Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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grès de Vienne à une démarche similaire du Gouvernement de Soleure,1 le Fribourgeois de Montenach:

[...] Comme bon Suisse et fribourgeois je me ferai toujour un devoir de manifester envers le haut Etat de Soleure, les sentimene et le dévouement, que professe à son égard mon gouvernement; je saisirai avec empressement toutes les occasions, ou je pourrai être utile à Vos Excellences [...].

La rectification des limites de votre Canton soit du côté de l’évêché, soit du côté de Berne, est un besoin que vous fait éprouver votre situation topographique, je ne doute pas, que notre ancien confédéré et combourgeois le gouvernement de Berne ne sente toute la justesse de vos motifs, mais je pense, que pour cet objet, il ne peut pas être discuté ici, mais qu’il est l’affaire d’une convention entre les deux Cantons; quant à la partie de l’êvéché, qui peut vous convenir, je prie Vos Excellences d’être persuadées, que je me réunirai avec zèle à mes Collègues pour obtenir une chose, qui vous soit agréable [...].

à Fribourg

La lettre du 19 mai (Document n° 53) fut remise, à Fribourg ou ailleurs, au cours d’un entretien entre Chambrier et l’avoyer Charles de Werro. Le Grand Conseil fribourgeois, mis au courant par celui-ci, réagit plus tardivement que Berne, le 7 juin seulement, mais dans une missive dont la copie ne couvre pas moins de cinq pages du gros recueil du Protocole de la Commission Souveraine, pour tenter de justifier sa position et les dispositions adoptées dans la constitution cantonale qui avait été discutée par le Grand Conseil du 4 au 10 mai 1814 et adoptée ce jour-là. Cette constitution fribourgeoise de 1814, qui n’appliquait pas le principe de la séparation des pouvoirs, jugé subversif, assurait la prépondérance dans les conseils et le gouvernement au patriciat urbain au détriment de la campagne.2 Les ministres devaient en connaître la teneur lorsqu’ils rédigèrent leur lettre du 19 mai; et plus que les Bernois et les Soleurois qui n’avaient pas encore terminé leurs travaux constitutionnels, les Fribourgeois vontse sentir directement visés par les critiques des ministres. Voici le début de la lettre fribourgeoise:3

1. ibidem, lettre de J. de Montenach, Vienne le 19 octobre 1814.

2. Gaston Castella, Histoire du canton de Fribourg, Fribourg 1922, p. 477-480. Histoire du Canton de Fribourg (par G. Bavaud, J. P. Uldry, G. Andrey, J. Dubas), 2 vol., Fribourg 1981 ; ici t. II, p. 782-783.

3. ARCHIVES D’ÉTAT, Fribourg, Protocole des Délibérations et de la Correspondance de la Commission souveraine du Gouvernement 1814, p. 161-166, n° 132, 7 juin, copie de la note à Schraut, Capodistrias et de Chambrier.

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S.E. Μr l’avoyer en charge a présenté au grand Conseil de la Ville et république de Fribourg la note confidentielle datée du 19 mai dernier, que S.E. Mr le baron de Chambrier lui a remise de la part des ministres plénipotentiaires de leurs majestés impériales et royales.

Si son contenu a dû surprendre, il a en même tems fait naître ce sentiment pénible, qu’éprouve un gouvernement, lorsque, sans y avoir donné lieu, il voit sa dignité compromise, les droits les plus sacrés méconnus, et ses institutions les plus respectables menacées d’une subversion totale.

Jaloux de mériter le suffrage des hautes puissances alliées, empressé même d’aller au devant des vœux, qu’il pouvoit supposer être dans leur pensée, le gouvernement de Fribourg a procédé avec maturité à sa reconstitution, en suivant les maximes d’une saine politique et d’une sage libéralité. Son travail est fini; il est le fruit de quatre mois de méditation, l’ouvrage de ses magistrats les plus éclairés [...].

[...] Maintenant l’œuvre spontanée de magistrats sages, également familiarisés avec les besoins de l’état et l’esprit du Siècle sera-t-elle détruite? Les hautes puissances alliées peuvent elles vouloir dans leur justice, qu’un gouvernement, qui ayant pour lui la sanction du tems et la légalité des formes, s’est reconstitué sous leurs auspices, soit avili à ce point? [...].

La Commission souveraine s’oppose, dans la suite de la lettre, au principe d’une commission centrale qui contrôlerait les constitutions cantonales; elle fait un historique de l’existence de la bourgeoisie secrète appelée aussi patriciat, qui jouit des mêmes prérogatives que celles de Berne, Soleure et Lucerne. Elle tente de justifier le rétablissement du régime aristocratique et affirme enfin que les habitants de la campagne sont suffisamment représentés dans les Conseils. Nous verrons que les ministres seront loin d’être convaincus par ces arguments.

Capodistrias à Paris

Il n’y a dans les archives suisses qu’un seul document écrit et signé par Capodistrias au cours de son séjour parisien (Document n° 55). S’il a été convoqué à Paris, c’est à la suite de son rapport alarmiste du 5 mai au tsar et de sa lettre du même jour à La Harpe.1 Et c’est aussi pour rendre compte des délibérations difficiles qui ont lieu à la Diète au cours de ce mois de mai au sujet du Pacte fédéral. Mais il arrive à Paris le 25 mai seulement, trop tard pour influencer d’une quelconque façon les décisions prises

1. Voir ci-dessus, p. 126 et Document n° 50.

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au cours des conférences qui se sont tenues pendant les mois d’avril et de mai et aboutissent à la signature du Traité de Paris du 30 mai 1814. Le seul témoignage important du séjour parisien du ministre est celui qu’il en donne dans son autobiographie:1

J’adressai conséquemment un rapport à sa Majesté, par lequel je prenais la liberté de Lui rappeler la promesse donnée à Troyes et solliciter la permission de me rendre à Paris. Cette autorisation me fut immédiatement accordée, mais les ordres n’arrivèrent à Zurich que quinze jours plus tard, et lorsque les articles du traité de Paris étaient déjà arrêtés. La question des îles Ioniennes se trouvait ainsi décidée de fait, attendu que la convention préliminaire et les actes successivement signés par les puissances alliées accordaient à l’Angleterre l’occupation militaire des îles et le droit de souveraineté sur Malte. J’en fis l’observation à Sa Majesté Impériale en Lui exprimant les vifs regrets que me causait un arrangement si peu conforme à la justice et aux espérances légitimes des Septinsulaires. L’Empereur me répondit, que rien n’était statué définitivement; que les négociations relatives au sort de ma patrie s’ouvriraient à Vienne et que j’en serais chargé. «Sire, nous n’obtiendrons rien. Les Anglais sont souverains de Malte et tiennent garnison à Corfou. Ils savent qu’on ne fera pas la guerre pour les en faire sortir». — «Il ne faut pas se décourager. Voyez en attendant le traité de Paris et faites-moi un rapport sur les dispositions qu’il contient». Je m’acquittai de cet ordre et Sa Majesté fut frappée de la conclusion à laquelle menait forcément l’analyse de cet acte. Elle démontrait qu’on avait suivi un ordre inverse; que l’Autriche, la Prusse et la Russie se présentaient au futur congrès comme des états qui ont tout à obtenir, tandis que l’Angleterre et la France y arrivaient en puissances qui n’avaient plus rien à demander et conséquemment tout à accorder; que dans cette position la partie n’était plus égale, même entre les trois cours aux prétentions desquelles il s’agissait de faire droit au congrès. Car il suffisait qu’une d’elles fît cause commune avec l’Angleterre et la France, pour que les délibérations prissent impunément une direction préjudiciable aux intérêts des deux autres. L’Empereur après quelque silence me répondit: «Tout cela est de la doctrine — ne soyez pas en peine, je me tirerai d’affaire. Parlons plutôt de vos débats helvétiques».

