Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Εμφανείς σελίδες: 179-198 από: 454
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à la date d’hier à Votre Gouvernement répondent par anticipation aux communications que le Grand Conseil du même Canton vient de leur faire en date du 28 Juin.

Le principe de la souveraineté des Etats Helvétiques étant reconnu, il n’y a aucun doute que le Canton du Tessin, de même que ses Co-Etats, a le droit de statuer librement sur son organisation intérieure. Les observations faites au sujet du projet de Constitution, les considérations dont elles dérivent, et l’application dont elles sont susceptibles, assiéront sur des bases inébranlables la souveraineté et l’indépendance du Canton du Tessin et assureront le succès le plus complet à l’entreprise à laquelle son Grand Conseil consacre actuellement ses soins et ses honorables travaux.

Dans cette conviction, les Soussignés s’abstiennent d’entrer dans d’autres développements au sujet de la note du 28 juin et prient le Gouvernement du Tessin de porter l’attention la plus particulière à l’importance d’achever le plus promptement possible la reconstitution de son Canton.

Sig.

Schraut

Sig.

le Comte Capodistrias

Cette réponse est envoyée par l’intermédiaire de Busca, le député du Tessin à la Diète, qui rend compte également de la longue conversation qu’il a eue avec Capodistrias.1 Ce dernier insiste surtout sur la bienveillance des Puissances alliées qui ont reconnu les cantons tels qu’ils existaient en 1803 et qui ont accepté de considérer les Tessinois, de sujets qu’ils étaient sous l’Ancien Régime, comme citoyens d’un canton souverain et indépendant. Cependant il ajoute: «Les Puissances veulent votre bonheur, vous font don de votre souveraineté et de votre indépendance: mais Elles ne veulent avoir à leur frontière une nation, et encore moins une petite partie de celle-ci, qui garde les principes de cette liberté et de cette égalité mal comprise, qui ont coûté tant de sang à toutes les autres nations et dont Elles veulent absolument voir éteint non seulement l’effet, mais jusqu’à la mémoire.» Elles ne toléreront donc pas un Etat qui garderait les principes dus à la Révolution. Aussi le Tessin doit-il se doter d’une constitution semblable à celles des anciens cantons qui ont été heureux pendant plusieurs siècles de leur organisation interne. Les Puissances alliées ne déposeront les armes que lorsqu’elles auront établi la sécurité et l’indépendance dans chaque Etat. «Tels sont les sentiments des Puissances Alliées, que je vous communique confidentiellement, faites-en part à votre Gouvernement, à qui nous écrivons en termes plus modérés: mais dites-lui que cette modération

1. ibidem, DIV. 643, no 5 (en italien).

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est un effet de ces égards qui sont dus à un Etat déjà reconnu par nos Souverains et indépendant; mais qu’elle n’est pas un effet de la faiblesse, car à l’obstination, ils sauront opposer force et énergie.»

Il semble que l’avis ait été entendu, puisque le 10 juillet, le Grand Conseil avait mis au point un nouveau projet,1 qui tenait compte en partie des observations des ministres dont la copie, non datée, figure dans les papiers de Vincenzo Dalberti:2

Observations sur le second projet de Constitution du Canton du Tessin

Les Ministres des Puissances Alliées ont vu avec satisfaction que les nombreuses et importantes observations auxquelles avait donné lieu le premier projet de constitution du 4 mars 1814 ont été prises en considération et que le Grand Conseil a modifié d’une manière avantageuse les dispositions de l’acte constitutionnel. Les Ministres se persuadent volontiers que des considérations d’un grand poids ont motivé la détermination du Grand Conseil dans les points sur lesquels le nouveau projet s’éloigne de leurs vues. Ils applaudissent particulièrement à la manière avec laquelle les attributions respectives des deux autorités supérieures ont été déterminées; ils félicitent le Grand Conseil d’avoir arrangé avec le consentement réciproque la difficulté relative au chef-lieu. Enfin, ils ne se refusent pas à croire que la manière établie dans le nouveau projet pour la composition du Grand Conseil, peut convenir aux circonstances locales, particulières au Canton. En conséquence, les Ministres des Puissances Alliées se bornent maintenant à reproduire un petit nombre d’observations spéciales, par lesquelles ils invitent l’autorité législative à porter encore quelques changements à la rédaction définitive.

Art. 15. de la nouvelle rédaction. Les Ministres voient avec peine que l’on persiste à vouloir obliger le Conseil d’Etat à choisir les fonctionnaires et employés à l’extérieur du sein du Grand Conseil. Si cette restriction convient pour les employés subalternes de l’administration ou autres, elle aurait au contraire de graves inconvénients pour les emplois plus importants, qui exigent des facultés distinctes, une garantie morale et économique qu’il ne serait pas toujours facile de trouver si l’on excluait par principe de ces emplois les Membres du Grand Conseil. Les Ministres demandent par conséquent la suppression de cette clause exprimée au § 3 de l’art. XV.

1. ibidem, DIV. 643, n° 6.

2. ARCHIVIO CANTONALE, Bellinzone, Papiers Vincenzo Dalberti. Nous traduisons à nouveau le texte italien.

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Art. 17 § 5. Vu qu’il semble peu convenable de faire mention dans la Constitution cantonale du Conseil fédéral, dont l’institution ne repose encore que sur un simple projet, les termes «comme aussi le représentant au Conseil fédéral» devraient être rayés de cet article.

§ 7. Il ne suffit pas de dire que le Grand Conseil exerce le droit de grâce après avoir entendu l’avis du Conseil d’Etat; mais il faut établir d’une manière expresse, que le droit de grâce n’est exercé par le Grand Conseil que sur la proposition formelle du Conseil d’Etat. L’observation de l’initiative légale du Conseil d’Etat est absolument de rigueur; aucune proposition de grâce ou de diminution de peine ne peut naître du sein du Grand Conseil.

Art. 22. Il n’y a aucune raison d’exclure les juges de paix du Grand Conseil; ni les membres du Grand Conseil des fonctions de juges de paix; le Gouvernement doit pouvoir conférer ces fonctions respectanles à n’importe quel homme honnête et capable de les exercer. Les termes «à l’extérieur du sein du Grand Conseil» sont donc à supprimer.

Sig.

Schraut

Stratford Canning

Le Comte de Capodistrias.

On notera qu’il s’agit d’un des premiers documents signés également par Stratford Canning.

Ce projet, où l’on a largement tenu compte des remarques des ministres, sera accepté par le Grand Conseil tessinois le 29 juillet 1814; mais sa mise en vigeur — et la situation de la Léventine — provoqueront des troubles graves en automne 1814, matés avec peine par l’intervention de troupes fédérales.

