Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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de donner de l’ombrage aux nouveaux Cantons et plutôt faire des réserves pour des dedommagemens [...].

Je pus facilement me persuader dans cette audience, que ces Messieurs comme Mr Reinhard étoient fortement contrequarrés de nos dernières résolutions, et que malgré qu’ils prétendissent avoir des moyens pour consommer l’ouvrage sans nous, la chose leur étoit presque impossible, vû la resistance des petits Cantons contre la centralité; et j’ai tout lieu de croire qu’ils sont dépourvus et d’instructions et de moyens pour parvenir à leur but et à nous contraindre par des voies coërcitives, et que les seules armes, qu’ils ont contre nous, existent dans des libelles et en recevant et en excitant des remontrances de nos propos [sic] ressortissants.

Je n’eus au reste qu’à me louer de la politesse et prévenance de ces Messieurs, qui me prièrent de les revoir, si je ne retournois pas moi même à Berne, en m’assurant combien ils avoient à cœur de servir ma patrie [...].

Cet entretien est suivi d’une audience chez Reinhard, puis d’une nouvelle entrevue avec Lebzeltern qui, carte en mains, discute des concessions qui pourraient être faites de part et d’autre.

De Murait conclut son rapport assez imprudemment:

Cette Diète, conduite par Mr de Reinhard, sous la direction de MMrs Capo d’Istria et de Lebzeltern, qui la forcent, pour ainsi dire, à rester réunie, languit sans travail, excepté celui que fait la Commission législative [...].

Il paroit indubitable qu’une plus longue absence des 3 Cantons mettra les plus grandes entraves aux projets de Messieurs les Agents Diplomatiques et à la confection du nouveau pacte fédéral, et que cette Diète ephémère sera bientôt forcée de faire place à une assemblée plus légale.

C’est dans cette direction que s’engage résolument le gouvernement bernois. Dans les semaines suivantes, d’autres hommes d’Etat écrivent à Metternich ou à Castlereagh pour défendre les intérêts de leur patrie. Berne est régulièrement informée de ce qui se passe au quartier général et sur le front des armées alliées par le baron neuchâtelois J. P. de Chambrier; et elle se sent assez puissante pour encourager en sous-main toute une série de mouvements locaux dans les cantons des Waldstätten qui se joignent au camp des conservateurs.

Ces intrigues bernoises sont exposées avec clairvoyance par Capodistrias à Alexandre dans le rapport qu’il lui en\roie directement le 3 février 1814:1

1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 553-555.

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Sire. Les pièces ci-jointes portent à la connaissance de v. m. i. l’état des affaires en Suisse, ce qu’on peut en préjuger dans l’espoir de les terminer par la voie de la conciliation, et les mesures à prendre dans le cas contraire.

Je prends la liberté de demander à cet égard les ordres de v. m. i. J’ai la conviction la plus positive que le véritable projet de l’Autriche, peut-être même de l’Angleterre, est de paralyser nos opérations. L’une se flatte de faire de la Suisse un pays soumis à ses volontés et à sa politique. L’autre prétend augmenter la prépondérance autrichienne dans le Midi.

Le patriciat de Berne se laisse entraîner; dans une république point de secret et j’aperçois qu’on veut gagner du temps. On veut constituer la Suisse à la paix générale dans l’espoir d’éloigner ainsi l’intervention directe de v. m. i.

A toutes les démarches tortueuses qui résultent de ce projet insensé je n’ai opposé qu’une conduite franche et ouverte. Je tâche de faire sentir aux Suisses leurs véritables intérêts. On m’écoute. Je dirai plus, on m’accorde de la confiance. Hormis quelques têtes à préjugés, quelques hommes à passions vulgaires parmi les patriciens des anciens cantons, toute la Suisse attend son repos et son sort de la protection bienveillante de v. m. i.

Pour atteindre ce but il est important de tirer ce pays de l’état révolutionnaire où l’Autriche l’a jeté et veut le maintenir.

J’ai osé en indiquer les moyens dans la note ci-jointe.

Je suis. . .

Le Comte Capodistrias

Annexe:

Etat des affaires en Suisse

Les anciens cantons aristocratiques, révolutionnés par Berne, et associés à ce gouvernement s’opiniâtrent à ne point prendre part aux travaux de la diète.

Ils se flattent de faire la loi à la Suisse, de favoriser exclusivement leurs intérêts.

Les Grisons malgré les déclarations données par l’Autriche paraissent vouloir suivre cet exemple. Les petits cantons étaient sur le point de se laisser entraîner.

On emploie toutes sortes de prestiges pour leur en imposer, tous les moyens de les corrompre; l’argent même n’a point été épargné.

Isoler Berne et ses adhérents et cimenter par des liens solides l’union des cantons représentés à Zurich, tel a été l’objet de mon travail depuis mon retour de Bâle jusqu’à ce jour.

Je n’ose pas répondre du succès. Les apparences le promettent. L’assemblée de Zurich paraît prendre de la consistance, les Grisons y envoient leurs députés mais sans instructions et Berne elle-même se montre disposée à capituler. Une députation qui nous a été envoyée à cet effet paraît destinée à opérer cette conciliation.

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Je la désire pour ne pas provoquer de mesures violentes. Cependant je les ai fait pressentir. Fellemberg a travaillé avec chaleur, non sans utilité.

Si cette conciliation a lieu, la Suisse sera constituée de manière à laisser à chaque parti le moyen de faire valoir ses droits si à l’avenir une force ou une influence extérieure reproduirait dans ce pays la division et la discorde dans la vue de favoriser un parti et d’écraser l’autre.

C’est dans l’intention d’éloigner cette occasion et ces motifs, c’est pour terminer par une transaction solennelle les prétentions de Berne qu’il est préférable de ne pas contester à sa noblesse le droit de se reconstituer et d’adopter d’elle-même les principes libéraux qui peuvent convenir à sa tranquillité intérieure. En encourageant le peuple du canton de Berne à prendre part directement aux affaires, on renverserait la noblesse, on irriterait l’Autriche, on exciterait des troubles, des vengeances, des réactions. On établirait par le fait une divergence dans les opinions des cabinets alliés à l’égard de la Suisse. Des intérêts majeurs pourraient l’assoupir pour le moment. Mais dans la Suisse elle ne manquerait pas de donner lieu à une intervention extérieure dans les affaires de ce pays et par là même à sa perte ou à son asservissement.

