas de mots qui me satisfassent, et je n’ose pas dire ce que je devais. Depuis que je suis de retour de Bâle, plusieurs de mes amis travaillent à un rapport détaillé des principes de ma méthode et des moyens de leur exécution, mais cela demande du tems, et je ne voudrais pas même présenter le mémoire avant que d’avoir pu mettre sous vos yeux la vérité des premières assertions sur lesquelles je fonde mes espérances. Celles-ci sont grandes, j’envisage mes expériences et leurs résultats comme un acheminnement sûr et incontestable d’une instruction et éducation nationale. C’est pourquoi je vous supplie au nom de l’humanité, ne quittez pas la Suisse avant d’avoir vu mon établissement, avant que vous ayez pu examiner le point où nous sommes! Je n’ose pas vous dire tout ce que je pense sur ce sujet, mais mon cœur palpite, quand je pense ce que l’Empereur peut faire sous ce rapport pour l’humanité et qu’il fera certainement s’il en a la conviction. Il y a des personnes qui croyent que je devais me présenter personnellement avec mon mémoire à l’Empereur et pour cela faire le voyage de Paris; qu’en pensez-vous? Je supplie votre Excellence de me faire la grâce de me donner un conseil, ma confiance en vous

1. J. H. Pestalozzi, Sämtliche Briefe. t. IX, p. 133, n° 3692.

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est sans bornes, votre noble cœur vous attache à mes vues et à mes espérances.

Agréez, Monsieur le Comte, l’assurance du respect avec lequel j’ai l’honneur d’être de votre Exellence le très humble et très obéissant serviteur.

Pestalozzi.

P.S. Je vous écrirai plus amplement dans peu de jours.

Nous retiendrons l’invitation pressante faite au ministre de visiter l’institut d’Yverdon, ce qu’il réalisera au cours du mois de juin.

Départ de Lebzeltern

Un événement imprévu intervint à ce moment-là: Lebzeltern fut rappelé. Dès le début mars, ses rapports avec son collègue autrichien Schraut, qui résidait à Berne et était le ministre «de droit et de fait» d’Autriche en Suisse, s’envenimèrent. Schraut était susceptible et beaucoup moins intelligent que son collègue; mais, chose curieuse, alors que Lebzeltern demandait à Metternich d’adresser à Schraut quelques mots aimables pour le calmer, il reçut en réponse l’ordre de raccompagner le pape à Rome et fut accrédité au Vatican les années suivantes. Il présente ses adieux à la Diète le 19 avril.1 C’était une promotion professionnelle importante, mais Lebzeltern fut très déçu de «quitter la Suisse au moment d’y recueillir le fruit de quatre mois d’un travail assidu et difficile», écrit-il à Metternich dans son rapport du 14 avril.2 «Les témoignages de bienveillance personnelle que je reçois de tous côtés contribuent à mes regrets.»

Ses sentiments intimes, il les exprime quelques semaines plus tard dans une lettre à d’Ivernois:3

[...] Jetté par les circonstances et par la volonté de mon Souverain à une extrémité de l’Europe, quoique j’aie été accueilli par mes anciens amis les Romains avec bienveillance et amitié, avec même des démonstrations très flatteuses de satisfaction, quoique je sois près d’un Souverain, auquel je suis personnellement attaché — néanmoins aucune circonstance ne peut me consoler d’avoir quitté la Suisse avant le terme de sa Constitution, avant que les bases de sa prospérité et bonheur futurs ne fussent posées.

1. Sommaire des délibérations de la Diète de 1814 et 1815, p. 60.

2. W. Martin, op. cit., p. 227.

3. BPU, ms suppl. 977, f. 163. Lettre de Lebzeltern à Francis d’Ivernois, Rome, 16 juin 1814.

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J’aimois la Suisse, j’estimois les Suisses, et je travaillois avec une satisfaction réelle à les rallier sous les mêmes principes et les mêmes intérêts.

Mon profond intérêt pour la Suisse, pour votre patrie Monsieur le Chevalier, ne souffre aucune atteinte par mon éloignement et je suis avec ce sentiment tous les Actes, que les feuilles me donnent ainsi que mon ami Capo d’Istria, et tous les progrès du travail de la Diette et de votre confédération avec les 19 Cantons.

Il termine avec des considérations concernant plus spécialement Genève; nous en parlerons plus loin.

Jusqu’à l’arrivée de Canning, dans ces semaines d’intense activité de la Diète, Capodistrias, qui regrette profondément le départ de son ami, jouera un rôle prépondérant dans les interventions du trio des ministres, Schraut et de Chambrier ne faisant pas le poids.