Argovie: observations sur le constitution cantonale

C’est ensuite à la constitution argovienne que Capodistrias et Schraut ont consacré leurs soins. Le projet de cette constitution avait été élaboré à Lausanne par Albert Rengger.1 Ce médecin argovien avait joué un rôle politique important sous la République Helvétique et la Médiation, puis s’était établi à Lausanne; au cours de ces mois troublés de 1814, il fait le lien entre Vaud et son pays d’origine. Il représentera ensuite l’Argovie et Saint-Gall au Congrès de Vienne et reprendra des fonctions politiques de premier plan en Argovie sous la Restauration. Son projet de constitution, qui figure en français dans les archives d’Aarau, bien conçu du point de vue juridique,

1. Dierauer, op. cit., V, 2, p. 411-412.

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est encore très marqué par certaines conceptions révolutionnaires et napoléoniennes: le système censitaire, le renouvellement par tranche des Assemblées, les divisions territoriales en districts, cercles, communes. Il était normal du reste que Rengger ne propose pas un changement radical de l’administration et du gouvernement d’un canton qui était né à l’époque de l’Acte de Médiation et n’avait pas connu l’indépendance sous l’Ancien Régime. Mais on comprend que les ministres aient été soucieux d’harmoniser ces constitutions libérales avec celles des anciens cantons — c’est le point de vue que Capodistrias vient de soutenir de vive voix devant les magistrats vaudois ! D’où la lettre que Capodistrias et Schraut envoient aux conseillers d’Argovie pour accompagner leurs observations sur le projet de constitution.1

Les soussignés Envoyés extraordinaires et Ministres plénipotentiaires de leurs Majestés Impériales, aggissant aussi au nom de leur Collègue le Ministre de sa Majesté le Boi de Prusse, ont accordé une attention toute particulière au projet de la constitution du Canton d’Argovie. Les observations çi-jointes qu’ils s’empressent de transmettre au Gouvernement d’Argovie, sur le dit projet partent du principe, que les nouveaux Cantons doivent par leur réorganisation intérieure se mettre en rapport et établir des liens indissolubles avec les anciens. C’est de cette seule manière qu’on pourra définitivement rallier les intérêts politiques de ces nouveaux Etats avec ceux des fondateurs de l’indépendance helvétique.

C’est à la bienveillance des hautes Puissances alliées que l’Argovie doit son existence et son intégrité. Il est à espérer conséquemment que Ses Magistrats s’empresseront de faire adopter à ce Canton les principes que les Soussignés croient les plus propres à raffermir son indépendance et à assurer son bonheur.

Dans cette conviction les Soussignés attendent pour résultat de la présente communication l’achèvement heureux et prompt de l’œuvre important dont les Magistrats de l’Argovie s’occupent actuellement avec un zèle distingué. Zuric, 28 Juin 1814.

sig:/

Le Comte Capo d’Istria

sig:/

Schraut

Pour Copie conforme.

Chancellerie du Canton d’Argovie

[en bas à g.:] A Mrs le Président et Conseillers du Canton d’Argovie.

Les observations des ministres2 sont en allemand, mais, comme cela est indiqué en tête du document, il s’agit d’une traduction; il est re-

1. STAATSARCHIV, Aarau, Akten Grosser Rat, Gesetze und Akten vom Jahr 1814, Fasz. «Verfassung des Kantons Aargau», 4. Juli 1814.

2. STAATSARCHIV, Aarau, même cote.

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grettable que l’original français ait disparu. En les retraduisant, on s’aperçoit que des phrases entières figurent textuellement dans les observations adressées aux gouvernements de Saint-Gall le 7 juillet et de Vaud le 10 juillet. Nous reproduisons les passages les plus intéressants de ces remarques:

Observations sur le projet de constitution du Canton d’Argovie.

On ne peut qu’approuver les vues sages qui sont à la base de ce projet de constitution. Il se distingue avantageusement de ceux qui ont été présentés par les nouveaux cantons et donne matière à beaucoup moins d’observations que ceux-ci. Les observations qui suivent sont soumises aux autorités du canton d’Argovie par les ministres des Puissances alliées.

L’une des remarques constantes des ministres concerne l’augmentation du nombre des membres du Conseil d’Etat (ou Petit Conseil) qui exerce le pouvoir exécutif. Le nombre idéal leur paraît treize. Ils justifient ainsi leur préférence:

Fixer à neuf le nombre des membres du Conseil d’Etat est estimé insuffisant en considération aussi bien de l’importance de la fonction que de la nécessité d’appeler à ces postes des hommes qui par leur fortune, leur éducation et la confiance publique sont particulièrement désignés pour occuper les premières magistratures de l’Etat.

Un Conseil d’Etat plus nombreux est moins jalousé, inspire une plus grande confiance. Il embrassera mieux les différentes branches de l’administration publique et peut à cette fin se diviser en plusieurs chambres.

On estime que le Conseil d’Etat devrait être composé de 13 membres dont au moins six devraient appartenir à la confession protestante et au moins six à la confession catholique.

Par la suite, les ministres utiliseront l’accord des Argoviens de porter à treize le nombre des conseillers d’Etat comme argument choc pour emporter l’adhésion des Saint-Gallois et des Vaudois à cette proposition.

Le deuxième point qui semble particulièrement inquiéter Capodistrias — et à juste titre — est le nombre exagéré de juges de paix établis dans chaque cercle sous l’Acte de Médiation. Il insistera pour qu’on le diminue, ceci dans les trois cantons:

Il serait difficile que la charge honorable de juge de paix soit administrée par des hommes vraiment capables si l’on de-

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vait établir dans chaque cercle une pareille charge de juge de paix. On propose donc de réunir deux cercles sous un juge de paix et d’adjoindre à chacun d’eux deux assesseurs dont l’un sera pris dans chacun des cercles.

Nous n’entrerons pas dans le détail des observations concernant le mode d’élection des 150 membres du Grand Conseil. Les nominations directes ou indirectes se feraient selon un système extrêmement compliqué, qui réserverait selon le désir des gens en place, les sièges aux gens les plus fortunés et éloignerait les milieux de la bourgeoisie moyenne et du peuple des institutions gouvernementales.

Nous noterons par contre le souci des ministres, dans un canton mixte du point de vue confessionnel, de tenir la balance égale entre catholiques et protestants:

A l’exemple des anciens cantons, on souhaiterait placer à la tête du Conseil d’Etat argovien deux chefs, l’un catholique, l’autre protestant, qui alterneraient d’année en année dans la présidence. Cette institution sanctifiée par l’expérience de plusieurs siècles, a l’avantage d’assurer une meilleure union des deux corps de l’Etat et d’accroître la considération du gouvernement lui-même. Ces deux chefs seraient appelés Bourgmestres, titre aussi populaire que vénérable. Le bourgmestre en charge exerce la présidence du Grand Conseil et du Conseil d’Etat. En cas de besoin, il est remplacé dans ces deux Conseils par son collègue.