Capodistrias y exprime clairement le sentiment qu’il ressent d’arriver trop tard pour la question qui lui tient avant toute autre à cœur: le sort des îles Ioniennes. La concession faite par les puissances alliées à l’Angleterre d’occuper militairement les îles lui paraît une décision

1. Autobiographie, p. 189-192. Cf. A.I.K., t. I, p. 20.

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irrémédiable, et l’espoir vaguement exprimé par Alexandre d’un changement possible au Congrès de Vienne, utopique. Le ministre est ici beaucoup plus réaliste que son maître: on se rappelle qu’il avait, avec ses collègues, conseillé à la Diète helvétique, dans l’affaire de MoutiersGrandval ou celle de la Valteline, d’occuper militairement la région convoitée, certain que personne ne viendrait les en chasser. (Et que dans le second cas, les Suisses, trop lents et scrupuleux, avaient été précédés sur le terrain par les Autrichiens qui, malgré les délibérations du Congrès, le conservèrent par la suite.) Et l’on ne peut s’empêcher de mettre en parallèle les propos désabusés de Capodistrias: «Ils (les Anglais) savent qu’on ne fera pas la guerre pour les en faire sortir», avec un entretien que Pictet de Rochemont a réussi à arracher à Lord Castlereagh le 25 mai 1814, à son réveil (à midi!).1 A Pictet, très inquiet de la tournure que prennent les événements pour Genève, où malgré les assurances données précédemment par les Alliés, le roi de France refuse de céder le Pays de Gex, Castlereagh répond: «Cela est vrai. Mais on ne peut rien opposer au refus formel de la France en cette circonstance. Nous ne pouvons pas faire la guerre exprès et la forcer à céder des sujets pour vous les donner.» Il est évident que les petits Etats seront toujours floués dans l’intérêt des grands.

C’est assez sèchement, nous l’avons vu, que le tsar ramène Capodistrias à l’objet de la mission diplomatique, soit les affaires suisses:2 «Parlons plutôt de vos débats helvétiques.»

Je lus alors à Sa Majesté un rapport qui établissait en principe la nécessité indispensable de donner à la conciliation des Suisses une base équitable et solide en faisant droit à quelques-unes des prétentions légitimes du canton de Berne. J’indiquai en même temps les moyens dont les cours alliées pouvaient disposer à cet effet. «Vous voilà donc devenu Bernois dans la force du terme». Je répondis alors à l’Empereur avec une profonde émotion, que si telle était Son opinion, ce n’était plus moi qui pouvais avoir le bonheur de Le servir en Suisse. Sa Majesté se leva et me dit. «C’en est assez pour aujourd’hui, je vous ferai venir encore une fois avant Mon départ».

C’est certainement le projet de la cession du Fricktal à Berne qui serait

1. Lucien Cramer, Genève et les traités de 1815. Correspondance diplomatique de Pictet de Rochemont et de François d’Ivernois, Paris, Vienne, Turin 1814-1816, Genève 1914, tome I, p. 79. AEG, Aff. étrang. 25d, f. 161-162. Brouillon de cette conversation corrigé de la main de Pictet.

2. Autobiographie, p. 191. Cf. A.I.K., t. I, p. 20-21.

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échangé par la suite contre l’Argovie dite bernoise que Capodistrias défend devant son souverain. Ce projet était fortement désavoué par La Harpe, on s’en souvient; et c’est évidement ce même son de cloche que nous trouvons chez Monod, qui raconte ainsi l’entrevue de la délégation suisse, composée de Mülinen, de Reding et de lui-même, avec l’empereur de Russie, le 1er juin vraisemblablement.1

L’audience que nous accorda l’empereur d’Autriche fut assez insignifiante, celle de l’empereur de Russie fut plus intéressante en ce qu’il nous réitéra l’assurance que l’Argovie ne serait pas réunie à Berne. Là-dessus de Mülinen crut devoir prendre la parole et défendre les droits de son canton, mais l’empereur se prononça d’une manière péremptoire, ce qui me tira d’un grand embarras. Je n’aurais pu me dispenser de répondre à de Mülinen; c’était nous rabaisser au rôle de solliciteurs, qui me répugnait si fort, et renouvelait nos dissensions. L’empereur m’évita cette humiliation et me prouva que nous étions parvenus à déjouer une nouvelle intrigue, dont j’avais eu connaissance, qui prétendait à rien de moins qu’à rendre à Berne une partie du Canton d’Argovie.

Déjà avant mon départ de Zurich il courait un bruit sourd que les Bernois s’étaient vantés que cette restitution aurait lieu; nous n’y avions pas fait autrement attention. Mais le comte Capo d’Istria étant arrivé à Paris peu de temps après nous, pour rendre, me dit-il, compte à l’empereur de l’état des affaires en Suisse et lui soumettre les arrangements qui devaient tout y terminer, je lui témoignai mes doutes si l’on ne revenait au système dont je lui avais souvent parlé; alors il entra en matière et me fit part de son plan, qu’il supposait sans doute trop avancé pour que rien pût le déranger.

Il s’y agissait de rendre à Berne toute l’Argovie qui lui avait appartenu, excepté Aarau et Aarburg; ces deux villes seraient restées confédérales, l’une pour les assemblées de la Diète, l’autre pour son arsenal. Au moyen de cet arrangement, l’Argovie devenue canton catholique tombait sous le joug de la prêtraille qui, dans le comté de Baden et les Provinces libres avait déjà trop d’ascendant, grâce surtout au riche couvent de Muri, à celui de Wettingen et à d’autres. D’ailleurs morcelé, sans consistance, ce nouveau canton n’avait plus assez d’hommes capables pour son administration, et devenait nul; pressé dans son centre par celui de Berne, il devenait nécessairement son humble satellite. Je m’élevai avec force contre un tel projet, dont je cherchai à faire sentir les fâcheuses conséquences, assurant Capo d’Istria que, loin de rétablir la paix par là, il risquait le contraire; l’indignation d’avoir été cruellement trompés pouvait pousser les Argoviens à des extrémités

1. Monod, op. cit., t. II, p. 248-249.

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qu’il ne prévoyait pas; elle devait au moins nécessairement toujours plus exalter les passions et accroître les défiances. Capo d’Istria prétendit que l’Autriche exigeait ce sacrifice et ne consentait à céder le Frickthal qu’à cette condition. Le soir même du jour où il me dévoilait ce plan, il devait être mis sous les yeux de l’empereur; on le lui aurait sans doute présenté, ainsi qu’on me l’avait dit, comme conciliant tout, peut-être comme ayant l’assentiment des intéressés, ce qui eût entraîné celui du prince. L’affaire conclue, il n’eût plus été possible d’en revenir; et voilà comment se traitent la plupart de celles qui intéressent le plus les peuples: le prince est toujours l’instrument aveugle du ministre qu’il estime être le sien.