Mesures à prendre si la conciliation ne peut avoir lieu

Il se peut cependant que les bonnes dispositions que montre Berne n’aient pour but que de paralyser l’ouvrage de la diète et de gagner du temps. Nous avons donné au gouvernement bernois un terme péremptoire. Nous attendons dans deux jours une réponse définitive. Si Berne n’accède pas il faut remonter au principe de son obstination et y porter remède. Si elle persiste c’est parce qu’elle espère obtenir par la protection de l’Angleterre et de l’Autriche lorsque la paix générale se fera ce qu’elle ne peut gagner dans ce moment, vu l’intervention de la Russie et les égards qu’on a pour cette puissance.

Je propose un moyen très simple. Constituer la Suisse. Beconnaître sa constitution malgré l’éloignement et l’absence des trois cantons aristocratiques. Une déclaration dans ce sens au nom des alliés déterminerait Berne à demander grâce. Elle l’obtiendrait au grand avantage de ses propres intérêts et de ceux de la confédération. J’ose demander les ordres de v. m. i. à cet égard.

Il serait important de déterminer le ministère autrichien à donner des ordres conformes au chevalier de Lebzeltern et à M. de Schraut.

Ce dernier reste toujours à Berne. Je doute fort que ses instructions soient conformes à celles de mon collègue. Pourquoi ces deux ministres en Suisse? Pourquoi l’un à Berne, l’autre à Zurich?

La gazette de Berne contient des articles qui compromettent

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ouvertement le chevalier de Lebzeltern. Dans les Grisons on imprime des proclamations où il est insulté. Pourquoi tolérer cette audace, si l’on veut ramener les esprits?

Contingent

Presque tous les députés assemblés à Zurich m’ont témoigné le désir d’armer aux frais de la confédération cinq à six mille hommes. Une légère impulsion de notre part suffirait.

Cette mesure serait utile sous un double rapport. Elle donnerait plus de consistance et plus d’énergie à la diète actuelle.

Ce petit corps d’armée dont la composition rallierait les intérêts de l’intérieur pourrait agir utilement dans le cas de la continuation de la guerre.

Dans le cas contraire il pourrait passer à la solde et au service du roi de Sardaigne ou de toute autre puissance rétablie en Europe par la paix générale.

En partant de cette conviction j’aurais sans perte de temps secondé les désirs des députés. M. de Lebzeltern a préféré demander les ordres de sa cour. J’implore ceux de v. m. i.

Constitution des nouveaux cantons

Elle doit être mise en harmonie avec celle des anciens cantons. Sans cela des motifs ou des prétextes réciproques de méfiances, de jalousies et de troubles.

Les personnes les plus éclairées des cantons de Vaud et d’Argovie m’ont adressé leurs observations à cet égard. J’en ai demandé aussi au conseiller Monod. Il envoie les siennes à M. de La Harpe. La pièce ci-jointe en contient d’autres. Je prie v. m. i. de daigner accorder son attention à cet objet et me donner ses ordres.

Le comte Capodistrias

Premier contact avec Fellenberg

Par contre, il existe aussi à Berne un parti libéral, outré par l’attitude des patriciens et dont un membre n’hésite pas à s’adresser dans ces circonstances à Capodistrias. Il s’agit de Philipp Emanuel von Fellenberg, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler à propos de Pictet de Rochemont. Dans les papiers conservés par la famille1 existe le brouillon, non daté, griffonné par Fellenberg puis recopié par une main étrangère plus lisible, d’une lettre qu’il adresse à Capodistrias fin janvier-début février probablement. Son contenu est trop important pour ne pas être transcrit in extenso:

1. BURGERBIBLIOTHEK, Berne, Dossier Fellenberg Philipp Emanuel. Brouillon (a) griffonné par Fellenberg, puis (b) recopié d’une autre main. Version choisie: (b) corroboré par (a).

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A Son Excellence Monsieur le Comte de Capo-d’Istria a Zurich

Monsieur le Comte!

Permettez que je prie Votre Excellence de nouveau de vouloir bien être attentif aux inquiétudes qui agitent les cantons de Berne, de Soleure et de Fribourg, et aux dangers qu’ils courroient avec toute la Suisse, si les intérêts des peuples de ces cantons étoient sacrifiés aux prétentions de quelques familles influentes dans leurs capitales.

La manière révolutionnaire dont les gouvernants actuels de ces trois cantons se sont arrogés tous les pouvoirs, les moyens répréhensibles [dans le brouillon: et indécents] qu’ils emploient pour maintenir leur usurpation, la passion avec laquelle ils persécutent les représentants du peuple qui font leur devoir, la manière illibérale et corruptrice dont ils se sont associés un certain nombre d’habitans des dits cantons dans leur gouvernement, ce qu’ils font pour supprimer non seulement la liberté de la presse, mais même celle de la pensée, la constitution politique qu’ils se proposent de nous donner, leur tendance démoralisatrice, en un mot l’esprit qui les anime et leur conduite les ont privé, et les privent de plus en plus de la confiance de leurs concitoyens les plus probes et les plus éclairés, et les couvrent de la haine du peuple. Celui-ci reste pour le moment sans mouvement apparent

1° en suite des efforts de nos hommes de bien qui tâchent d’éviter tout éclat dangereux.

2° par ce qu’il ne connoit pas encore bien tout ce qui s’est fait contre ses intérêts les plus importants, et

3° parce qu’on lui fait accroire que les hautes Puissances alliées soutiennent ses oppresseurs, et cette opinion doit nécessairement s’accréditer de plus en plus par ce qui arrive aux patriotes persécutés des cantons de Berne, de Soleure et de Fribourg: mais Votre Excellence peut être assurée que cet état des choses ne durera pas toujours, et que si l’on n’y remédie pas incessamment il sera pour nous une source intarissable de troubles, de désordres et de bouleversements nouveaux.

Ces Messieurs de Berne ont déjà déclaré, en envoyant des députés à Zurich, qu’ils ne faisoient cette démarche que par ce qu’ils y étoient forcés; il est bien entendu que leurs intrigues n’y perdront rien, s’ils gardent leurs moyens actuels, et que leur jeu recommencera aussitôt que la force qui leur en impose aura disparu.

J’ai écrit à Monsieur le Conseiller [brouillon: d’Etat] Usteri à Zurich quels moyens arrêteroient la démoralisation de notre nation, que Messieurs de Berne ont organisée, et nous délivreroient des maux funestes auxquels nous sommes en proie.

Je suis persuadé Monsieur le Comte, que si mes vœux ne sont pas exaucés, nous en serons bientôt au point de devoir fuir

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les cantons en question, pour recouvrer la patrie, à l’honneur et à la prospérité de laquelle j’ai dévoué ma vie et ma fortune.

Si je ne craignois pas Monsieur le Comte, de vous importuner inutilement en vous donnant plus de détails sur l’objet de cette lettre, je m’expliquerois mieux sur mes vues, qui sont parfaitement d’accord avec celles que m’exprima sur la Suisse l’Empereur Alexandre, quand j’eus l’honneur de rendre mes devoirs à Sa Majesté.