Enfin, les ministres vont proposer de retirer du projet de constitution le titre 5 concernant sa «mise en activité» (ce qui était justifié du point de vue juridique) et suggérer un mode de faire uniforme pour les nouveaux cantons, avec le souci d’éviter une rupture complète entre les deux régimes:

Quant à la mise en activité de la constitution, les Ministres des Puissances Alliées estiment qu’elle devrait émaner de la législation actuelle sans aucune sanction ultérieure. Ensuite de l’acceptation de la Constitution, un tiers de l’actuel Grand Conseil serait renouvelé dans une égale proportion de ses membres directs et indirects. Immédiatement après, le Grand Conseil nommerait le Conseil d’Etat et le Tribunal d’appel; le second tiers du Grand Conseil serait renouvelé de la même manière en 1815 et le dernier tiers en 1816. C’est sur ces bases que le Gouvernement d’Argovie est invité à faire les règlements nécessaires.

Comme le remarque Dierauer:1 «Au demeurant, (les ministres) ne

1. Dierauer, op. cit., t. V, 2e partie, p. 412.

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purent, pas plus que Rengger lui-même et d’autres hommes d’Etat libéraux de l’époque, se soustraire au courant politique prédominant. Ils craignaient de faire participer largement les masses à la gestion des affaires publiques».

Les remarques des ministres furent discutées au Grand Conseil argovien, ce que nous apprend un brouillon de lettre de Herzog à Capodistrias.1 Cette lettre du 2 juillet recrée bien le climat du moment:

reponse à Mr De Capodistria

Aarau le 2 Juillet 1814

Monsieur le Comte!

Il ne me reste qu’un moment pour repondre par le retour du Courrier à l’aimable lettre que votre Excellence a bien voulû m’adresser en date de hier et de lui temoigner toute ma gratitude pour le Souvenir precieux dont elle m’honnore.

Il est vrai que plusieurs Persones ont tiré des Conséquences désavantageuses du prompt passage de votre Excellence par n(otre) V(ille) mais je suis bien loin d’être de ce nombre connoissant trop l’Interet et la Bienveillance qu’elle porte pour notre Canton. J’espere que nous aurons l’honneur de vous posseder bientôt parmis nous et de pouvoir vous exprimer de vive voix les sentimens de reconnoissance et de l’attachement inébranlable dont tous les bons Argoviens sont pénétré.

Notre Grand Conseil est assemblé comme vous le savés deja Monsieur le Comte, depuis lundi passe pour discuter l’acte de la Constitution federale et le Projet de la Constitution Cantonale. Le premier a été adopté unanimement et le dernier le seroit aussi si les observations que Leurs Excellences les Ministres des Hautes Puissances alliées ont eû la Bonté de nous communiquer, n’avoit pas occasioné quelques changements qui ont nécessairement entravé la Discution. Je pense que cet ouvrage sera terminé mardi prochain et me flatte d’avance que votre Excellence en sera satisfait vu que les observations sages qu’elle a daigné nous faire ne trouverons aucun obstacle.

Il paroit que Messieurs les Bernois veulent accomplir le mal qu’ils ont commencé. Ils organisent et rassemblent leur Reserve dans toutes les Parties des Cantons et nous savons de bonne source qu’ils forment des Depots d’armes et de munitions sur nos frontières. Cette atitude hostile d’un Canton voisin ne peut autrement que provoquer des mesures de precaution de notre part; nous nous en occupons dans ce moment mais avec le sentiment le plus

1. STAATSARCHIV, Aarau. Correspondance entre Capodistrias et J. Herzog. Brouillon (ou copie) d’une lettre de Herzog. Il est regrettable que la lettre de Capodistrias à Herzog du 1er juillet ait disparu.

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penible. Il seroit temps de metre un terme a toutes ces menees qui desolent malheureusement deja trop long temps la Suisse et qui ne manquerons pas de la livrer en Proie d’une guerre civile si la main Protectrice qui veille sur nous n’areste pas promptement ce Tems scandaleux des Passions.

Deux jours plus tard, le Grand Conseil argovien adoptait la constitution cantonale, en tenant compte de la plupart des remarques des ministres. Le texte de cette constitution fut immédiatement imprimé1 et assez largement diffusé. Il allait servir de modèle à la constitution de plusieurs des nouveaux cantons.

Le 6 juillet, le président du Petit Conseil adressait aux ministres la lettre suivante:2

Excellences!

Nous avons reçu en son tems, la Note et les observations que Vos Excellences! agissants aussi au nom du Ministre de sa Majesté le roi de Prusse nous ont adressé en date du 28e Juin, sur le projet de notre constitution cantonale.

Ces preuves de l’intérêt, et de l’attention particulière de Vos Excellences nous parvinrent dans le moment, ou le projet après la revision du Petit Conseil et peu différent de celui qui leur fut communiqué en son tems, etoit soumis a la deliberation du grand Conseil; nous nous sommes donc empressé de retirer ce projet pour profiter des observations de Vos Excellences ! et y faire les changemens nécessaires.

Le grand Conseil après une mûre deliberation exigée par la nature d’un objet aussi important, a adopté avec empressement et presque a l’unanimité, la Constitution dont nous chargeons nos Députés a la Diète, de remettre quelques exemplaires a Vos Excellences! Ils auront l’honneur de Leur développer les motifs et les vues qui ont conduit le grand Conseil dans cette délibération.

Si notre Canton doit a la protection bienveillante des Souverains alliés la conservation de son existence et de l’intégrité de son territoire, il doit une bonne et heureuse organisation intérieure aux intentions favorables et aux conseils éclairés de Vos Excellences.

Il se rendra digne de Ces bienfaits en remplissant les devoirs que son pacte social lui impose, en se rappellant toujours avec la plus vive reconnoissance des Auteurs de son bonheur. Cette re-

1. STAATSARCHIV, Aarau. Un exemplaire figure dans les Gesandtschafts Berichte du 20 décembre 1813 au 16 août 1814; un autre exemplaire dans AA2 Mappe P, 2e série (Berns Ansprüche auf Aargau und Waadt, Beilage).

2. STAATSARCHIV, Aarau, Gesandtschafts Berichte, ibidem. Copie d’une lettre du 6 juillet 1814 à Capodistrias et Schraut.

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connoissance se transmettra aux générations futures, et ne sera egalée que par le dévouement sans bornes, qui ne s’effacera jamais du cœur de nos concitoyens.

C’est avec ces sentimene que nous prions Vos Excellences ! d’agréer l’assurance de la plus haute consideration que nous Leur avons vouë.