Je me hâtai d’informer de La Harpe de ce que je venais d’apprendre, je résumai en quelques mots tout ce qui résulterait de ce beau projet, et je le priai de le mettre sous les yeux d’Alexandre, en lui rappelant sa parole, à laquelle on allait chercher sous de faux prétextes à le faire manquer sans qu’il s’en doutât. La manière dont ce prince s’expliqua à l’audience qu’il nous donna fut la réponse à mon billet à de La Harpe, qui m’avait déjà prévenu de l’issue. Ainsi, par un hasard extrêmement heureux, fut paré le coup le plus funeste qui pût être porté à l’Argovie.

C’est donc incontestablement l’intervention rapide et directe de Monod et La Harpe qui entraîne l’échec du plan défendu par Capodistrias. Et c’est dans ce contexte que s’inscrit la suite du récit de l’autobiographie:1

Effectivement au bout de quelques jours je reçus l’ordre de me rendre chez Sa Majesté. «Vous préférez sans doute», me dit l’Empereur, «de retourner en Suisse plutôt que de m’accompagner en Angleterre».— «Oui, Sire, si Votre Majesté veut bien me donner les moyens d’y continuer mon travail». — «Et ces moyens sont», reprit l’Empereur, «de larges concessions à faire à la seigneurie Bernoise.... J’ai vu ces messieurs et j’ai parlé net à l’avoyer de Mullinen. Je ne partage point votre opinion. .. . N’entrevoyez-vous donc aucun autre moyen pour asseoir un ordre de choses stable et permanent? Faut-il absolument faire de Berne la pierre angulaire de la restauration helvétique?» — «Oui, Sire, parce que ce n’est qu’en brisant cette pierre que la France s’est emparée de la Suisse». — «Soit, je ne veux pas m’y opposer, mais entendons-nous. On ne doit pas toucher aux nouveaux cantons. — Comme sous l’acte de médiation, ils feront partie du système fédéral. Si pour satisfaire Berne et pour ramener une pacification durable, il faut agrandir sa puissance territoriale en lui donnant les pays adjacents qui sont à la disposition des alliés, et lui faire

1. Autobiographie, p. 191-192. Cf. A.I.K., t. I, p. 21.

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des avantages sur le recouvrement des fonds qu’il avait anciennement placés en Angleterre, j’y consens». Sa Majesté me congédia alors en me serrant la main et me répétant qu’Elle serait bien aise de me revoir à Vienne.

Le lendemain Mr le comte de Nesselrode m’annonça que l’Empereur venait de me conférer l’ordre de S1 Wladimir de la 2e classe.

Les instructions de l’empereur sont formelles: il faudra faire des concessions territoriales aux Bernois, mais sans toucher d’une quelconque façon aux nouveaux cantons. Et c’est bien dans ce sens que travaillera désormais son ministre.

Mission du Genevois Pictet de Rochemont à Paris

Les pourparlers qui eurent lieu à Paris au printemps 1814 avaient pour objet principal de fixer les nouvelles frontières à accorder à la France vaincue; mais on sait que Talleyrand, grâce à son habileté diplomatique, réussit à imposer le point de vue que les Bourbons n’avaient pas à faire les frais des guerres de la Révolution et de l’Empire; ainsi le Traité de Paris du 30 mai reconnut à la France les frontières d’avant la guerre, soit celles du 1er janvier 1792. La discussion portant sur les territoires conquis par Napoléon et sur le sort desquels il fallait statuer fut remise à plus tard, lors du Congrès qui devait s’ouvrir à Vienne. Ainsi, la plupart des points litigieux en Suisse (Evêché de Bâle, Valteline) restaient en suspens; ce qui était somme toute préférable tant que les députés de la Diète n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur les bases essentielles du Pacte fédéral. Un seul point fut tranché définitivement — et malencontreusement pour la Suisse ! — parce qu’il touchait directement à la France: la frontière occidentale entre la Suisse et la France, plus exactement entre Genève et la France.

Selon une formule chère aux historiens genevois, Genève, pour être acceptée dans la Confédération, avait besoin d’une «dot suffisante et de papiers en règle».1 Les «papiers», c’est une constitution cantonale qui puisse être agréée, par une majorité de cantons; la «dot» avait été clairement définie dans les mémoires que Pictet de Rochemont, à l’instigation de Stein, avait adressés aux souverains alliés à Bâle en janvier 1814. Il s’agissait avant tout d’obtenir la contiguïté du canton avec la Suisse, par la rive du lac avec le canton de Vaud, ou éventuellement

1. L. Binz, Brève histoire de Genève, Genève 1981, p. 51-52.

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lement par la rive sud avec le Valais; et le désenclavement des communes genevoises pour qu’elles forment un tout; à ces considérations géographiques s’ajoutait l’idée de ne pas être à charge des autres cantons au point de vue agricole. Et des impératifs stratégiques déjà évoqués: une frontière naturelle pour défendre le bastion occidental de la Confédération. Ce projet exigeait la cession par le roi de France du Pays de Gex; ce que l’on pouvait négocier en invoquant des droits historiques sur la région (promesses non tenues par Henri IV). La cession des communes savoyardes qui permettrait le désenclavement et une frontière sud correcte devaient être obtenues du roi de Sardaigne contre des compensations et indemnités dont la discussion était remise à plus tard (Vienne et Turin).

Ce fut Pictet de Rochemont qui eut la charge de présenter les revendications genevoises à Paris. Mission d’autant plus inconfortable que, lorsqu’il arriva à Paris le 18 avril, le Gouvernement provisoire genevois n’était toujours pas reconnu par l’occupant autrichien; il fut extrêmement difficile à Pictet d’obtenir les audiences nécessaires chez les ministres. Autre inconvénient: le manque d’instructions claires et cohérentes de ses commettants. Dans ses mémoires de janvier, Pictet avait été un partisan fervent de la «grande Genève». Au cours du printemps, il réalisa que le Gouvernement provisoire, qui reprenait à Genève les rênes du pouvoir, était formé en grande partie de «vieux Genevois» qui s’inquiétaient d’être majorités par un apport de population campagnarde et catholique. Ce qui entraîna Pictet à modérer considérablement ses revendications, notamment dans une note remise imprudemment à Metternich le 10 mai. Scrupules à contretemps, puisque le Conseil provisoire réalisait de son côté qu’il n’obtiendrait pas de la Diète l’union du canton à la Confédération si Genève n’apportait pas des territoires suffisamment étendus.1

Les lenteurs de la poste amènent une série de quiproquos tout à fait regrettables. La correspondance échangée entre Genève et Paris est considérable, surtout entre Pictet et son ami Albert Turrettini, membre du Gouvernement provisoire. Elle a été étudiée très scrupuleusement par les historiens genevois et ce n’est pas notre propos de revenir sur les raisons de l’échec relatif de cette mission. En résumé, nous constatons que Pictet, accompagné de son neveu Jean-Gabriel Eynard, le futur philhellène, puis de Charles Lullin dépêché par le Conseil provisoire au début mai, passe beaucoup de temps à faire antichambre chez les mi-

1. Pour le détail des tractations, voir P. Waeber, op. cit., p. 113 sv.

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nistres, surtout chez Metternich; il maintient des contacts amicaux avec Stein et Pozzo di Borgo (mais la disgrâce que va encourir le premier n’est pas favorable à la cause genevoise). Pictet, fondateur de la Bibliothèque britannique, est pour le moins déconcerté par l’accueil glacial que lui réserve Castlereagh et le désintérêt absolu que celui-ci manifeste pour l’anglophile Genève.