Mémoire de Capodistrias sur le projet de constitution fédérale

Le 21 avril, le ministre russe est en mesure de présenter à la Diète «ses opinions particulières relativement à leur constitution fédérale» qu’il annonçait au tsar. Il s’agit d’un long mémoire (Document n° 40) lu confidentiellement à la Diète, nous dit Monod.1

Après avoir constaté que l’évolution des idées au cours des dernières décennies entraîne nécessairement une adaptation des lois et qu’on ne peut donc revenir à celles de l’Ancien Régime sans les repenser, que d’autre part la Suisse ayant reçu l’Acte de Médiation des mains de Napoléon, les Puissances alliées ne peuvent admettre ce régime tel quel, il est donc indispensable que les députés de l’Assemblée travaillent à forger une nouvelle constitution fédérale.

La question la plus délicate à régler est évidemment celle du pouvoir central. Dans l’association d’Etats qu’était la Confédération des XIII Cantons, ce pouvoir n’avait jamais existé; centralisateur à outrance dans la République helvétique, il avait échoué. La formule proposée par l’Acte de Médiation avait été plus heureuse, mais il s’agissait en 1814 de trouver une solution qui satisfasse la majorité des cantons et du peuple. Pour Capodistrias, un pouvoir central est indispensable: «Etablir donc un fort lien fédéral c’est maintenir l’indépendance de la

1. ACV, Régistre des Délibérations du Petit Conseil, 1813-1814, p. 182, d’après la lettre de Monod du 22 avril 1814.

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    sent d’eux mêmes fixer leur Constitution. La Suisse déçoit ainsi l’attente et la confiance des Cours Alliés; elle perd en même temps les plus beaux momens et les plus utiles, de paroître d’une manière honorable et digne d’elle au rang des Puissances.

    Je vais retourner à Zurich et si en suite de notre nouveau plan les choses ne s’arrangent pas d’après des points de vue d’intérêt général, la Suisse ne devra pas se plaindre des conséquences qui pourront en résulter pour elle.

    Votre Pays sera sous peu à même, j’espère, de jouer un rôle distingué dans la Confédération. Je me suis occupé de ses intérêts avec une satisfaction réelle [...].

    Enfin, la lettre que La Harpe adresse le 7 mars à son ami saintgallois Müller-Friedberg reflète si bien l’ambiance des pourparlers de Chaumont que nous la transcrivons en entier. Si nous nous rappelons la prévention que La Harpe manifestait à son ami Monod en décembre 1813 contre le «Monsieur du pays d’Ulysse», nous sommes d’autant plus agréablement surpris de l’éloge qu’il fait maintenant du ministre du tsar. Par contre, en ancien ministre de la République Helvétique, il reste beaucoup plus préoccupé de la mise en place d’un gouvernement central fort que des constitutions cantonales chères à Capodistrias. On notera enfin son souci de ne pas paraître l’homme d’un parti (ce qu’il est en fait aux yeux de la majorité des Suisses!), mais de réaffirmer son désir de travailler avant tout au bonheur de sa patrie:1

    Monsieur

    Il est si difficile de correspondre dans ces tems-ci, que je n’ai pu répondre tout de suite à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 5e Février. J’ai lu avec beaucoup d’attention le Mémoire qui l’accompagnait, et fait mon possible pour tirer parti de son contenu.

    On a beaucoup travaillé en faveur de votre turbulent Pancrace2 et de son chapitre. On auroit même voulu revenir sur d’au-

    1. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Müller-Friedberg Archiv 1810-1819, MF 32. 10, n°s 89-90. Lettre de La Harpe à Müller-Friedberg, de Chaumont, 7 mars 1814.

    2. Pancrace Vorster (1753-1829), de Wil. Personnage très remuant, élu abbé de Saint-Gall en 1796, fut obligé de quitter l’abbaye en 1799, après l’occupation française en Suisse, travailla sans relâche en exil pour le rétablissement de l’ancien régime ecclésiastique. Après l’Acte de Médiation, où fut reconnue entre autres l’existence du canton de Saint-Gall, le landamman Karl Müller-Friedberg (à qui est adressée cette lettre de La Harpe) s’opposa aux efforts que faisait Pancrace à Paris en vue du rétablissement des couvents en Suisse. Les démarches dans le même sens entreprises par l’abbé Pancrace auprès des Alliés en 1814 aboutirent, comme le pressent ici La Harpe, à lui faire attribuer une pension de 6000 florins, par l’acte du 20 mars 1815 au Congrès de Vienne (DHBS).