Le Président du petit Conseil /

sig/ Luscher

Le Chancelier

sig. Kasthofer

/C.C. le Chancelier du Canton

J.L. Bachmann

Les ministres ne pouvaient que se féliciter de la rapidité avec laquelle les Argoviens avaient mené l’affaire à terme. Cette constitution fut mise en vigueur sans difficulté dans le canton. Malheureusement, dès ces premiers jours de juillet, la tension montait à nouveau entre Berne d’un côté, Argovie et Vaud de l’autre, comme le laisse entendre la lettre de Herzog du 2 juillet. Nous y reviendrons plus loin.

Le 30 juin, les ministres allaient expédier une série de notes comminatoires aux gouvernements des Grisons, de Saint-Gall, de Glaris et de Schwytz.

Grisons

L’ingérence des minisres dans les affaires des Grisons est assez inattendue. Sous l’Ancien Régime, les trois Ligues (Grise, de la Maison-Dieu et des Dix-Juridictions) avaient formé une confédération alliée à la Confédération suisse. Elles avaient donc un statut assez différent des autres cantons. A l’écroulement du régime napoléonien, le comte de Salis-Soglio avait joué un rôle important dans le comité de Waldshut, et sous son influence, un parti s’était formé qui avait réclamé le retour politique à l’Ancien Régime et envisageait même la séparation des Grisons de la Suisse, en les plaçant sous le protection autrichienne. Capodistrias avait informé le tsar des troubles qui s’étaient produits à Coire dans son rapport du 8 janvier, de même que dans son rapport du 3 février.1 Il l’avait mis au courant des attaques très violentes dont Lebzeltern avait été la cible aux Grisons. Quelques jours plus tard, le Petit Conseil des Grisons, dominé par le parti libéral, avait adressé une lettre d’excuses à Lebzeltern, mettant ainsi fin à la querelle. Dans l’affaire de la Valteline au printemps 1814, l’attitude des

1. V. supra, pp. 52 et 63.

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ministres, qui avaient soutenu le point de vue de la Diète et proposé l’envoi d’une force armée suisse, n’avait peut-être pas été appréciée d’un certain nombre d’habitants des Grisons. Quoi qu’il en soit, il importait que les Grisons se prononcent clairement et définitivement pour leur rattachement à la Suisse et se dotent au plus vite d’une constitution cantonale qui soit en accord avec celle des autres cantons. C’est ce que leur signifient impérieusement les deux notes que leur écrivent Schraut et Capodistrias en date du 30 juin 1814.1 Nous pouvons supposer qu’elles ont été rédigées en français — on y retrouve quelques tournures chères à Capodistrias — mais qu’elles ont été traduites en allemand par Schraut ou son secrétariat: l’exemplaire de la copie déposée aux Archives fédérales est du reste transcrit sur le papier bleu caractéristique du ministre autrichien.

Dans la première note, constatant que certains dans les Grisons continuent à se poser la question d’une scission éventuelle des Grisons et de la Suisse et imaginent que l’Autriche est favorable à ce dessein, les ministres tiennent à affirmer que les Puissances alliées sont irrévocablement décidées à maintenir le lien qui unit les trois Ligues à la Confédération, et Schraut en particulier engage les magistrats grisons à châtier quiconque de leurs compatriotes soutiendrait ce parti et à le considérer comme mutin et perturbateur de l’ordre public. Ils estiment que tous ceux qui s’opposent à la ratification du Pacte fédéral et entravent la rédaction de la constitution cantonale risquent d’exposer leur patrie à la perte définitive des territoires détachés (il s’agit évidemment d’une allusion à la Valteline).

La seconde note concerne le statut interne des Grisons. Les ministres jugent indispensable de conserver les améliorations apportées par l’Acte de Médiation. Ils s’opposent formellement au retour à l’Ancien Régime qui avait été marqué par l’anarchie, les émeutes populaires, l’absence de législation et de discipline civique. Ils mettent en garde les magistrats qu’en tant que membre de la Confédération, les Grisons doivent se doter d’une constitution qui aille de pair avec celles des autres cantons. Cette condition est essentielle pour que les Puissances alliées puissent accorder à cette constitution leur garantie et leur protection.

Ils engagent les magistrats grisons à hâter la rédaction de cette

1. ARCHIVES FÉDÉRALES, 1983, f. 103-104 et f. 107-108, publiées dans Abschied 1814-1815, t. I, p. 221-222 (ici, la deuxième note est datée du 1er juillet 1814). Un résumé en allemand en est donné dans le Protocole du Petit Conseil de 1814, Coire, n° 1485, suivi de la réponse aux ministres.

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dernière et lorsqu’elle sera achevée, à dépêcher à Zurich un ou plusieurs hommes de confiance avec lesquels ils pourront délibérer.

Dans son accusé de réception,1 quelques jours plus tard, le Gouvernement des Grisons regrette que la conduite de quelques-uns de ses membres ait donné lieu aux déclarations des ministres, mais reconnaît que ces notes très fermes auront clarifié la situation. La majorité des communes a accepté le nouveau pacte fédéral et le gouvernement a en quelque sorte les mains libres pour préparer le projet de constitution cantonale qui sera présenté aux ministres par leurs députés à la Diète.

Malheureusement, les lettres originales des ministres n’existent plus dans les archives de Coire. Nous les connaissons uniquement par les résumés qui figurent dans le protocole du Petit Conseil et précèdent les réponses de ce Conseil. Ainsi le 11 août, les membres du Petit Conseil adressent une lettre de remerciements aux ministres, pour leur note du 5 août que nous n’avons pas retrouvée:2

A Leurs Exs les Ministres d’Autriche, de Russie et d’Angleterre près la Confédération Suisse.

Jointes à la lettre que Vos Excellences nous ont fait l’honneur de nous addresser le 5 de ce mois nous avons reçus outre la copie de l’arrangement convenu entre les differentes deputations de notre Canton, les observations par les quelles Vos Excellences constaté l’attention qu’Elles ont bien voulu donner au projet de Constitution de notre état.

Si nous avons observé avec la plus vive satisfaction que dans sa totalité ce projet à obtenu l’approbation de Vos Ex(cellences) nous ne sentons pas moins le devoir de Leur présenter nos sinceres remercimens de l’interet qu’Elles ont daigné prendre à la reorganisation de notre Canton et aux effets salutataires qui doivent en résulter.

Persuadés comme nous sommes nous meme, que la mise en activité de la nouvelle constitution ne doit pas etre retardée, nous ferons tout ce qui depend de nous pour l’accelerer aussitôt quelle sera ratifiée par les communes.

Nous prions etc.