La cession du Pays de Gex à Genève devait être débattue par la commission des limites, dont faisaient partie entre autres le baron de Wessenberg pour l’Autriche, le baron de Humboldt pour la Prusse, le baron d’Arnstedt pour la Russie et le marquis d’Osmond pour la France. Pictet a des contacts positifs, mais trop tardifs, avec les deux premiers. Si nous nous référons à l’étude la plus claire de la question, soit à l’article de M. Biaudet1 nous apprenons que le 15 mai la Commission a décidé l’attribution du Pays de Gex à Genève et que le lendemain, le marquis d’Osmond écrit en ces termes à Talleyrand:.. .«Nous avons obtenu en Savoie un ample dédomagement au petit sacrifice fait dans le Pays de Gex.» Talleyrand s’oppose immédiatement à la décision: ...«Mais l’abandon du Pays de Gex est une chose à laquelle le Boi ne pourrait jamais consentir. C’est bien assez que la France doive conserver si peu de ses conquêtes, sans céder encore une partie quelconque de ses anciennes possessions.» A la séance du 19 mai, Osmond déclare que «son maître est décidé à ne point renoncer sur ce territoire», et il réclame en outre pour la France le duché du Chablais. Les commissaires, pris de court, demandent un délai de réflexion et rejettent le lendemain la prétention française sur le Chablais, tout en proposant un compromis pour le Pays de Gex: une partie, celle proche du Fort de l’Ecluse, resterait française; mais, «conformément au désir de l’empereur de Russie, les Alliés veulent conserver le reste pour ajouter quelques milliers de paysans à la population bourgeoise de Genève et, en même temps, lui procurer une communication libre avec le Canton de Vaud». Proposition refusée le jour même par le Conseil de Louis XVIII. C’est le dimanche 22 mai que la question est tranchée au niveau des monarques et des ministres, sans que les historiens aient pu élucider, comme le remarque P. Waeber,2 les causes de leur revirement. Le 23 mai, les commissaires alliés ont reçu de nouvelles instructions: les Alliés

1. J.-Ch. Biaudet, Le Traité de Paris du 30 mai 1814 et la question du Pays de Gex, Revue suisse d’histoire, t. 2, fasc. 1, 1952, p. 71-98; citations tirées des p. 82-86.

2. P. Waeber, op. cit., p. 126.

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«ont abandonné la langue de Versoix», comme l’écrit Talleyrand au roi.

Les seuls entretiens où Pictet, laissé dans l’ignorance de ce qui se trame, rencontre une certaine sympathie pour la cause genevoise, sont ceux qu’il a avec Humboldt le dimanche 22 et avec Wessenberg le 23, à un moment où les jeux sont faits, ce que ses interlocuteurs se gardent bien de lui dire. Pictet avait apporté une carte qu’ils vont abondamment discuter. On remarquera dans le compte rendu que Pictet fait à Turrettini de cette rencontre,1 que Wessenberg ne relève pas la proposition de Pictet de prendre la Valserine comme limite du canton au nordouest (outre-Jura, donc sur territoire français), mais qu’il entre dans la discussion de détail sur la frontière Fier-Arve-Menoge qui pourrait être aménagée au sud-ouest du canton, sur les territoires savoyards dont le sort est encore en suspens. Pictet joint à sa lettre un petit croquis qu’il a «barbouillé, en conséquence de l’idée qu’il a le mieux agréée, comme réunissant, pour nous et pour la Suisse, les convenances militaires, administratives et de subsistances».2 Wessenberg l’encourage vivement à aller trouver le baron d’Arnstedt, représentant de la Russie. Il en est reçu très cordialement le 24, mais là encore, c’est trop tard. Le 25 enfin, il apprend positivement par Humboldt que «nous n’aurions rien dans le pays de Gex; que nous avions été abandonnés par lord Castlereagh d’une manière impardonnable; et il paraît, par tout ce qu’il m’a dit, que, si celui-ci eût tenu ferme, cela aurait tourné autrement!!!».3 Il court chez Castlereagh, avec lequel il a un entretien dramatique (que nous avons déjà mentionné plus haut). Pictet insiste avant tout sur les inconvénients stratégiques que cette décision entraînera pour la Confédération dans la défense de sa neutralité. Castlereagh accepte finalement le principe que Pictet rédige un mémoire sur la question, mais en termes prudents: «Oui, donnez-moi, je vous prie, vos idées sur ce qui vous conviendrait pour le Chablais.»4 Sitôt de retour chez lui, Pictet rédige le mémoire, l’envoie avec une lettre à Castlereagh et précise à Turrettini:

J’ai fait faire quatre copies du mémoire. Elles seront envoyées demain matin de bonne heure aux divers ministres. J’en ferai d’autrès

1. L. Cramer, op. cit., p. 71-76. Lettre de Pictet à Turrettini, Paris, lundi 23 mai 1814.

2. ibidem, p. 73-74. Croquis reproduit par L. Binz, op. cit., p. 52.

3. L. Cramer, op. cit., p. 79. Lettre à Turrettini du 25 mai 1814.

4. ibidem, p. 81-82.

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très encore, pour que tous ceux qui ont accès aux conférences ou peuvent influer, en aient connaissance.

Je suis allé prendre le thé dans une maison où était l’empereur Alexandre [chez Mme de Staël]. J’avais en poche une copie du mémoire. J’en ai donné connaissance sommaire à la maîtresse de maison, très bien disposée. Elle a trouvé un moment pour parler de Genève, de nos inquiétudes, etc. Alors Alexandre a répondu: «Nous trouverons un moyen pour que Genève communique directement avec la Suisse.» J’ai entendu ces paroles. Nous sommes convenus que, demain matin, elle écrirait à l’empereur et lui indiquerait, en quatre mots, les bornes du canton, telles que je les demande dans le mémoire.

Le mémoire de Pictet et l’intervention de La Harpe, dont nous parlons plus loin, suscitèrent bien une nouvelle discussion de la question qui, d’après diverses sources, retarda de quelques heures la signature du Traité de Paris, mais ne changea en rien les dispositions à l’égard de Genève, sauf peut-être en ce qui concerne l’utilisation commune aux deux pays de la route de Versoix.