Veuillez agréer Monsieur le Comte le respectueux dévouement avec lequel j’ai l’honneur d’être

de Votre Excellence

[signé:] F.

On remarquera le ton dramatique de la missive et l’angoisse que donnent à Fellenberg les risques d’une guerre civile. Jugeant probablement que l’envoyé du tsar se montre trop conciliant pour les aristocrates, Fellenberg rappelle la rencontre avec Alexandre, qu’il est allé trouver à Bâle et a accompagné jusqu’à Montbéliard. C’est à Fellenberg qu’Alexandre aurait assuré qu’il voulait une Suisse autonome, indépendante, libre et heureuse.1 Capodistrias se devait de répondre au plus vite à une telle lettre. Il le fait en date du 23 janvier/4 février (Document n° 18), en termes très directs: «La Suisse sera constituée s’il le faut sans Berne Soleure et Fribourg, son sort ne sera point subordonné aux prétentions d’une minorité telle que le Patriciat de ces trois Cantons.» L’exaspération qu’a dû produire l’entrevue avec de Murait transparaît entre les lignes et ses sentiments, il ne craint pas de les exposer publiquement lorsqu’il écrit: «Je suis entré, Monsieur dans ces détails pour Vous mettre à même de les communiquer à ceux d’entre Vos compatriotes que Vous jugerés les plus en état de les apprécier d’envisager notre conduite, sans prévention, et d’agir sur l’esprit des autres avec succès.»

Quant au professeur Körtum, mentionné dans la lettre, il s’agit d’un des maîtres les plus célèbres d’Hofwyl.2 D’origine allemande, passionné par l’histoire de l’Espagne, il s’était enthousiasmé pour l’insurrection espagnole de 1808; il avait cherché à rejoindre les insurgés, avait été arrêté à Bostock comme espion par les Français, puis s’était évadé et réfugié en Suisse, à l’institut de Pestalozzi à Yverdon en 1811, d’où il passa l’année suivante chez Fellenberg. On comprend sans peine qu’il

1. Guggisberg, op. cit., t. II, p. 325.

2. Guggisberg, op. cit., t. II, p. 264-266.

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ait souhaité rejoindre comme volontaire les armées des Alliés. Muni de recommandations de Fellenberg pour Capodistrias, Wolkonsky et Barclay de Tolly, il accompagnera les armées jusqu’à Paris, avant de revenir à Hofwyl. Devenu professeur d’histoire à Berne en 1832, il sera considéré comme un dangereux révolutionnaire par les autorités suisses; il terminera sa carrière à l’université d’Heidelberg.

Premier projet de Pacte fédéral

A cette date du 4 février, Capodistrias a dû décider de mettre sa correspondance à jour, puisqu’il écrit une lettre assez anodine à sa famille1 et une autre, polie et quelque peu énigmatique, à David Hess (Document n° 19). Enfin, Lebzeltern adresse de son côté au landamman Reinhard la missive suivante:2

Ayant appris que le travail de la Commission relatif au Pacte fédéral est terminé et que Votre Excellence doit aujourd’hui le présenter à la délibération de la Diète, nous la prions Mr le Comte de Capo d’Istria et moi de vouloir bien nous en donner une communication confidentielle.

Cet ouvrage devant fixer les bases des relations futures de la Suisse, est trop important et pour cet Etat et pour les Puissances, pour que nous ne soyons pas appellés à y vouer un intérêt profond et direct. Nous désirerions même que cette communication précédât les ultérieures délibérations de l’Assemblée.

On voit donc que les ministres réclament de façon péremptoire le projet de ce pacte fédéral qui devait être discuté dès ce jour à la Diète.

Ce projet, élaboré depuis le 4 janvier au sein d’une commission de sept membres choisis par l’Assemblée fédérale, marque un retour très net dans la voie de la décentralisation par rapport à l’Acte de Médiation imposé par Napoléon en 1803. Il est fort bien résumé dans l’ouvrage de St. Lascaris:3 «Ce projet était plutôt un traité d’alliance en vingt-six articles qu’une véritable constitution. Il interdisait aux cantons de conclure des traités d’alliance séparés entre eux ou avec les puissances étrangères: seuls les traités économiques et les capitulations militaires

1. A.I.K., t. III, Corfou 1980, p. 229-230, no 82.

2. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 13-14. Correspondance des Ministres des Puissances alliées, période 1814-1818. Lettre publiée en partie dans Abschied 1813-1814, p. 67-68.

3. St. Lascaris, op. cit., p. 43.

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entre cantons et Etats étrangers étaient permis, à condition d’être soumis à la Diète. La Diète devait se réunir annuellement à Zurich, qui devenait le «Vorort» permanent de la Confédération. Elle était présidée par le bourgmestre en charge du canton de Zurich. Deux rédactions étaient proposées pour la manière de compter les voix à la Diète; d’après la première, chaque canton n’avait qu’une voix, tandis que, d’après la seconde, les cantons les plus populeux en avaient deux».

Deux jours plus tard, Lebzeltern et Capodistrias étaient en mesure de communiquer leurs «Observations sur le projet de constitution fédérale» (Document n° 20). Les ministres s’inquiètent des différends qui naîtront nécessairement lors de l’incorporation de cantons nouveaux comme Neuchâtel ou Genève, et plus encore lors de la répartition entre les anciens cantons de territoires attribués à la Suisse «par la munificence des Alliés»; ils proposent de remettre à plus tard la discussion de ces objets. Ils sont conscients du problème majeur de la Confédération en 1814 comme sous l’Ancien Régime: comment concilier les intérêts d’une majorité de cantons catholiques et d’une majorité de population protestante (les grandes villes ayant toutes adopté la Réforme). Si l’on donne un double vote à tous les cantons populeux, les cantons les plus anciens — les Waldstätten — se sentiront écrasés. Il faudra d’ailleurs attendre la constitution de 1848, qui s’inspire sur ce point du système bicaméral des Etats-Unis, pour que la question soit résolue de façon équitable. Enfin, c’est probablement pour tempérer les ressentiments bernois qu’ils proposent de limiter la prépondérance que ce projet accorde à Zurich.

Réaction de Monod

Extrêmement vive est la réaction du député vaudois Henri Monod qui sent sa patrie directement menacée par le passage suivant des Observations sur le projet de Constitution fédérale du 6 février «de proceder à des rectifications de limites en faveur des Cantons qui à l’époque de la révolution ont vu se détacher des portions de leur ancien territoire».1 Il écrit immédiatement le 9 février à Capodistrias la lettre suivante, dont le brouillon est conservé dans les archives de la famille:2

1. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 16v (notre Document no 20).