Il aurait été intéressant de pouvoir comparer les observations faites par les ministres à cette constitution qui était avant tout l’œuvre du libéral Jean-Frédéric Tscharner à celles faites aux cantons d’Argovie,

1. STAATSARCHIV GRAUBÜNDEN, Coire, Protocole du Petit Conseil, séance du 6 juillet 1814, no 1425.

2. STAATSARCHIV GRAUBÜNDEN, Coire, Protocole du Petit Conseil, séance du 11 août 1814, n° 1491.

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de Saint-Gall et de Vaud. Le problème le plus délicat à résoudre dans le cas des Grisons était l’équilibre à trouver entre la majorité protestante et la minorité catholique, concentrée dans un certain nombre de communes. Dans l’ensemble, cette constitution fut une réussite: le fédéralisme des trois Ligues subsistait, mais il était tempéré par la mise en place d’autorités centrales législatives, exécutives et judiciaires. Les communes obtenaient un droit de référendum pour toute nouvelle loi ou modification de la constitution, ce qui établissait un régime démocratique beaucoup plus prononcé que dans la plupart des cantons.1 Elle fut adoptée par les communes et entra en vigueur le 12 novembre 1814.

Saint-Gall et Schwytz

Si les pourparlers avec les Argoviens et les Grisons avaient été relativement faciles, les tractations avec les magistrats de Saint-Gall allaient se révéler plus ardues.

Le canton de Saint-Gall, tel qu’il avait été reconnu par l’Acte de Médiation, était composé de contrées qui n’avaient pas de passé historique commun et dont les intérêts divergeaient: la ville de Saint-Gall, protestante et jalouse de ses privilèges; les anciennes possessions de l’abbé de Saint-Gall, le très remuant Pancrace Vorster qui avait intrigué à Chaumont, et dont les intérêts étaient soutenus par le nonce du pape; la ville de Rapperswil elle aussi jalouse de ses prérogatives; le Bheintal, le pays de Sargans dont les habitants se seraient volontiers réunis aux Grisons ou à Glaris, et enfin le district d’Uznach, que Schwytz était prêt à accueillir. En fait, plusieurs de ces régions avaient été sous l’Ancien Régime bailliages des Waldstätten, de Glaris ou d’Appenzell, qui comptaient sinon les récupérer, du moins être indemnisés pour leur perte. Il ne s’agit donc pas d’un canton homogène comme Vaud, dont les habitants se sentaient liés par un sentiment patriotique qui les poussait à refuser toute concession territoriale.2

Capodistrias, conscient du danger que provoquait ce mécontentement latent, avait cherché en mai à hâter la révision de la constitution cantonale, en convoquant à Zurich Müller-Friedberg et quelques autres magistrats. Il n’avait pas réussi à mener le travail à terme avant son départ le 20 mai.3 Les intrigues avaient dû continuer de plus belle,

1. Dierauer, op. cit., t. V, 2e partie, p. 419.

2. ibidem, p. 413-415.

3. v. supra, p. 132.

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puisque le 24 mai, Schraut s’était décidé à écrire une note très ferme au gouvernement de Saint-Gall pour l’engager à réprimer tout désordre, à exiger des ressortissants l’obéissance aux autorités établies, à maintenir le statu quo jusqu’à ce que la constitution cantonale fût terminée.1 Le Petit Conseil, au fond soulagé de se sentir soutenu en haut lieu, y avait répondu le 28 en termes très flatteurs pour les ministres.2 Une des premières tâches qui attendait donc Capodistrias à son retour de Paris était de reprendre les pourparlers avec la commission saint-galloise chargée de rédiger le projet. Et c’est à l’instigation de MüllerFriedberg3 que Capodistrias et Schraut ont une entrevue avec les députés de Saint-Gall à la Diète, à Zurich le 29 juin, à la suite de laquelle ils expédient le lendemain une note au gouvernement de Saint-Gall (Document n° 59) et une autre, courte et bien sentie, aux Landamman et Conseils des Etats de Schwytz et de Glaris.4 Ils les préviennent qu’ayant entendu parler des menées qui ont lieu dans ces cantons pour obtenir les territoires d’Uznach et de Sargans, les ministres des Puissances alliées tiennent à préciser qu’il n’est pas question de toucher d’une quelconque façon au territoire actuel du canton de Saint-Gall, que la Diète est chargée de maintenir la paix intérieure et, si l’avertissement n’est pas compris, de sévir contre les perturbateurs; qu’enfin les ministres soutiendront la Diète de toutes leurs forces.

Dans ces cantons particulièrement fiers de leur séculaire indépendance, le ton et le contenu de cette note a dû créer un certain scandale. Et c’est probablement pour en atténuer l’effet par des conversations directes que Capodistrias se rend à Glaris le samedi 2 juillet, saisissant l’occasion d’assister à la Landsgemeinde du dimanche 3. Nous n’avons pas de témoignage glaronais sur cet épisode, mais le connaissons grâce à Muret, une fois de plus,5 et grâce aussi, nous l’avons vu, à une lettre de Saladin à Turrettini.6 Et comme nous n’avons aucun signe d’activité du ministre avant le mercredi 6, nous pouvons supposer qu’il a prolongé quelque peu son séjour dans la région.

1. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Allg. Akten R.1, F. 3 1814. no 5 F. 5, R.1, note de Schraut, Zurich, 24 mai 1814.

2. STAATSARCHIV, Saint-Gall, ibidem, n° 760, brouillon de la réponse du Petit Conseil à Schraut, 28 mai 1814.

3. Dierauer, op. cit., t. V 2, p. 414.

4. Abschied 1814-1815, t. I, p. 210.

5. ACV, Rég. des Délib., p. 262, séance du 4 juillet. Lettre de Muret du 2: ...«que lui Mr de Capo d’Istria part pour Glaris, pour assister à la Landsgemeinde».

6. v. supra, page 109, note no 3.

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C’est probablement dans la même intention lénifiante qu’a lieu l’entrevue de Schraut et Capodistrias avec le député de Schwytz à la Diète Auf der Maur. Celui-ci, le 2 juillet, écrit à son gouvernement qu’il a vu les ministres de Russie et d’Autriche, «tous les deux plus doux et plus contents que leur lettre ont craint les voyes d’energie, qui demasqueroient enfin l’inefficacité de leurs pouvoirs [sic], lors que je les ai tranquilisé à ce sujet en leur observant que le Canton de Schwitz soutiendroit avec fermeté une réclamation, de la justice de la quelle il etoit pénétrée, mais qu’il desiroit en même tems d’obtenir l’objet de ses reclamations par une négociation aimable, ils ont promis d’interposer leurs bons offices pour y engager le Canton de S* Gall. Cette négociation devrait même s’entamer incessamment...».1

Le façon par ailleurs assez confuse de rapporter l’entrevue est en contradiction absolue avec la lettre que Capodistrias expédie le 8 juillet (Document n° 61) à de Beding, qui lui semble le seul Schwytzois capable de ramener sa patrie à la raison:

[...] Votre Auf der Maur est insoutenable. Il précipite et gâte les meilleurs affaires. Ce sont ses propos et sa manière outrée de les traiter qui ont provoqué les lettres que nous avons écrites à Votre Canton et à ceux de Glarus et de S. Gall.