L’attitude si réservée d’Alexandre à l’égard du Genevois chez Mme de Staël incline à penser que Pictet aurait dû mieux soigner ses relations avec l’empereur de Russie et son entourage. D’autant plus que nous trouvons plusieurs fois, dans les lettres de Pictet à Turrettini, l’impression qu’il ressent d’être desservi auprès de l’empereur par La Harpe. Ce sentiment est exprimé d’une façon explicite dans la lettre du 27 mai:1 «Personne ici ne doute que la Harpe ne nous nuise. Je n’en ai aucune preuve directe; mais il craint, je le sais, l’influence de nos principes aristocratiques, et on peut en induire qu’il aimera bien autant que son canton ne se trouve pas serré entre deux autres dont les principes seraient, pense-t-il, en opposition avec les siens.» Cette collusion entre les gouvernements bernois et genevois était parfaitement plausible et il est normal que La Harpe l’ai redoutée. D’autres motifs d’animosité entre eux existent.2 La Harpe se bat pour l’amélioration du sort des campagnards, alors que Pictet, pourtant agronome éclairé et assez proche de ces idées philanthropiques, est obligé par loyauté de défendre le point de vue de ses commettants: assurer aux citadins genevois la prééminence politique dans le canton, quels que soient sa taille ou le nombre de ses habitants. Enfin, Pictet a le tort de parler trop souvent de ses affaires privées — soit de son élevage de moutons

1. ibidem, p. 91.

2. P. Waeber, op. cit., p. 134-136.

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mérinos à Odessa — lorsqu’il est en contact avec des gens influents à la cour de Russie, ce qui souvent les importune. Pourtant, La Harpe n’avait pas prévu ce dénouement négatif à la question du Pays de Gex. Il cherchera lui aussi à intervenir in extremis, mais sans succès. Dans une lettre à Pictet, datée du 6 juin,1 il en rejettera la responsabilité, non sans raison, sur les intéressés: «Pour réussir dans les négociations, il faut de l’union entre les intéressés, et il n’y en a ni chez vous [à Genève], ni parmi les Suisses.»

C’est probablement parce qu’il se sent mal introduit chez les Busses que Pictet cherche à entrer en rapport avec Capodistrias, arrivé le 25 mai à Paris. Il en exprime le désir dans une lettre du 28 à Turrettini. Sa première rencontre avec le ministre russe a lieu le 1er juin. Pictet la rapporte en ces termes:2

Dans une longue conversation que j’ai eue hier avec le comte de Capo d’Istria, j’ai vu clairement que, pour réussir, il aurait fallu employer de ces arguments irrésistibles que nous autres honnêtes gens ne savons pas mettre en avant. Vu la nature de l’obstacle [la conscience du roi], je doute pourtant qu’on eût rien gagné sur l’article essentiel, le pays de Gex. Mais, en nous raccrochant de l’autre côté, il faut bien se préparer à un sacrifice et en peser d’avance la convenance et la force. Il m’engagea à donner aujourd’hui une nouvelle note en confirmation du mémoire du 25, qu’il approuve beaucoup. Il me promit de tirer à la même corde que nous et de nous maintenir une porte ouverte. J’ai fait cette note cette nuit. Je la lui ai envoyée ce matin, à 8 heures, par Lullin, qui me l’a rapportée avec son entière approbation. Je vais la lâcher aux quatre ministres qui partent ce soir ou demain. Vous en avez ci-joint la copie. Il ne suppose pas possible que nous puissions être suisses sans être contigus. Il m’a dit que M. de Metternich avait prononcé que le Valais, Bienne et Neuchâtel étaient dedans, et que, ne nous ayant pas nommés, il paraissait nous laisser en dehors.

Il ne nous semble pas fortuit que Capodistrias, qui lui aussi venait de voir ses projets combattus auprès de l’empereur par La Harpe, ait épousé la cause du diplomate genevois. Le 6 juin, Pictet rencontre à nouveau le ministre du tsar, dont il se fait un allié inconditionnel:3

1. AEG, Aff. étrang. 25, f. 189v. Lettre de La Harpe à Pictet, du 6 juin 1814. W. Martin, op. cit., p. 359-360.

2. L. Cramer, op. cit., p. 100-101, lettre à Turrettini du 2 juin 1814.

3. ibidem, p. 108-111. Lettre à Turrettini, Paris, 7 juin 1814.

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[...] Hier, j’allai de bonne heure avec une carte et la lettre du Conseil à Alexandre chez M. Capo d’Istria. J’avais tracé sur la carte la nouvelle frontière française, depuis l’Aire de Chancy jusqu’à Bonneville (autant qu’on peut la comprendre). Je lui fis toucher au doigt: 1° que ce mouchoir depuis Bonneville, sur la gauche de l’Arve et du Bhône, et borné par la nouvelle frontière française, ne pourrait appartenir qu’à nous. On ne voulait plus agrandir la France de ce côté-là. Son affaire était faite. Et, quant au roi de Sardaigne, que pourrait lui signifier ce petit coin sans communication avec Turin et touchant à nos glacis? 2° Je lui démontrai que les quatre provinces [Maurienne, Tarentaise, Faucigny, Chablais], dont le sort demeurait en suspens, ne pouvaient pas mieux rester à la maison de Savoie, vu le défaut de communications; que le Chablais et le Faucigny, en prenant l’Arve pour limite, étaient évidemment dans le système géographique suisse, et qu’il était encore de l’intérêt de l’Europe de les y placer définitivement, dans les arrangements du congrès de Vienne. Tous ses raisonnements appuyèrent les miens. Il approuva l’idée d’aller là où va mon frère [à Londres].

Je lui dis que, malgré notre ruine, je croyais qu’on trouverait encore les moyens de faire un sacrifice en faveur de qui de droit, pour lever les obstacles à un arrangement qui nous permettrait l’agrégation et assurerait communications militaires, subsistances, etc. Il me promit sa coopération, et, d’abord, qu’il empêcherait qu’on ne prît à la Diète un parti décisif d’exclusion, en y faisant envisager la probabilité que nous réussirions sur l’autre rive.

Il lut avec attention la lettre du Conseil à Alexandre. Il la trouva: 1° trop longue; 2° tardive. Il me dit: «Il répondra: c’est une affaire faite, on n’en peut pas revenir. Au lieu de cela, il faut lui écrire d’après l’autre idée indiquée dans vos dernières notes, et qui est votre seule espérance. Il faut resserrer votre demande clans le plus petit nombre de mots qu’il se pourra, et ne pas essayer surtout de l’occuper de cela où il est maintenant [en Angleterre]: ce serait impossible. Dans les cinq jours qu’il passera à Carlsruhe, il y aura possibilité d’accès.»

Il me parla beaucoup de la Suisse et me montra lassitude et humeur contre les Bernois. Il me donna des détails qui montrent qu’en effet ils risquent sciemment le repos et l’existence de la Suisse en persistant dans un système que la force des choses détruit. Il craint beaucoup que la France n’ait bientôt, à l’occasion des troubles qui naîtront, l’occasion d’envoyer vivre un corps d’armée en Suisse. Il est navré de tout cela. Il craint encore que le Corps helvétique ne se trouve pas constitué à temps pour être représenté à Vienne, ce qui aurait pour la Suisse les conséquences les plus fâcheuses.

Comme la France a demandé le Chablais dans les conférences

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de Paris, j’ai fait sentir l’importance de le donner à la Suisse, ne fût-ce que... Il m’a dit qu’il se trouverait à Genève aussitôt que moi. Vous aurez donc occasion de l’entendre raisonner sur tout cela. Il est très bienveillant, très éclairé. Il sent fort bien que nous pouvons et devons être jalousés. Il n’est pas bien sûr que La Harpe n’ait pas été contre, etc.