2. BCU, Fonds Monod, Kc2, p. 66-67.

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Monsieur le Comte

Voici encore une lettre, V. Ex. voudra bien l’excuser vû l’importance de l’objet pour nous.

Le fameux article de votre note sur la rectification des limites vient dêtre discuté en Diète, nous y avons representé qu’il remettoit en question ce qui avoit été décidé le 29 X. passé sur la garantie que se font les C(anto)ns, qu’il etoit en contradiction avec l’art. 1er du pacte fédéral actuel approuvé l’autre jour à l’unanimité qui garantit formellement à chaque C(anto)n son territoire, que ce principe paroissoit de plus avoir été reconnu à l’Exter(ieu)r. Nous avons ajouté que d’ailleurs ajourner la décision de cette question à une époque aussi indéterminée que la paix, c’estoit nous jetter pendant tout ce tems dans la défiance, dans l’inquiétude, nous exposer aux intrigues, nous empêcher de procéder à nos constitutions qui reposent plus ou moins sur l’étenduë du territoire, sur la population etc. Enfin que soumettre en définitive le jugement à des Parties intéressées, et donner 2 voix à celle qui devoit nous être contraire, c’etoit nous imposer une loi que la force seule des Puissances alliées pouvoit nous obliger de recevoir, mais que nous ne recevrions d’aucun autre, et que nous ne croyons point que ce fût là leur intention. Nous avons conclu en conséquence, ainsi que j’eus l’honneur, Mr le Cte, de vous en parler hier, ou que cet article sur la rectification des limites fut retranché du projet que nous présentoit la Commission, ou qu’on ajoutât à l’art, suivant — après la garantie de l’existence de N(otre) C(anto)n celle de l’intégrité du territoire.

Mr le L(andamma)n a parlé sur notre opinion comme ne croyant pas qu’on put rien retrancher ni ajouter, vû que la note venoit des Puissances Alliées. V. Ex. comprendra que je n’ai du rien dire là dessus, ni parler de l’explication qu’elle avoit eû la complaisance de me donner à ce sujet, et cela d’autant moins que Mr le L(andamma)n lui même a ouvert l’avis de renvoyer la discussion de l’article à demain afin que la Commission eût le tems de s’informer, si l’on pouvoit admettre quelqu’explic(atio)n.

C’est à quoi l’affaire en est, j’ai eû l’honneur de passer à votre Hôtel pour vous en informer, et vous prier de vouloir mettre Mr le Land(amman) à son aise sur ce point; n’ayant pas eû celui de vous rencontrer, je prens la liberté de vous écrire ce qui s’est passé à ce sujet

J’ai l’honneur etc.

Zurich le 9 fev. 1814

P.S. Je crois devoir avoir l’honr d’ajouter qu’il paroit d’autant plus à propos de laisser l’article en question de côté, que véritablement ce ne doit pas être un article constitut(ionnel).

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Si l’on se réfère au Registre des délibérations du Petit Conseil vaudois1 on lit à la date du 11 février: «Le C(itoye)n Monod informe, que sur cette note, il s’est rendu chez Mr de Capo d’Istria, lequel lui a parlé fort en détail des raisons qui les avaient engagés à faire cette note, raisons qu’il est difficile de donner par écrit; Mais que loin de trouver mauvais que le Canton fasse ses reserves, il l’a approuvé, en réitérant bien positivement que, quant à ce Canton, on n’a rien à craindre.» Enfin Capodistrias répond à Monod (Document n° 23), le 10 février probablement, missive non datée mais qui concerne sans doute possible cet incident.

Si le ton de la lettre de Monod reste très déférent, le député vaudois se montre dans ses Mémoires beaucoup plus critique pour le ministre du tsar. Déjà sur les événements de la fin janvier, il écrit:2

Alors Capo d’Istria, au lieu de se prononcer conformément aux intentions de son maître, et d’exécuter la menace qu’il disait avoir faite de ne pas reconnaître ces gouvernements, Capo d’Istria entra en négociations. Il prétendait que les voies de conciliation amèneraient un résultat plus stable et que, dans le cas où elles seraient inutiles, il serait toujours temps de forcer la réunion. En vain on lui prouvait que d’un mot il les obligeait à arriver; en vain on l’avisait des intrigues qu’on faisait jouer dans les petits cantons, qui finiraient par tout bouleverser; en vain on lui démontrait qu’alors il aurait beau vouloir, ce serait trop tard. Tout fut inutile; on ne put l’engager à changer son prétendu système de conciliation; il répondait par l’étalage des belles phrases qu’il écrivait dans ces cantons pour les convertir.

Plus loin, il rapporte avec une extrême véhémence la discussion à la Diète sur la note des ministres:3

Ainsi l’adoption du principe réclamé par Berne, et d’abord fortement repoussé par tous, d’une rectification de limites était proclamée; ainsi on remettait en problème l’intégrité des cantons d’Argovie et de Vaud arrêtée et solennellement promise; ainsi on renvoyait à un temps indéterminé la décision de cette question que sans doute il résoudrait contre eux. Si la parole de l’empereur de Russie était sacrée, si elle ne pouvait être suspectée, il faut

1. ACV, Régistre des délibérations du Petit Conseil pour les affaires de la Diète dès le 24 Mai 1813 au 10 Décembre 1814, no 5 J. 164, p. 140, séance du 11 février.

2. Monod, op. cit., t. I, p. 100-101.

3. ibidem, p. 106-107.

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avouer que son ministre, loin de travailler à la réaliser, avait l’air de faire tout ce qu’il fallait pour l’éluder. Aussi les députés de Vaud s’élevèrent-ils contre cette note avec un sentiment d’indignation qu’ils ne purent cacher.

Et il explique l’attitude de Capodistrias par une note acerbe:1

Il est difficile d’allier cette démarche de Capo d’Istria avec les ordres de son maître; il ne l’est pas moins de l’expliquer par cette idée de conciliation qu’il mettait toujours en avant, quand on le pressait de se prononcer comme l’avait fait et l’avait sans doute prescrit l’empereur. Ce qui paraît le plus probable c’est que, ainsi qu’on l’a dit, il était influencé par Lebzeltern et les anciens gouvernants; il en était entouré et paraissait se complaire avec eux; il était arrivé en Suisse vraisemblablement avec le préjugé qu’on avait répandu chez les Alliés que les partisans des changements survenus en Suisse étaient des jacobins et des bonapartistes, par là même des ennemis de la Coalition. Il pensait donc que les favoriser était aller contre les intérêts de l’empereur, qu’il envisageait peut-être, sinon comme un jacobin lui-même, ainsi que le prétendaient les Bernois, au moins comme n’ayant pas bien vu les choses. Reinhard d’ailleurs, quoique ne désirant pas qu’on rendît à Berne ses anciens pays, voulait bien qu’on lui en rendît une partie, dans l’espérance de partager; il convoitait un arrondissement comprenant tout ou partie du Comté de Baden, des Provinces libres et du Fricktal, qu’il trouvait à la bienséance de Zurich; en poussant le temps et laissant les affaires se brouiller, il comptait sur son habileté pour les débrouiller et les arranger de manière que Berne eût son ancienne Argovie et Zurich ces parties de ce canton. Il n’avait pas même renoncé à cette idée à Vienne, où elle nuisit essentiellement à la négociation dont il avait été chargé.