Sous peu de jours la Diète doit s’assembler. Je connais d’avance les divergences et les protestations. Si Votre Canton adopte les ratifications que le Canton de Glaris à donnée au Pacte fédéral, j’aurais lieu de croire encore à la possibilité d’une conciliation, au moins je l’essayerai pour la derniere fois. Venés donc Monsieur le Landamman m’aider de Vos lumières de Votre crédit, et de Votre Coopération. Si toutes nos peines doivent être perdues, si une mediation soutenue par la force des armes doit encore malheureusement deshonorer votre Patrie, si enfin votre véritable indépendance doit disparaître par la volonté absurde de quelques mauvaises têtes, prenons nous y au moins de manière que notre conscience n’ait rien à nous reprocher. Je vous parle en Suisse, parceque j’ai eu aussi une patrie, et parceque je n’ai plus l’espoir de la voir renaître d’elle même [...].

Les termes émouvants de la dernière phrase montrent que Capodistrias ne conservait que peu d’espoir de changer au Congrès de Vienne le sort des îles Ioniennes. Quant à l’entrevue du 2 juillet, on peut se demander si Capodistrias s’est montré trop conciliant pour atténuer l’ef-

1. STAATSARCHIV, Schwytz, G.5 1814, Lettre dAuf der Maur au Conseil, du 2 juillet 1814.

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fet brutal de sa note, ou si le français très sommaire d’Auf der Maur — voir sa lettre au Conseil — ne lui a pas permis de saisir les nuances diplomatiques de la langue des ministres.

Pour en revenir à Saint-Gall, objet du litige, les ministres expédient le 30 juin une note dont le texte est imprimé en allemand dans les Recès de la Diète;1 ils y exposent clairement le point de vue des Puissances alliées: il n’est pas question d’un morcellement du canton; ni Uznach, ni Sargans, ni n’importe quelle autre partie du territoire ne doivent être séparés du canton de Saint-Gall; il n’est pas question non plus que le prince abbé retrouve ses droits et possessions. Et le gouvernement est chargé de le faire savoir à l’ensemble des territoires du canton. La note, malgré les quatre-vingts kilomètres qui séparent Zurich de Saint-Gall, est imprimée dès le lendemain in extenso par le Petit Conseil sur une affiche grand format, le Conseil ordonnant que le texte soit lu publiquement dans toutes les églises du canton et affiché dans tous les lieux habités.2

Si les ministres donnent un appui officiel important au gouvernement en place à Saint-Gall, ils vont exiger en contrepartie, dans une note du 30 juin également (Document n° 59), que la rédaction de la constitution cantonale soit achevée au plus vite, en tenant compte des réclamations de la ville de Saint-Gall et de la partie catholique du canton. Ils proposent leur médiation à ce sujet et souhaitent que le président de cette commission et Müller-Friedberg viennent à Zurich pour leur présenter le projet. Le gouvernement de Saint-Gall rédige le 1er juillet une réponse séparée pour chacune de ces deux notes.3 Voici un passage de la première: «C’est un bienfait, qui laissera des traces profondes dans les cœur de nos habitans et un souvenir fait pour perpétûer un attachement loyal et inviolable aux augustes monarques, que vos Exc. réprésentent avec tant de Dignité et de Bienfaisance.»

L’affaire est menée avec célérité puisque le 7 juillet, les ministres ont déjà reçu le projet, l’ont discuté avec les intéressés et envoient une lettre d’accusé de réception, suivie de leurs observations, qui ne couvrent pas moins de sept pages grand format (Document n° 60). Nous regrettons de ne pas connaître le projet de la commission. Mais d’après les observations, nous pouvons constater que les ministres se préoccupent de la défense des intérêts des minoritaires, par exemple

1. Abschied 1814-1815, t. I, p. 210-211.

2. STAATSARCHIV, Saint-Gall, exemplaire dans Hauptakten, R.1.

3. STAATSARCHIV, Saint-Gall, Allgem., R.1, F.4, nos 980 et 981.

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de la situation de Rapperswil par rapport à la ville de Saint-Gall. Ils sont soucieux de l’application des principes généraux, comme celui de la séparation des pouvoirs et de leur équilibre, avec une délimitation précise des pouvoirs des Grand et Petit Conseils. Ils cherchent avant tout à harmoniser les constitutions cantonales, en prenant pour modèle la constitution d’Argovie, par exemple pour la détermination du cens, pour la fixation du nombre des membres du Grand Conseil à 150; et celui du Petit Conseil à 13; dans la façon d’élire les membres du Grand Conseil selon un système compliqué de nominations directes et indirectes, qui restreint la participation populaire dans le choix des magistrats. Enfin, il s’agit d’accorder un pourcentage fixe de sièges aux membres des deux confessions. Si dans le canton d’Argovie, les deux confessions étaient à peu près à égalité, à Saint-Gall il y a majorité de catholiques, d’où la proposition d’accorder pour le Grand Conseil 82 sièges aux catholiques et 68 aux protestants, proportion à appliquer dans les autres corps, et la suggestion de nommer deux chefs d’Etat, que l’on désignerait sous le nom de bourgmestre ou d’avoyer, un de chaque confession (en Argovie, ils devaient se succéder d’une année à l’autre).

Le 16 juillet, le Petit Conseil accusait réception des Observations:1 ...«Nous n’avons pû méconnoitre l’esprit sage et bienfaisant, qui les a concû, et les mains bienveillantes, qui les ont tracé. Nous avons recommandé à la Commission de révision de les adapter au possible à son projet, et nous avons fait entendre au grand conseil, combien de pareils conseils doivent être considérés.» Le Grand Conseil confie le soin d’aller présenter la constitution révisée aux ministres à une députation composée des députés à la Diète Zollikofer et Beutti, du conseiller d’Etat Müller-Friedberg et du député au Grand Conseil Mathias Naef.

Le 20 juillet, les ministres sont en mesure d’accuser réception du second projet de la constitution qu’ils ont discuté avec la députation, mais «persuadés de la Confiance que le Grand Conseil de St Gall placera toujours dans leurs intentions et leurs avis impartiaux ils croient devoir lui adresser quelques remarques réitérées sur une partie des points qui n’ont point été pris en égale considération» (Document n° 65). Cette note est signée également par le ministre plénipotentiaire anglais Stratford Canning.