Après avoir passé une heure avec lui, j’allai chez Pozzo di Borgo, à qui j’avais porté la veille une lettre de Dumont. Capo d’Istria m’y rejoignit un quart d’heure après, et, me trouvant causant de nos affaires dans le cabinet de Pozzo, il se mit à en causer en tiers. Pozzo nous lut la lettre de Dumont. Nous la commentâmes. Il dit aussi: «C’est trop tard», mais il convint avec nous qu’il fallait se raccrocher de l’autre côté. Capo d’Istria m’aida à lui faire bien saisir et épouser la cause. Malheuresement le voilà fixé loin de la personne importante [Alexandre], ce qui, par parenthèse, pourrait bien être un tour d’ami de cour. Toujours est-il bon qu’il soit endoctriné. Il répondit devant moi à M. Dumont et me remit la lettre [...].

Ces renseignements privés sont confirmés et complétés dans le «Bapport de Mr le Conseiller Pictet sur sa mission à Paris en avril, mai et juin 1814», inséré dans le Registre du Conseil.1 Deux passages concernent sa rencontre avec Capodistrias:

Le lendemain 1er Juin, je parvins à joindre Mr Capo d’Istria, qui était à Paris depuis quelques jours. Je lui trouvai de l’humeur sur la tournure que notre affaire avait prise. Il regrettait de ne s’être pas trouvé à Paris à temps pour plaider une cause qu’il croyait avoir été mal défendue. Il approuvait beaucoup mon mémoire du 25, dont il avait connaissance et après m’avoir fait connaître les conditions de la paix pour ce qui nous regardait, il m’engagea à remettre une note aux Ministres, avant leur départ pour Vienne. Cette note donnée le 2 juin, c’est-à-dire le jour même de la publication des conditions, fut remise à tous les ministres au moment de leur départ. J’avais eu soin d’en faire approuver le projet par Mr de Capo d’Istria, en le lui envoyant de très bonne heure par Mr Lullin. Celui-ci revint convaincu de ce que j’avais déjà soupçonné dans ma conversation de la veille, c’est que certains argumens, que nous ne savons et ne pouvions guere employer, nous auraient peut-être fait gagner notre cause. Le Comte Capo d’Istria paraît porté de très bonne volonté pour nous, et nous soutiendra à Vienne.

1. AEG, Registre du Conseil d’Etat provisoire 1813 et 1814, rapport inséré entre les feuilles 233 et 234, passages reproduits pp. 6b et 6c. Publié dans L. Cramer, op. cit., p. 111-127.

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[...] Le six au matin je réussis à trouver chez eux Mrs Capo d’Istria, et Pozzo di Borgo. J’eus avec le premier, et ensuite avec l’un et l’autre, une assez longue conférence dont j’ai rendu compte à Mr le Cer Turrettini dans ma lettre du 7. Ils furent d’avis qu’il ne fallait pas donner cours à la lettre pour l’Empereur. Ils jugerent qu’elle arrivait trop tard. Mr Capo d’Istria, qui la lut avec beaucoup d’attention, et la trouva fort bien faite, la jugea cependant trop longue, et conseilla d’en faire une dans l’esprit de la note du 2 juin, et de la faire remettre à Carlsruh où l’Empereur serait plus abordable qu’en Angleterre. Il m’annonça sa prochaine arrivée à Genève. Il devait quitter Paris le 10, et retourner en Suisse achever une tâche dont il commence à se montrer fort las [...].

Traité de Paris

L’annonce du Traité de Paris et les articles concernant Genève parvinrent au bord du Léman le 1er juin, le jour même où la population accueillait dans la liesse les contingents suisses. L’effet psychologique de l’échec relatif au Pays de Gex en fut atténué. On y fut surtout soulagé de la parenthèse de l’article III.7.: «Dans le département du Léman, les frontières entre le territoire français, le pays de Vaud et les différentes portions du territoire de la République de Genève (qui fera partie de la Suisse), restent les mêmes qu’elles étaient avant l’incorporation de Genève à la France.» Les concessions territoriales assez confuses qui suivent, furent modifiées par la suite. Par contre, l’article IV permettait l’espoir d’un aménagement pour la communication directe avec la Suisse: «Pour assurer les communications de la ville de Genève avec d’autres parties du territoire de la Suisse, situées sur le lac, la France consent à ce que l’usage de la route par Versoy soit commun aux deux pays. Les gouvernements respectifs s’entendront à l’amiable sur les moyens de prévenir la contrebande et de régler le cours des postes et l’entretien de la route.»1

De Paris, le 28 mai, Capodistrias avait écrit à Reinhard (Document n° 55) une lettre qui devait lui être remise par le baron de Krüdener dépêché par l’empereur directement à Zurich: «Il est conséquemment chargé de Vous donner des explications satisfaisantes relativement aux différens points dont la decision définitive a été jugée essentielle à l’achèvement le plus prompt des travaux de la Commission de la Diète constitutionnelle.»

1. W. Martin, op. cit., p. 377. AEG, Aff. étrang. 25d, f. 184-188 (= Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 154, vendredi 3 juin 1814, p. 4).

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Quelques articles du Traité de Paris concernaient la Confédération suisse; le plus important d’entre eux, l’article VI, reconnaissait l’indépendance du pays: [...] «La Suisse, indépendante, continuera de se gouverner par elle-même.»

En complément des informations verbales de Krüdener, Capodistrias communique, dans une lettre datée de Genève, le 13 juin. 1814 (Document n° 56), la copie de l’article II du Traité secret passé entre les signataires: «La France reconnaîtra et garantira conjointement avec les puissances alliées et comme elles, l’organisation politique que la Suisse se donne sous les auspices des dites puissances alliées et d’après les bases arrêtées avec elles.» Les grandes puissances établissaient ainsi en Suisse une influence collective à la place de celle que la France avait exercée seule au cours des siècles précédents. Cette ingérence étrangère, surtout celle de l’Autriche, eut des conséquences assez fâcheuses sur les affaires intérieures de la Suisse entre 1820 et 1848.

Dans la lettre qui accompagne l’article secret, Capodistrias fait le point de la situation: il faut accélérer la ratification du Pacte fédéral pour qu’il puisse être reconnu et garanti par les Alliés et la France au Congrès de Vienne et pour que la Confédération suisse puisse être représentée à la Conférence en tant qu’Etat souverain. Il informe Reinhard du rejet par l’empereur de Russie des prétentions bernoises sur l’Argovie, moyennant des compensations territoriales du côté de Bienne et Moutiers. Il se propose de passer par les cantons aristocratiques pour discuter sur place de la situation. Son trajet de retour passerait par Genève, Lausanne, Fribourg, Berne, Soleure, Aarau et Saint-Gall. Projet qui ne sera que partiellement réalisé. Il insiste enfin sur le désir de Genève d’être unie à la Confédération et donnera de vive voix les explications sur ce point. Enfin, Metternich semble s’être prononcé pour la restitution de la Valteline à la Suisse.