Il est équitable de mettre en parallèle les propos du colonel vaudois Ferdinand de Bovéréa, favorable aux Bernois, qui, commentant dans ses Mémoires les événements de janvier 1814, porte sur Capodistrias le jugement suivant:2

Ce Ministre possédant l’intime confiance de son maître, jouissait d’un grand crédit qu’il soutenait non moins par ses moyens et par ses vertus privées, que par la douceur de ses formes. Son esprit conciliateur échoua cependant dans sa louable tentative de réunir franchement Berne, Fribourg et Soleure au système fédéral, qui néanmoins a été généralement adopté depuis; elle lui suscita

1. ibidem, p. 108.

2. F. Rovéréa, op. cit., t. IV, p. 253-254.

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même d’ardents détracteurs parmi les patriciens exaltés, qui l’accusaient sourdement de vénalité, et hautement d’une prédilection outrée en faveur des libéraux, leurs antagonistes; imputation à laquelle il donna peut-être lieu par quelques fines allusions qui les blessèrent, ou par des paroles mal interprétées mais dont les événements le justifièrent bientôt, en attestant sa droiture et sa perspicacité.

Le 10 février, l’Assemblée des députés informe les ministres qu’elle a décidé de suspendre ses travaux:1

Ne pouvant, dans sa position actuelle, procéder plus outre, la Diète va envoyer ces mêmes propositions et les observations qu’elles ont fait naître aux Etats de la Suisse, en les invitant à départir à leurs députés les pouvoirs dont l’Assemblée actuelle se trouvait dépourvue, et qui seuls pourront rendre une nouvelle délibération plus féconde en résultats positifs. En conséquence les membres de la Diète vont se retirer momentanément auprès de leurs gouvernemens, afin de concourir à l’examen de ces matières importantes.

Après avoir exprimé ses regrets sur l’absence des cantons de Berne, Fribourg et Soleure, elle leur communique les lettres qui lui sont parvenues de ces gouvernements et demande «qu’il plaise aux Ministres de vouloir bien de leur côté contribuer à lever les obstacles qui s’opposeraient encore à la réunion complète de XIX cantons de la Suisse». Le passage suivant, concernant la note du 6 février, reflète bien officiellement l’intervention de Monod:

Ayant pris en sérieuse considération la note confidentielle qui lui a été présentée de la part de Monsieur le Chevalier de Lebzeltern et de Monsieur le Comte de Capodistria en date du 6 de ce mois, la Diète n’a pu se défendre d’un sentiment pénible en voyant que les par. 2 et 3 du premier article tendraient à ajourner jusques à la conclusion de la paix générale les difficultés territoriales qui pourraient exister entre quelques cantons. A l’époque de la paix, il importe que la Suisse se trouve sinon définitivement organisée, du moins dans une position satisfaisante de repos et de tranquillité; la rectification des limites dont on parle est d’une nature toute différente de celle du pacte fédéral; loin de souffrir quelque délai, elle devrait être accélérée autant que possible, car aussi longtemps qu’il reste quelque doute sur son objet et sur son étendue, il régnera nécessairement entre plusieurs cantons beaucoup d’inquiétudes et de défiances.

1. Abschied 1813-1814, p. 40.

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C’est par trois notes, datées du 2/14 février 1814, que les ministres allaient répondre au landamman (Documents nos 24, 25 et 26). Dans la première, ils l’informent de leur départ momentané pour le quartier général, tout en l’encourageant à persévérer dans la bonne voie. La seconde est une réponse à la lettre de l’Assemblée du 10 février et une marche à suivre assez impérative à l’égard des cantons dissidents. Ils proposent tout de même un terme de conciliation:

Après avoir formellement reconnu au nom des hautes Puissances Alliées l’Assemblée des XIX Cantons comme la seule vraie représentation de la Suisse à Leurs yeux, il est impossible aux soussignés d’admettre le retour de l’ancienne forme de représentation.

En demeurant fermement attachés à ce principe, les soussignés pensent, cependant que le Canton Directeur de Zürich pourrait inviter les XIII anciens Cantons à une conférence préliminaire et préalable à tenir avant la prochaine séance de la Diète. Le Canton de Berne y trouverait peut être les voies intermédiaires d’une conciliation et d’un arrangement définitif avec ses Co-Etats.

Cette proposition, qui devait fort inquiéter les Vaudois, était tempérée par la suite:

Si malgré ces moyens de conciliation Berne, Soleure, et Fribourg se refusaient à prendre part au travail de la Diète et à la réorganisation de la Suisse, ce seront ces trois Etats seulement qui répondront des suites dangereuses pour le bien être de la Confédération qui en pourront résulter.

La troisième note, en termes assez diffus, rappelle tout de même qu’

Il importe que dans cette époque majeure, et au moment de fixer définitivement les principes du nouveau pacte fédéral, la Suisse soit mise à même de connaître et d’apprecier les intentions des Souverains Alliés et le sort que Leurs Majestés Lui ont généreusement offert, ne lui demandant pour tout prix que son union, son bonheur et sa liberté.

C’est donc un jeu dangereux que de retarder cet accord.

Capodistrias au quartier général

Entre-temps, la situation militaire avait évolué. Les armées de la coalition avaient pénétré sur sol français. Napoléon à la tête de ses troupes quitta Paris le 25 janvier 1814 et tenta par une série de batailles d’empêcher la jonction des armées russo-prussiennes et autrichiennes. Après des

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revers partiels, il donna à Caulaincourt plein pouvoir pour entamer des pourparlers de paix, que désiraient Metternich et Castlereagh, mais auxquels s’opposait Alexandre. Ces négociations s’ouvrent à Châtillon-surSeine le 7 février et dureront six semaines.

Devant les exigences des coalisés et ayant la possibilité de les battre séparément, Napoléon reprend le combat et livre entre le 10 et le 18 février une série de batailles tant contre les troupes de Blücher que contre celles de Schwarzenberg, forçant par ailleurs le quartier général à se retirer de Troyes sur Langres et Chaumont. C’est précisément pendant ces jours critiques que nos deux envoyés rejoignent le quartier général. Dans son autobiographie, Capodistrias relate ainsi cet épisode:1

Nous trouvâmes les deux Empereurs à Troyes et nous y arrivâmes au moment où l’armée se retirait sur Langres et Chaumont.