Les nouvelles observations forment un petit cahier retenu par un cordon et couvrent presque sept pages; elles émanent du secrétariat de Capodistrias. Les ministres insistent sur la surveillance que le gou-

1. ibidem, no 1043. Brouillon de lettre du 16 juillet 1814.

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vernement doit exercer, dans des bornes bien délimitées, sur les affaires religieuses, matrimoniales et ecclésiastiques des confessions séparées; cette subordination de l’Eglise à l’Etat, couramment appliquée dans les cantons protestants, ne pouvait être du goût de l’Eglise catholique. Ils réitèrent leur appui à Rapperswil, qui doit jouir de privilèges comparables à ceux de Saint-Gall. Ils réclament l’augmentation des membres du Petit Conseil, en insistant pour qu’il atteigne au moins le nombre de 11; ils se préoccupent de la levée des impôts et donnent enfin des conseils judicieux pour la mise en vigueur du nouveau régime.

Ces documents importants sont confiés à Müller-Friedberg (Document n° 66) pour qu’il les amène à Saint-Gall. La constitution cantonale sera finalement acceptée par le Grand Conseil le 31 août, mais suscitera une véritable révolte populaire, comme nous le verrons plus loin.

Vaud

Enfin, les ministres allaient envoyer le 10 juillet leurs Observations sur la constitution du canton de Vaud. Mais là, les tractations préliminaires avaient été facilitées par le passage de Capodistrias à Lausanne. Il avait eu, on s’en souvient,1 une longue conversation sur cet objet avec quelques membres du Petit Conseil; il est intéressant de constater que ses remarques verbales avaient porté surtout sur la nécessité d’élever le cens dans plusieurs cas, pour permettre à la classe des propriétaires d’être bien représentée dans les Conseils, de fixer à 13 le nombre des membres du Petit Conseil et de réduire celui des juges de paix, pour éviter que leur charge ne tombe dans les mains de gens incompétents. Le nombre considérable de juges de paix venait de ce que, depuis l’Acte de Médiation, ils étaient placés à la tête de chaque cercle (soixante pour le Pays de Vaud) et exerçaient en plus de leurs fonctions judiciaires des fonctions administratives à la tête du cercle.2

Il est vraisemblable que ces observations traduisent la pensée propre de Capodistrias, en tout cas proche des instructions reçues à Paris, puisqu’il n’avait pas revu son collègue Schraut depuis son voyage à Paris, lors de son passage à Lausanne; et nous constatons que nous

1. V. supra, p. 160-162.

2. G. Arlettaz, Libéralisme et société dans le Canton de Vaud (1814-1845), Lausanne 1980, p. 98. Pour le commentaire de la constitution, nous utilisons le chap. III de cet ouvrage.

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retrouvons ces observations dans les remarques faites aussi bien aux Argoviens, qu’aux Tessinois et aux Saint-Gallois: il y a sur ces points une volonté bien nette d’harmonisation qui est l’œuvre spécifique du ministre russe. Mais il nous semble que s’il a raison en ce qui concerne la justice, il se méprend en ce qui concerne l’attribution de privilèges électoraux aux seuls propriétaires terriens. La tradition helvétique favorisait les citoyens des villes par rapport aux sujets des campagnes, mais n’accordait pas d’importance particulière à la propriété foncière. Il est vrai que les deux choses se confondaient souvent, puisque la plupart des notables des villes plaçaient une partie de leur fortune dans des propriétés rurales. Mais l’élimination politique, dans les constitutions de 1814, d’une partie de la population citadine active, non-propriétaire mais exerçant un métier indépendant et jouissant souvent de biens mobiliers, et qui désirait participer aux affaires de l’Etat, fut une des erreurs du régime de la Restauration.

Nous pensons d’autre part qu’il a été influencé dans ses idées par la rencontre qu’il a eue à Lausanne avec les chefs de l’opposition de Seigneux et Polier, et vraisemblablement aussi avec de Mestral de Saint-Saphorin.

Enfin, Capodistrias revient chaque fois à sa proposition d’augmenter le nombre de membres du Petit Conseil, soit du gouvernement, à 13; l’avenir lui donnera tort, puisque actuellement encore, dans la plupart des cantons — et même au niveau fédéral — ce sont sept conseillers qui se partagent le pouvoir exécutif.

La prudence proverbiale des Vaudois les avait poussés à attendre «le résultat du retour de Mr de Capo d’Istria à Zurich, afin de voir si, comme il l’a insinué dans la conversation, il nous écrira à cet égard». Le 22 juin, le Petit Conseil s’attelle tout de même au travail, réalisant que le projet doit être prêt pour l’ouverture de la Diète le 11 juillet. Les conseillers prennent connaissance du rapport de Muret du 23 sur la conférence qu’il a eue avec Capodistrias à son retour:1

[...] Mr de Capo d’Istria a dit qu’il avait été charmé de faire la connaissance des Membres du Gouvernement de ce Canton; qu’il y a trouvé de véritables hommes d’état, etc., qu’il a vû avec plaisir combien le Gouvernement était considéré, combien l’Empereur de Russie était aimé dans le Canton etc.

Venant ensuite à la Constitution, Mr de Capo d’Istria a dit: «Il vous faut finir et au plutôt; vous mettrez votre Constitution

1. ACV, Rég. des Délib., p. 247-249, séance du 25 juin, lettre du 23.

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sur le champ en activité, ou vous retarderez cette epoque comme vous le voudrez; mais il faut finir, avoir quelque chose à présenter, c’est l’essentiel.» Il a ensuite parlé du projet de Constitution. Il y a, a-t-il dit, de très bonnes choses, il faut que vos Gouvernans demeurent en place; seulement il faudrait exiger quelque propriété des membres directs etc. Il a insisté sur la réduction du nombre des Tribunaux; il a parlé de nos formes, en disant qu’il ne suffit pas d’avoir pour soi sa conscience et la raison; qu’il faut aussi n’être pas trop en désaccord avec ceux avec qui l’on doit soutenir des relations.

Après avoir résumé son voyage en Suisse,1 le ministre fait connaître à Muret son projet, qui reste un peu confus pour nous:

[...] Si l’acte fédéral est généralement accepté, tout est dit: S’il ne l’est pas par la majorité, ou qu’il ne le soit que par une faible majorité, alors l’Empereur de Russie offrira son alliance particulière à quelques Cantons, au Canton de Vaud en particulier. Alors je voudrais bien savoir qui vous attaquera? Vous aurez la force morale par votre alliance avec la Russie, et la force physique par vos propres moyens. Je leur en ai dit quelque chose à Berne; ils ne s’y attendaient pas, ils sont restés bouche béante; il faut qu’il y ait un clou rivé entre vous et eux, je vous en réponds; — il faut (a-t-il dit) que tout en acceptant l’acte fédéral qui deffend les alliances particulières, vous fassiez quelque reserve qui vous laisse libres au besoin: cela leur donnera à penser; mais la rédaction est délicate, nous en reparlerons, etc.