Capodistrias à Genève

Lettre du colonel Girard au gouvernement de Fribourg

Le passage de Capodistrias par Genève est relaté officiellement dans le Registre du Conseil d’Etat:1

Le 11 Juin 1814 [dans la marge: Le Comte Capo d’Istria Députation] Mr le Comte Capo d’Istria étant attendu à Genève on nomme Mr

1. AEG, R.C. 1814, p. 232, séance du 11 juin 1814; p. 235-236, séance du 13 juin 1814.

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le Syndic Des Arts, Messs les Cons. Saladin, d’Ivernois et Schmidtmeyer pour le complimenter à son arrivée de la part du Conseil et conférer avec lui sur les intérêts de la République, le 13 juin 1814 [dans la marge: Députation à Mr le Comte Capo d’Istria Ministre Russe près la Diète Helvétique]

La Députation du Conseil à Mr le Comte Capo d’Istria, à laquelle Mr le Cons. Pictet s’est joint, rapporte qu’elle s’est rendue auprès de lui pour le complimenter et solliciter sa bienveillance et la protection de Son Souverain pour notre République. Mr le Comte Capo d’Istria a répondu en termes très honnêtes pour le Conseil et la République, il a témoigné prendre un véritable intérêt à notre sort futur, a promis son appui à nos démarches, soit auprès de la Diète, soit auprès du Congrès de Vienne, il a fini par demander à connoitre les bases générales de notre future constitution.

Nous remarquerons qu’à l’exception de Des Arts, Capodistrias connaît déjà les trois autres conseillers, ainsi que Pictet qui, de retour de Paris, se joint à la députation. Le ministre est logé chez le chevalier d’Ivernois, dans la belle demeure des comtes de Sellon à la rue des Granges.1

Chose curieuse, le seul autre témoignage privé de ce passage de Capodistrias à Genève, nous l’avons trouvé aux Archives de Fribourg: c’est le long rapport que le commandant des troupes suisses à Genève, le colonel Girard, fait à son gouvernement de son entrevue avec Capodistrias.2 Le premier paragraphe est anecdotique et nous renseigne sur les honneurs réservés au ministre:

Je m’empresse de vous faire connoitre que la députation de Genève à Paris est de retour ici depuis le 11e courant, elle a été suivie hier au soir entre 9 et 10 heures par Monsieur le Comte Capo d’Istria, qui a été logé dans une maison particulière, où il a reçu tous les honneurs dus a sa mission en Suisse. Ce matin je lui ai envoyé une garde d’honneur qu’il a acceptée, de même que celle que lui a envoyé le Gouvernement de Genève. Entre midi et une heure, qui étoit le moment qu’il m’avoit fixé pour reçevoir ma visite avec mes officiers, je me suis rendu chez lui, il me fit un accueil très gracieux et voici quel fut a peu-près l’entretien que nous eumes ensemble sur les affaires, qui intéressent si particulièrement le sort de la Suisse.

Il m’a dit: qu’il est [sic] espéroit que son retour en Suisse y

1. Gazette de Lausanne, no 48, vendredi 17 juin 1814.

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Commission souveraine, correspondance 1814, p. 67, no 25, lettre de Girard du 13 juin 1814.

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ameneroit sa pacification intérieure, que l’intention des puissances alliées à l’égard du Corps Helvétique ne seroit plus un secret à l’avenir, qu’il s’empresseroit au contraire de la faire connoitre; que si l’on ne vouloit point mettre fin a ces dissensions, qui font le déshonneur et le mécontentement de la Suisse, il connoit d’une manière positive que les hautes puissances alliées sont décidées à envoyer en Suisse une armée, qui faisant chacun rentrer dans son devoir nous forçeroit à l’exemple de celle que Napoléon avoit envoyée en Suisse lors de la mise en activité de l’acte de médiation, à recevoir d’elles une constitution conforme à leurs idées libérales; qu’il espéroit cependant que l’on ne seroit point obligé d’en venir à cette extrémité, mais qu’il falloit pour cela sacrifier les intérêts particuliers au bien général, qu’il étoit urgent que l’on organisât définitivement les Cantons sans manifester aucune exclusion, sans privilège de famille et cependant n’appeller que le mérité au Gouvernement, qu’il étoit urgent de terminer cette organisation, qui seule peut lever cet état d’incertitude dans laquelle la Suisse se trouve plongée depuis quelques mois, et la soumettre à la ratification de la Diète, sans laquelle elle ne peut avoir aucune force.

Je lui ai dit que quelques articles de la constitution de Fribourg, que l’on avoit rendus publics, entr’autres le mode des élections au grand Conseil souverain, n’avoient produit aucun mauvais éffet et qu’ils avoient été au contraire reçus avec beaucoup de calme. Il me répondit: que lorsque les députés du Canton de Fribourg l’avoient informé que l’ancien Gouvernement s’était substitué à celui de l’acte de médiation, il leur avoit demandé, si ce changement avoit l’assentiment du peuple, qu’on le lui avoit assuré, qu’il avoit cependant depuis lors eu lieu de se convaincre du contraire tant par les demandes reitérées du peuple à être admis par ses représentants à concourir à l’établissement du nouvel acte constitutionnel que par le refus tacite des quartiers du Canton à présenter à la Commission souveraine les trois candidats parmi lesquels le membre direct de chaque quartier au Grand Conseil devoit être choisi et qu’il ne pouvoit pas regarder cette non présentation comm’ un acte d’insouçiance de la part du peuple, que si c’en étoit un, ce dont il avoit peine à se convaincre, le Gouvernement ne devoit point laisser ses ressortissants indifférents sur un article de la constitution aussi important pour eux. Il me fit à cet égard quelques comparaisons, que je passerai sous silence. Il ajouta qu’il avoit été fâché de voir que les Cantons de Fribourg et Soleure fussent les deux cantons dans lesquels il y avoit eu le plus de troubles, ce qui étoit bien loin de faire croire au contentement général, que l’on s’étoit flatté d’avoir amené par le changement du Gouvernement.

J’oubliois de vous dire qu’il m’a déclaré d’une manière positive qu’il étoit d’autant plus urgent que la Suisse se reconstituât le plus promptement possible sur des bases, qui assurent son bonheur et sa tranquillité par leur sagesse et qui réunissant tous

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les différents partis, qui la divisent leur fassent oublier leurs intérêts particuliers pour ensuitte tous d’un commun accord tendre au bien public, qu’il lui importoit beaucoup qu’elle envoyât au prochain congrès de Vienne des députés pour la représenter de manière a ce que ses intérêts n’y soient point négligés, lorsque ceux des nations de l’Europe y seront définitivement réglés. Il ajouta que l’intention des puissances alliées avoit été de donner aux limites de la Suisse une plus grande extension et plus conforme à sa position, mais que l’Etat de trouble où elle se trouve les avoit décidées à suspendre la délimination — définitive de son territoire.

Je ne crois pas inutile de vous dire qu’il a eu à Paris avec Mr le Colonel d’Affry des conversations relatives aux circonstances et particulièrement au sujet de notre Canton et qu’il l’avoit même chargé de communiquer ses intentions au Gouvernement, il me me dit que je devois en faire de même, quant à lui il m’assura ne point vouloir s’immisçer dans les affaires intérieures des Cantons.