L’Empereur Alexandre, s’étant arrêté quelques jours dans cette dernière ville, me donna les ordres définitifs que j’étais venu solliciter et me nomma son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près la confédération helvétique.

Dans les différentes audiences que Sa Majesté m’accorda à cette époque, je pris la liberté de mettre sous ses yeux une petite note sur les îles Ioniennes, par laquelle je suppliais Sa Majesté de ne rien décider sur le sort de ma patrie, sans me permettre de Lui exposer mon opinion sur ce point. L’Empereur me le promit et m’ordonna de retourner sans retard en Suisse afin d’y ramener la concorde.

Il était normal que dans son for intérieur, Capodistrias ait été terriblement préoccupé par le sort de sa patrie. Avec l’effondrement de l’Empire napoléonien, le sort des îles Ioniennes serait discuté et déterminé, et dans un premier temps, il était primordial que Capodistrias puisse exposer son point de vue sur la question à son souverain. On comprend qu’il ait saisi l’occasion qui se présentait ainsi à lui.2

Au moment où le sort de l’Europe entière se joue sur les champs de bataille, les discordes suisses devaient paraître négligeables aux yeux des souverains et l’élémentaire prudence devant l’issue incertaine des armes commandait que l’on attendît un peu pour régler le sort de la Suisse. C’est dans ce sens, de Troyes encore (donc avant le repli sur Chaumont), que Capodistrias écrit au landamman (Document n° 27), le 24 février:

1. Autobiographie, p. 188. Cf. A.I.K., t. I, p. 19.

2. G. Dafnis, op. cit., p. 273-274; C. M. Woodhouse, op. cit., p. 90-91.

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[...] La multitude d’affaires, qui se traitent aux Quartiers Généraux de Leurs Majestés, et les mouvemens Militaires, ainsi que les déplacemens, qu’ils entraînent, ne nous ont pas permis d’avancer assez notre travail, pour pouvoir fixer au 3 Mars notre retour à Zurich.

Désirant néanmoins être rendus à notre Poste, lorsque la nouvelle Diète ouvrira ses séances, nous prions Votre Excellence de vouloir bien reculer d’une quinzaine de jours l’époque de la réunion à Zurich de Mrs les Députés.

Loin de craindre, que ce retard n’entraine des inconvéniens pour les affaires, nous le croyons au contraire avantageux, en ce qu’il laisse plus de marge aux Cantons pour réfléchir avec maturité à la situation actuelle de la Suisse, à la leur en particulier, et à ce, que l’une et l’autre demandent de leur patriotisme et de leur sagesse.

Manière habile de présenter la situation; en fait, ce délai ne pouvait qu’être le bienvenu pour le landamman qui se débattait dans des difficultés intérieures croissantes.

Affaire lucernoise

Lebzeltern écrira deux autres lettres au landamman en date du 28 février, l’une donnant à la hâte quelques nouvelles militaires concernant surtout le corps de Wellington, l’autre plus officielle, répondant à une note de Reinhard sur les incidents de Lucerne.

En effet, la situation dans ce canton s’était brusquement transformée. On se rappelle que Lebzeltern et Capodistrias, en date du 8 février (Document n° 22), informaient Reinhard que les députés lucernois après «de longues discussions» semblaient accepter les propositions faites par le landamman et eux-mêmes sur la proportion des membres de représentants de la ville, de la campagne et des villes municipales au Grand Conseil. Un brouillon de lettre daté du 14 février et conservé dans les archives de la famille Amrhyn1 informe les ministres que le Grand Conseil de Lucerne vient de rejeter ces propositions. Mais dans le désir «de ne pas exposer la Suisse à des convulsions intestines» et se sentant encouragé par une partie de la population, les signataires, dont le nom ne figure pas sur le brouillon (mais il s’agit de membres du Petit Conseil et le brouillon est de la main de Franz Bernhard Meyer

1. STAATSARCHIV, Lucerne, Familienarchiv Amrhyn, FAA 2319. Le sens très confus de cette lettre et de la suivante provient aussi de ce que les Lucernois ne maîtrisaient qu’imparfaitement la langue française — et le copiste pas du tout.

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von Schauensee),1 ont décidé à contrecœur de se rallier tout de même à ces propositions. Deux jours plus tard, une nouvelle lettre2 annonce un revirement complet de la situation:

Messieurs!

La Lettre que nos Députés ont eu l’honneur de remettre à Votre Excellence hier, et la déclaration qui y étoit jointe, vous ont fait connoitre les motifs, qui ont engagé les membres de l’ancien Gouvernement, à accepter les propositions par la pacification du Canton de Lucerne. Nous en doutont pas que V.E. n’aient apreciés les sacrifices, qu’ils sont prêts à faire pour le maintient le rétablissement de l’ordre public.

Par la présente, V.E. apprendront que tout a changé de face chez nous depuis hier.

Le gouvernement irrité de la démarche que nous aviont faite, a proposé aujourd’hui des mésures de rigueur, qui tendoient à empecher l’execution de notre réorganisation. Un decret alloit être rendu, qui déclaroit que tout individu ou assemblée qui se permettroit de parler sur la revision de la constitution ou de la provoquer sera traité comme coupable de haute trahision. Monsieur Büttimann, Avoyer en charge s’y est opposé et a donne sa démission sur le camp.

Nos concitoyens en apprenant le danger, qui les menacoit, n’ont pas voulu survivre à leur honte, ils se sont conjurés pour secouer le joug qui petoit [sic pour pesoit] sur eux depuis l’acte de mediation, et qui alloit les ecraser pour jamais.

Une révolution compiette s’est opérée cet après diner dans notre ville, nos Bourgeois se sont ralliés autour de Son Excellence l’ancien Landamman Büttimann, ils se sont emparés de l’arsénal, des postes militaires et ont mis les membres du Gouvernement de l’Acte de Médiation hors d’activité.

En annonçant a V.E. que nous avons pris provisoirement les renes du gouvernement, nous venons en même tems vous assurer, qu’animés du même esprit de conciliation, qui distingue les membres de l’ancien Gouvernement, nous sommes bien loin de vouloir priver la campagne des avantages de droits qu’elle a acquise par la revolution, et adhérons entièrement aux propositions entendues et arrêtées a Zuric [...].

La suite de la lettre exprime le souci de rester en bons termes, malgré tout, avec les ministres. Il s’agit là d’un récit «arrangé» d’une

1. Renseignement communiqué par le Dr F. Glauser, archiviste d’Etat de Lucerne.

2. STAATSARCHIV, Lucerne, protocole du Petit Conseil, vol. 31a, du 16 au 24 février 1814, f. 27-28.

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révolution qui en fait jette Lucerne dans les bras de Berne et des cantons patriciens.