Mr de Capo d’Istria a dit qu’il allait parler avec Mr de Schraut; qu’ils verront ensemble s’il convient que ce soit la Diète ou que ce soit eux qui donnent l’impulsion au Canton de Vaud; que dans tous les cas lui Mr de Capo d’Istria agira seul et offrira au besoin au Canton l’alliance particulière de la Russie.

Le 28 juin, Muret écrit:2 «Mr le Comte a parlé de l’augmentation du nombre des Membres du Petit Conseil; il desire que la mise en activité de la Constitution soit insensible, que le Petit Conseil demeure et qu’on y ajoute des membres du parti opposé etc.». Muret suggère en outre d’ajouter à la constitution un article semblable à celui de la constitution de Zurich sur la religion. Précisons que Vaud était, comme Zurich, un canton entièrement protestant, ce qui supprimait la question délicate de la répartition des sièges et des charges entre les deux confessions qui se posait en Argovie, à Saint-Gall et dans les Grisons.

1. V. supra, pp. 165 et 167.

2. ACV, Rég. des Délib., p. 255, séance du 1er juillet, lettre de Muret du 28 juin 1814.

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De Seigneux, lui, n’avait pas perdu de temps pour se mettre au travail. Le 24 juin, il envoie à Capodistrias son projet de constitution accompagné d’une lettre que nous transcrivons, étant donné qu’elle traduit bien les sentiments de sa classe:1

Monsieur le Comte

Pénétré de reconnaissance pour les efforts que fait votre E. dans le but de procurer à la Suisse entiere une Constitution qui lui assure un bonheur durable et qui soit en rapport avec la regeneration politique de la plus grande partie de l’Europe je compte parmi les jours heureux de ma vie celui ou j’ai eu le bonheur de faire la connaissance personnelle de V.E. et ou j’ai pu en lui exprimant ma gratitude lui presenter mes voeux pour la reorganisation de ce Canton. La Bonté avec la quelle V.E. a écouté et accueilli nos observations et l’invitation qu’Elle a bien voulu faire à Mon ami Mr de Mestral de lui soumettre mes idées par écrit m’enhardit Mr le Comte a vous les adresser directement sous la forme du projet de Constitution ci joint. Je me flatte que V. E. y reconnaîtra l’Esprit de Modération et de Conciliation des hommes de ce Canton dont j’ai l’honneur de partager l’opinion et qui à si juste titre reclament un ordre de choses plus equitable et plus en harmonie avec celui qui, graces aux victoires des armées alliées, s’établit dans tous les états qui ont été courbés sous le despotisme de la France Bevolutionnaire. Nos interets les plus chers Ceux de nos familles et de nos neveux étant entre les Mains de V. Ex. Nous attendons avec une pleine confiance le résultat de ce qui va etre décidé par la puissante intervention des puissances Mediatrices Voir disparaître de chez nous des formes odieuses qui rappelle sans cesse cette fureur démagogique qui a tant coûté de larmes et de sang voir remplacer par des Magistrats [biffé: équitables] respectables ceux dont le seul mérité fut d’applaudir à tout le Mal qui se faisoit et de donner au Peuple égaré des Gages de leur immoralité voir enfin succeder à une constitution vicieuse et mauvaise dans ses principes un ordre de choses qui laisse à chacun sa place dans l’Etat assure la tranquillité au dedans et l’Estime au de hors Voila Monsieur le Compte [sic] mon vœu et celui des hommes de ce Canton qu’un esprit de parti injuste a sans cesse écarté de la chose publique depuis 1803.

Ayant joint au projet de Constitution que je prend la liberté de soumettre à V.E. quelques observations generales je n’ajouterai rien de plus si ce n’est qu’ayant eu connaissance du Projet de Constitution presente au Grand Conseil du Canton dans sa derniere seance j’y ai retrouvé ce même principe vicieux que nous reprochons à celle sous laquelle nous existons c’est à dire des Elections

1. BCU, Fonds de Seigneux, IS 1931, brouillon de lettre de G. H. de Seigneux à Capodistrias, Lausanne, 24 juin 1814.

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    à la date d’hier à Votre Gouvernement répondent par anticipation aux communications que le Grand Conseil du même Canton vient de leur faire en date du 28 Juin.

    Le principe de la souveraineté des Etats Helvétiques étant reconnu, il n’y a aucun doute que le Canton du Tessin, de même que ses Co-Etats, a le droit de statuer librement sur son organisation intérieure. Les observations faites au sujet du projet de Constitution, les considérations dont elles dérivent, et l’application dont elles sont susceptibles, assiéront sur des bases inébranlables la souveraineté et l’indépendance du Canton du Tessin et assureront le succès le plus complet à l’entreprise à laquelle son Grand Conseil consacre actuellement ses soins et ses honorables travaux.

    Dans cette conviction, les Soussignés s’abstiennent d’entrer dans d’autres développements au sujet de la note du 28 juin et prient le Gouvernement du Tessin de porter l’attention la plus particulière à l’importance d’achever le plus promptement possible la reconstitution de son Canton.

    Sig.

    Schraut

    Sig.

    le Comte Capodistrias

    Cette réponse est envoyée par l’intermédiaire de Busca, le député du Tessin à la Diète, qui rend compte également de la longue conversation qu’il a eue avec Capodistrias.1 Ce dernier insiste surtout sur la bienveillance des Puissances alliées qui ont reconnu les cantons tels qu’ils existaient en 1803 et qui ont accepté de considérer les Tessinois, de sujets qu’ils étaient sous l’Ancien Régime, comme citoyens d’un canton souverain et indépendant. Cependant il ajoute: «Les Puissances veulent votre bonheur, vous font don de votre souveraineté et de votre indépendance: mais Elles ne veulent avoir à leur frontière une nation, et encore moins une petite partie de celle-ci, qui garde les principes de cette liberté et de cette égalité mal comprise, qui ont coûté tant de sang à toutes les autres nations et dont Elles veulent absolument voir éteint non seulement l’effet, mais jusqu’à la mémoire.» Elles ne toléreront donc pas un Etat qui garderait les principes dus à la Révolution. Aussi le Tessin doit-il se doter d’une constitution semblable à celles des anciens cantons qui ont été heureux pendant plusieurs siècles de leur organisation interne. Les Puissances alliées ne déposeront les armes que lorsqu’elles auront établi la sécurité et l’indépendance dans chaque Etat. «Tels sont les sentiments des Puissances Alliées, que je vous communique confidentiellement, faites-en part à votre Gouvernement, à qui nous écrivons en termes plus modérés: mais dites-lui que cette modération

    1. ibidem, DIV. 643, no 5 (en italien).