Voila, Messieurs! le résultat éxact de l’entretien que j’ai eu avec Mr Capo d’Istria, je regrette de n’avoir pu profiter de l’invitation, qui m’avoit été faite de diner avec lui, j’aurais sans doute appris encore quelqu’autre chose, qui auroit pu mériter votre attention.

J’ai l’honneur de vous prevenir que son départ d’ici pour Lausanne est fixé à demain matin d’où il se rendra à Fribourg et ensuitte à Zurich en visitant une partie des autres cantons de la Suisse. Ne connaissant pas exactement le jour de son départ depuis Lausanne pour Fribourg et persuadé qu’il vous seroit agréable de connoitre le moment de son arrivée j’ai prié Monsieur le Commissaire des guerres en chef du Canton de Vaud de vous en donner connaissance par le courier, si la nouvelle peut vous arriver à tems, si non, de vous envoyer un exprès. J’aime a croire que vous ne trouverez pas cette mesure déplacée, j’ai cru que la prudence et l’intêret de mon pays l’exigeoient.

Agréez, Messieurs ! l’assurance de ma respectueuse considération.

Si Capodistrias a pu discuter des affaires fribourgeoises avec deux partisans du gouvernement en place — d’Affry à Paris et Girard à Genève, il est de son côté bien renseigné sur l’existence d’une opposition au régime patricien. Son informateur sur l’affaire des quartiers (districts campagnards) de Fribourg est en l’occurrence de nouveau l’ex-avoyer Diesbach. Bépondant à une lettre malheureusement disparue de Capodistrias du 18 avril, celui-ci écrit le 26 avril:1

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach, brouillon de lettre de Joseph Diesbach à Capodistrias, daté du 26 avril 1814.

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[...] j’ai l’honneur de L’informé que le 23 du Couran jour fixé pour l’Assemblée des Quartiers, il n’y a eu dans la totalité du Canton, qu’un Seul Quartier, Celui de Châtel qui... se trouvant en nombre compétant, ait put fair une proposition de trois Membres le pays sentant combien la représentation qu’on lui accordait étoit illusoire, a dans cette occasion donné une preuve bien plus convaincante de Son mécontentement, que toutes les réprésentations qui ont été faite précédament.

La Commission Souveraine [...] a fait la demande au Grand Consaille, si dans les propositions qu’elle devait faire pour supléer aux présentations des quartiers, elle pouvoit choisir des patritiens pour être Membres représentans de la Campagne, cette demande a été approuvée et vu l’esprit de ceux qui dirigent le choix des représentans il est facile de prévoir, que le nombre des personnes de la Campagne qui doivent faire partie du Gouvernement sera encore plus restraint.

Capodistrias a reçu en outre un mémoire de Fribourgeois mécontents qui l’a renseigné de façon très précise sur la situation du canton.1

Dans son rapport suivant,2 Girard signale que Capodistrias a pris la route de Lausanne le 14 à 3 heures après midi. Et c’est avec soulagement qu’il a dû recevoir quelques jours plus tard l’aval de son gouvernement:3 «Il nous a été agréable d’être avisés à l’avance de l’arrivée de Mr le Comte de Capo d’Istria... et nous ne pouvons qu’approuver les mesures que vous avez prises à cet effet.»

Séjour à Lausanne

Entrevue avec le Petit Conseil

Si les documents officiels de Genève et de Fribourg sont laconiques au sujet de Capodistrias, les registres vaudois nous renseignent dans le menu détail sur le passage du ministre russe dans leur ville.

De Paris, le 3 juin, Monod écrivait à Auguste Pidou:4 «il est possible que Mr de Capo d’Istria, partant avant nous, passe à Genève et chez nous; en ce cas, il s’y arrêtera et vous parlera de notre Constitution; il importe de le parfaitement recevoir, de l’entourer un peu;

1. Monod, op. cit., t. II, p. 424-427, annexe LXXI: Mémoire de Duc, Chappuis et Praroman, Fribourg, le 6 mai 1814 (= BCU, Fonds Monod, Ko 17).

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Commission Souveraine, Correspondance juin 1814, no 27, pièce 69, lettre de Girard, Genève, 16 juin 1814.

8. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Protoc. Commission souveraine du gouvernement 1814, p. 178, n° 146, lettre à Girard, 20 juin 1814.

4. BCU, Fonds Monod, Kn 33.3, lettre de Monod à Pidou, copie, Paris, 3 juin 1814.

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    grès de Vienne à une démarche similaire du Gouvernement de Soleure,1 le Fribourgeois de Montenach:

    [...] Comme bon Suisse et fribourgeois je me ferai toujour un devoir de manifester envers le haut Etat de Soleure, les sentimene et le dévouement, que professe à son égard mon gouvernement; je saisirai avec empressement toutes les occasions, ou je pourrai être utile à Vos Excellences [...].

    La rectification des limites de votre Canton soit du côté de l’évêché, soit du côté de Berne, est un besoin que vous fait éprouver votre situation topographique, je ne doute pas, que notre ancien confédéré et combourgeois le gouvernement de Berne ne sente toute la justesse de vos motifs, mais je pense, que pour cet objet, il ne peut pas être discuté ici, mais qu’il est l’affaire d’une convention entre les deux Cantons; quant à la partie de l’êvéché, qui peut vous convenir, je prie Vos Excellences d’être persuadées, que je me réunirai avec zèle à mes Collègues pour obtenir une chose, qui vous soit agréable [...].

    à Fribourg

    La lettre du 19 mai (Document n° 53) fut remise, à Fribourg ou ailleurs, au cours d’un entretien entre Chambrier et l’avoyer Charles de Werro. Le Grand Conseil fribourgeois, mis au courant par celui-ci, réagit plus tardivement que Berne, le 7 juin seulement, mais dans une missive dont la copie ne couvre pas moins de cinq pages du gros recueil du Protocole de la Commission Souveraine, pour tenter de justifier sa position et les dispositions adoptées dans la constitution cantonale qui avait été discutée par le Grand Conseil du 4 au 10 mai 1814 et adoptée ce jour-là. Cette constitution fribourgeoise de 1814, qui n’appliquait pas le principe de la séparation des pouvoirs, jugé subversif, assurait la prépondérance dans les conseils et le gouvernement au patriciat urbain au détriment de la campagne.2 Les ministres devaient en connaître la teneur lorsqu’ils rédigèrent leur lettre du 19 mai; et plus que les Bernois et les Soleurois qui n’avaient pas encore terminé leurs travaux constitutionnels, les Fribourgeois vontse sentir directement visés par les critiques des ministres. Voici le début de la lettre fribourgeoise:3

    1. ibidem, lettre de J. de Montenach, Vienne le 19 octobre 1814.

    2. Gaston Castella, Histoire du canton de Fribourg, Fribourg 1922, p. 477-480. Histoire du Canton de Fribourg (par G. Bavaud, J. P. Uldry, G. Andrey, J. Dubas), 2 vol., Fribourg 1981 ; ici t. II, p. 782-783.

    3. ARCHIVES D’ÉTAT, Fribourg, Protocole des Délibérations et de la Correspondance de la Commission souveraine du Gouvernement 1814, p. 161-166, n° 132, 7 juin, copie de la note à Schraut, Capodistrias et de Chambrier.