C’est probablement en recevant ces lettres des 14 et 16 février à Chaumont que Lebzeltern écrit, comme nous l’avons vu, le 28 février au landamman Reinhard.1 Très marri de la tournure qu’ont prise les événements à Lucerne, il encourage Reinhard à continuer ses «bons offices pour la conciliation de ce différend». Enfin, il le met en garde contre le moindre trouble à Zurich, qui se doit de donner l’exemple — donc nous pouvons en inférer qu’il est fort anxieux que la contre-révolution ne gagne du terrain en Suisse!

On retrouve à Chaumont, comme à Bâle quelques semaines plus tôt, un certain nombre de Suisses qui cherchent à influencer les «Grands» sur les affaires de leur patrie: des aristocrates vaudois modérés comme H. de Mestral de Saint-Saphorin et Benjamin Crud de Genthod. Capodistrias avait écrit de Zurich en date du 15 février une lettre à Nesselrode2 pour les introduire; ils désiraient présenter à Sa Majesté les vœux du canton de Vaud au sujet de sa constitution. On retrouve également l’Argovien Albert Rengger, qu icherchera à sauver in extremis les intérêts de son canton; et pour contrebalancer l’influence de Frédéric-César de La Harpe auprès du tsar, le gouvernement bernois envoie Gingins de Chevilly auprès de Castlereagh et ira jusqu’à se placer par lettre sous la protection du comte d’Artois !3 Enfin, le Genevois Pictet de Rochemont, alors secrétaire général de l’administration des territoires conquis, défend le plus souvent possible les intérêts de sa patrie. Capodistrias et lui ne semblent pas s’être rencontrés à ce moment. D’après les lettres à sa famille,4 Pictet est encore le 21 février à Troyes, mais aucune missive n’est datée de Chaumont. Pictet semble être rentré précipitamment à Genève, ayant appris qu’une armée française menaçait la ville et désirant mettre sa famille à l’abri.

1. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, Période 1814-1818, Correspondance des Ministres des puissances alliées avec le Landamman, f. 34. Copie au STAATSARCHIV, Berne.

2. AEG, ms hist. 45, f. 20, no 27, lettre de Capodistrias à Nesselrode, Zurich, 3/15 février 1814.

3. W. Martin, op. cit., p. 210. Van Muyden, op. cit., p. 97.

4. AEG, Archives de famille Pictet de Rochemont, 4.

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Rencontre de Capodistrias et de La Harpe

Par contre, c’est à Chaumont que Capodistrias allait enfin rencontrer le Vaudois Frédéric-César de La Harpe. En effet, l’ancien précepteur d’Alexandre avait réussi à passer de Paris à Langres à la fin du mois de janvier et les retrouvailles avec son élève, après douze ans de séparation, avaient été touchantes. Dès ce moment, il exerce une influence libérale prépondérante sur le tsar, ce qui ne manque pas d’inquiéter un certain nombre de Russes. C’est évidemment dans les affaires suisses que La Harpe est le plus écouté; sa rencontre à Chaumont avec Capodistrias était dans l’ordre des choses, d’autant plus qu’Alexandre Ier avait chaleureusement recommandé son plénipotentiaire à son ancien précepteur.1

Par chance, nous avons une lettre de Capodistrias à La Harpe du 28 février, qui donne le reflet de leurs entretiens (Document n° 28). Les troubles civils qui ont lieu en Suisse dans la seconde moitié de février engagent les Puissances alliées à intervenir plus directement dans la Constitution. Il est tout de même remarquable que Metternich ait accepté de confier le soin de la rédaction de ces principes à Capodistrias et non à Lebzeltern; et il est évident que les conseils du Vaudois favoriseront les nouveaux cantons. William Martin2 s’explique ainsi la concession de Metternich: le chancelier préféra céder au tsar sur les questions suisses pour obtenir des concessions sur des points plus importants à ses yeux.

On perçoit également dans la lettre que la situation militaire est en train de tourner en faveur des Alliés. Mais c’est précisément parce que ces derniers sont sur le point d’entreprendre des opérations décisives, que les affaires suisses deviennent urgentes. Il est indispensable d’éviter l’anarchie dans un pays qui par sa situation géographique pourrait, en cas de revirement, les couper de leurs arrières. Metternich préfère contrarier les Bernois plutôt que de risquer la guerre en Argovie ! De plus, tous les projets de paix ébauchés au cours de ces semaines prévoyaient que la France devrait reconnaître l’indépendance de la Confédération suisse et les institutions qu’elle se serait choisies. Il était donc urgent que le régime intérieur soit mis en place au plus vite.

1. Correspondance de Frédéric-César de La Harpe et Alexandre Ier, publiée par Jean Charles Biaudet et Françoise Nicod, Neuchâtel 1978-1980 (3 tomes). Pour tout ce qui concerne La Harpe, nous nous référons à cette édition magistrale. Ici, t. II, p. 506, no 238.

2. W. Martin, op. cit., p. 211. Pour ce passage et les paragraphes suivants.

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Les pourparlers de Chaumont

La journée du 2 mars fut consacrée à la discussion de l’imbroglio helvétique et les Alliés se mirent d’accord sur un certain nombre de principes, chacun faisant quelques concessions. Ils reconnurent ainsi l’existence des nouveaux cantons, soit une Confédération de XIX cantons. Ils encouragèrent vigoureusement les cantons dissidents à se joindre à la Diète de Zurich; ils suggérèrent que l’on offre à Berne des compensations territoriales pour la perte de Vaud et de l’Argovie, à prendre sur l’ancien Evêché de Bâle. Ils décidèrent de conférer à leurs représentants le titre de ministre plénipotentiaire et d’adjoindre à Lebzeltern et Capodistrias un représentant de la Prusse, en l’occurrence le Neuchâtelois Chambrier d’Oleyres. Plus tard, ils seront rejoints par un ministre plénipotentiaire anglais, Stratford Canning, qui présentera ses lettres de créance au cours du mois de juin 1814. Cette représentation quadripartite s’explique aussi par la conclusion du Pacte de Chaumont. C’est au cours de ces premières journées de mars que Castlereagh rédige puis fait signer le 9 mars (en l’antidatant au 1er mars), le traité qui a pour but d’interdire la conclusion de toute paix séparée avec la France, d’empêcher le maintien ou le retour au pouvoir de Napoléon, et d’unir pour une durée de vingt ans l’Angleterre, la Prusse, l’Autriche et la Russie. En contrepartie de cette alliance, l’Angleterre versa immédiatement le subside de cinq millions de livres promis pour l’année 1814 dans le but de financer les opérations militaires.

Le lendemain de ce 2 mars capital pour le sort de la Suisse, Capodistrias écrit au landamman (Document n° 29) une lettre fort évasive, mais ce n’était pas le moment pour lui d’en dire plus. Lebzeltern laisse davantage percer ses sentiments de désillusion sur sa mission en Suisse dans la lettre qu’il écrit le 4 mars au Genevois François d’Ivernois:1

Je Vous remercie de vos expressions relativement à ma mission en Suisse; elle est devenue difficile et épineuse; j’y voue tout ce qui dépend de moi, c’est à dire la meilleure volonté, un esprit de conciliation et l’intérêt le plus sincère. Mais, il m’a été pénible de voir d’anciens et nouveaux germes de jalousie et de désunion, une malheureuse divergence d’opinions, et l’esprit de parti enfin, entraver l’œuvre salutaire de la libre réorganisation de la Suisse, et rendre même aujourd’hui problématique que les Cantons puis-

1. BPU, ms suppl. 977, vol. II, f. 121, correspondance d’Ivernois (copie). L’original se trouve dans les Archives Lullin déposées aux Archives d’Etat de Genève (vol. 1, carton 4, dossier B).

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sent d’eux mêmes fixer leur Constitution. La Suisse déçoit ainsi l’attente et la confiance des Cours Alliés; elle perd en même temps les plus beaux momens et les plus utiles, de paroître d’une manière honorable et digne d’elle au rang des Puissances.

Je vais retourner à Zurich et si en suite de notre nouveau plan les choses ne s’arrangent pas d’après des points de vue d’intérêt général, la Suisse ne devra pas se plaindre des conséquences qui pourront en résulter pour elle.

Votre Pays sera sous peu à même, j’espère, de jouer un rôle distingué dans la Confédération. Je me suis occupé de ses intérêts avec une satisfaction réelle [...].

Enfin, la lettre que La Harpe adresse le 7 mars à son ami saintgallois Müller-Friedberg reflète si bien l’ambiance des pourparlers de Chaumont que nous la transcrivons en entier. Si nous nous rappelons la prévention que La Harpe manifestait à son ami Monod en décembre 1813 contre le «Monsieur du pays d’Ulysse», nous sommes d’autant plus agréablement surpris de l’éloge qu’il fait maintenant du ministre du tsar. Par contre, en ancien ministre de la République Helvétique, il reste beaucoup plus préoccupé de la mise en place d’un gouvernement central fort que des constitutions cantonales chères à Capodistrias. On notera enfin son souci de ne pas paraître l’homme d’un parti (ce qu’il est en fait aux yeux de la majorité des Suisses!), mais de réaffirmer son désir de travailler avant tout au bonheur de sa patrie:1

Monsieur

Il est si difficile de correspondre dans ces tems-ci, que je n’ai pu répondre tout de suite à la Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire le 5e Février. J’ai lu avec beaucoup d’attention le Mémoire qui l’accompagnait, et fait mon possible pour tirer parti de son contenu.

On a beaucoup travaillé en faveur de votre turbulent Pancrace2 et de son chapitre. On auroit même voulu revenir sur d’au-

1. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Müller-Friedberg Archiv 1810-1819, MF 32. 10, n°s 89-90. Lettre de La Harpe à Müller-Friedberg, de Chaumont, 7 mars 1814.

2. Pancrace Vorster (1753-1829), de Wil. Personnage très remuant, élu abbé de Saint-Gall en 1796, fut obligé de quitter l’abbaye en 1799, après l’occupation française en Suisse, travailla sans relâche en exil pour le rétablissement de l’ancien régime ecclésiastique. Après l’Acte de Médiation, où fut reconnue entre autres l’existence du canton de Saint-Gall, le landamman Karl Müller-Friedberg (à qui est adressée cette lettre de La Harpe) s’opposa aux efforts que faisait Pancrace à Paris en vue du rétablissement des couvents en Suisse. Les démarches dans le même sens entreprises par l’abbé Pancrace auprès des Alliés en 1814 aboutirent, comme le pressent ici La Harpe, à lui faire attribuer une pension de 6000 florins, par l’acte du 20 mars 1815 au Congrès de Vienne (DHBS).

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    de donner de l’ombrage aux nouveaux Cantons et plutôt faire des réserves pour des dedommagemens [...].

    Je pus facilement me persuader dans cette audience, que ces Messieurs comme Mr Reinhard étoient fortement contrequarrés de nos dernières résolutions, et que malgré qu’ils prétendissent avoir des moyens pour consommer l’ouvrage sans nous, la chose leur étoit presque impossible, vû la resistance des petits Cantons contre la centralité; et j’ai tout lieu de croire qu’ils sont dépourvus et d’instructions et de moyens pour parvenir à leur but et à nous contraindre par des voies coërcitives, et que les seules armes, qu’ils ont contre nous, existent dans des libelles et en recevant et en excitant des remontrances de nos propos [sic] ressortissants.

    Je n’eus au reste qu’à me louer de la politesse et prévenance de ces Messieurs, qui me prièrent de les revoir, si je ne retournois pas moi même à Berne, en m’assurant combien ils avoient à cœur de servir ma patrie [...].

    Cet entretien est suivi d’une audience chez Reinhard, puis d’une nouvelle entrevue avec Lebzeltern qui, carte en mains, discute des concessions qui pourraient être faites de part et d’autre.

    De Murait conclut son rapport assez imprudemment:

    Cette Diète, conduite par Mr de Reinhard, sous la direction de MMrs Capo d’Istria et de Lebzeltern, qui la forcent, pour ainsi dire, à rester réunie, languit sans travail, excepté celui que fait la Commission législative [...].

    Il paroit indubitable qu’une plus longue absence des 3 Cantons mettra les plus grandes entraves aux projets de Messieurs les Agents Diplomatiques et à la confection du nouveau pacte fédéral, et que cette Diète ephémère sera bientôt forcée de faire place à une assemblée plus légale.

    C’est dans cette direction que s’engage résolument le gouvernement bernois. Dans les semaines suivantes, d’autres hommes d’Etat écrivent à Metternich ou à Castlereagh pour défendre les intérêts de leur patrie. Berne est régulièrement informée de ce qui se passe au quartier général et sur le front des armées alliées par le baron neuchâtelois J. P. de Chambrier; et elle se sent assez puissante pour encourager en sous-main toute une série de mouvements locaux dans les cantons des Waldstätten qui se joignent au camp des conservateurs.

    Ces intrigues bernoises sont exposées avec clairvoyance par Capodistrias à Alexandre dans le rapport qu’il lui en\roie directement le 3 février 1814:1

    1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 553-555.